Les interventions en séance

Emploi
Vincent Capo-Canellas 15/02/2012

«Proposition de loi, relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports-Explication de vote»

M. Vincent Capo-Canellas

Nos collègues socialistes nous proposent de voter d’emblée la question préalable. Une autre solution consistait à vider peu à peu le texte de son contenu. Nous pourrions considérer que les deux solutions se valent. Pour autant, opposer la question préalable à cette proposition de loi, c’est estimer que le sujet n’est pas tel qu’il mérite d’être discuté, amendé. Tout à l’heure, M. le rapporteur a admis l’exaspération légitime des passagers. Et pourtant, vous prenez la responsabilité, mes chers collègues de gauche, de refuser que soit mis en place un dispositif de prévention des conflits, d’information des passagers dans le secteur aérien. Ce n’est pas le moment de décider sur ce sujet, semblez-vous dire. Puisque votre conception est différente de celle qui prévaut dans cette proposition de loi, vous auriez dû – c’eût été à votre honneur ! – tenter de proposer un dispositif différent. Vous auriez alors eu à trouver une voie entre le respect du droit de grève et le respect des passagers. Dommage que vous fuyiez ce débat ! Amender un texte, c’est jouer le rôle du législateur. A contrario, opposer la question préalable sur un tel sujet, c’est refuser par avance l’apport du Sénat. Je ne suis pas sûr que ce soit l’intérêt de la Haute Assemblée. Appeler au dialogue social en cet instant, avant les élections, est-ce inopérant ? Légiférer deux mois avant une élection importante est-ce devenu un exercice impossible ? Autant décider d’avancer la fin de la session et mettre tout de suite le Parlement en vacances. Bien entendu, nous voterons contre cette motion tendant à opposer la question préalable car, sur le fond, nous sommes pleinement favorables au présent texte. Il est équilibré et nécessaire. Même M. le rapporteur, pourtant opposé à la proposition de loi, en a reconnu la nécessité en commission, déclarant qu’il était tout à fait « conscient des difficultés que rencontrent les voyageurs en cas de perturbation du trafic aérien consécutive à un conflit social ». Lorsque l’on est conscient des difficultés que causent de tels conflits dans la vie de nombreux usagers, on est aussi conscient de la nécessité de faire quelque chose. L’argument du délai importe peu, car il est toujours temps de bien faire ! Naturellement, il s’agit de respecter le droit de grève, droit constitutionnel auquel nous sommes viscéralement attachés. De ce point de vue, aucune preuve n’a été faite qu’il y avait une difficulté majeure. On a vu que le texte de 2007 s’appliquait. Il s’agit de concilier doit de grève et continuité du service, ni plus, ni moins. Lors de la discussion générale, j’ai rappelé que le groupe de l’Union centriste et républicaine était attaché au droit de grève, au dialogue social mais, bien évidemment aussi, au droit des passagers et au respect d’un minimum d’organisation dans le transport aérien. En cela, le présent texte est un texte équilibré, car c’est précisément ce à quoi il tend. Il ne remet pas en cause le droit de grève ; je le répète, parce que c’est la clé. Cette proposition de loi n’instaure absolument pas un service minimum dans le service de transport aérien. Cela supposerait de parvenir à limiter le droit de grève ou de réquisitionner certains personnels, ce qui n’est pas l’objet du texte. Je signale au passage que les réquisitions sont d’ores et déjà possibles aujourd’hui pour