Les interventions en séance

Aménagement du territoire
15/05/2013

«Proposition de loi, visant à moderniser le régime des sections de commune-Deuxième lecture»

M. Pierre Jarlier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est très satisfaisant de voir cette proposition de loi relative aux biens de section revenir au Sénat pour une seconde lecture sept mois seulement après la première lecture. Je tiens d’ailleurs à remercier le groupe du RDSE et son président de leur excellente initiative. Je crois que je peux légitimement me faire le porte-parole des nombreux élus, en Auvergne et plus largement dans les territoires de montagne, qui m’ont sollicité, interrogé, fait part de leurs inquiétudes sur cette question particulièrement complexe des biens de section. Il faut dire que la mobilisation des élus a été forte, notamment au sein de l’association des maires du Cantal, pour faire évoluer ce régime ancestral issu du droit féodal. Ce droit d’un autre temps peut non seulement provoquer des blocages importants sur le terrain en constituant, parfois, un frein au développement de la commune, mais aussi susciter de lourds contentieux dans lesquels les maires sont en première ligne et sont parfois injustement inquiétés. Depuis des décennies, nos élus sont confrontés à cette situation litigieuse. Le législateur est intervenu à maintes reprises, notamment par la loi Montagne, puis par la loi relative aux libertés et responsabilités locales, afin de tenter de répondre aux difficultés concrètes soulevées par la gestion des biens de section. Cependant, faute de précisions et, à certains égards, de cohérence, ces évolutions ont parfois favorisé l’émergence de lourds contentieux. Malgré la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, la gestion des biens sectionaux constitue toujours, il faut le dire, un vrai casse-tête pour les maires comme pour les juristes. Aussi est-il important d’aller plus loin et de faciliter cette gestion quotidienne par un dispositif législatif clair, qui offrira plus de marge de manœuvre aux communes et facilitera leur intervention, tout en respectant, bien entendu, les intérêts de la section et de ses ayants droit. C’est le sens de la proposition de loi visant à moderniser le régime des sections de commune, déposée par le groupe du RDSE et son président Jacques Mézard. Le texte initial proposait le relèvement des seuils de création des commissions syndicales, l’assouplissement du recours à la procédure simplifiée de transfert ou encore la mise en place d’un transfert à l’initiative de la commune. Dans le cadre de la première lecture, notre commission des lois a largement étoffé la proposition de loi en élargissant son champ d’application. Ces compléments ont permis de densifier et d’améliorer le texte qui comprend désormais trois volets principaux : la possibilité de transfert à la commune de biens de section de façon très encadrée, notamment pour ceux qui sont en déshérence ; la clarification et la rationalisation du régime juridique des biens de section ; l’amélioration des conditions de leur gestion, notamment en ce qui concerne les modalités d’attribution des terres à vocation agricole et pastorale. Ces deux derniers volets sont d’ailleurs la traduction des amendements que j’avais déposés à l’issu d’un travail de rédaction mené en lien étroit avec la chambre d’agriculture et les maires du Cantal. Le rapporteur de l’Assemblée nationale a conservé l’esprit du texte issu des travaux du Sénat tout en apportant des compléments utiles, s’agissant notamment de la nouvelle possibilité de transfert des biens sectionaux à la commune pour un motif d’intérêt général, avec le renforcement de l’information des membres de la section, la consultation de la chambre d’agriculture en cas de transfert de biens agricoles ou pastoraux et une procédure d’indemnisation des ayants droit pour la perte de jouissance. Au terme de cette première lecture, notre commission a jugé « la présente proposition de loi équilibrée entre la défense de l’intérêt général et le maintien ou la création de garanties pour les membres de la section » et n’a donc procédé à aucune modification du texte adopté par nos collègues députés. Autrement dit, la commission nous propose un vote conforme. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les membres de l’UDI-UC adhérent pleinement à cette proposition. Nous voterons ce texte tel qu’il nous est proposé par l’Assemblée nationale et la commission des lois du Sénat. Pour quelles raisons ? Pour nous, le texte tel qu’il est maintenant rédigé répond à l’attente des maires tout en préservant le droit des membres de la section, nouvelle appellation simplificatrice ― ce n’est pas si fréquent ! ― qui fusionne désormais les notions d’ayant droit, d’électeur et d’éligible à la commission syndicale. Ce texte répond aussi à la démarche que j’ai engagée il y a plus d’un an avec le groupe UDI-UC en déposant une proposition de loi relative à la clarification et à l’assouplissement de la gestion des biens sectionaux, dans laquelle figurent la plupart des dispositions intégrées aujourd’hui dans cette proposition de loi. Notre texte était le fruit d’un travail collectif réalisé avec les maires du Cantal, des représentants des communes forestières et la chambre d’agriculture. Cette concertation nous avait d’ailleurs permis de dégager, de façon consensuelle, des propositions concrètes d’évolution de la loi afin de faciliter la gestion quotidienne des sections. Je tiens d’ailleurs à remercier nos collègues radicaux d’avoir rendu hommage au travail accompli en s’en inspirant fortement. À la suite de mon audition par le rapporteur Pierre-Yves Collombat, nos propositions ont été en grande partie reprises. Nous avons donc finalement réalisé un vrai travail de coproduction efficace avec la commission des lois. À cet égard, je tiens à remercier Pierre-Yves Collombat d’avoir prêté une oreille attentive à nos travaux, et je veux saluer le travail de qualité qu’il a mené ainsi que son ouverture à l’élargissement du champ de la proposition de loi, qui nous satisfait pleinement. J’en profite pour saluer en outre l’implication de notre collègue député Pierre Morel-A-L’Huissier, qui, comme rapporteur du texte, l’a complété avec le souci d’assurer l’équilibre entre intérêt général et intérêts particuliers, exercice plus compliqué sans doute à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Le Gouvernement a également ajouté sa pierre à l’édifice lors des débats en première lecture, notamment à l’Assemblée nationale. Il est vrai, madame la ministre, que vous êtes sensibilisée à ce sujet, car vous aviez, à l’époque, cosigné la proposition de loi du groupe du RDSE. Le texte, tel qu’il est rédigé au terme de la première lecture, répond maintenant globalement aux difficultés concrètes qui se posent aujourd’hui à nos élus, tout en préservant les intérêts des membres de la section. Il va également dans le sens de la préservation et de la facilitation des activités agricoles par les exploitants, par deux aspects. Tout d’abord, s’agissant de la communalisation des terres à vocation agricole et pastorale, il veille à prendre en compte l’intérêt des agriculteurs en offrant à la chambre d’agriculture la possibilité d’émettre un avis sur l’utilisation prévue des biens transférés. Ensuite, les modalités d’attribution de ces terres ont, elles, été simplifiées et optimisées, afin de mieux prendre en compte la réalité des exploitations agricoles, notamment sur la section. Les nombreux élus qui m’ont sollicité sur cette question m’ont tous exprimé leur satisfaction, voire leur soulagement, de voir enfin inscrites dans la loi des dispositions visant à moderniser le régime des sections de commune et à faciliter la gestion des biens sectionaux. Tous m’ont assuré de l’intérêt de ce texte. Notre volonté de voter cette proposition de loi est donc aussi confortée par la position des maires et des élus de quelque trois mille communes concernées au quotidien par la gestion des biens de section. Le droit des biens de section fait l’objet de très peu de rendez-vous législatifs. Nous avons là une occasion précieuse de le faire évoluer, ne la manquons pas ! Il est temps, désormais, de passer à la mise en pratique. Plus tôt la proposition de loi sera adoptée par le Parlement, plus tôt les problèmes soulevés par la gestion des biens de section trouveront une solution efficace et pérenne. Aussi, mes collègues de l’UDI-UC et moi-même n’avons déposé aucun amendement afin de faciliter un vote conforme de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, de l’UMP, du groupe socialiste et du RDSE.)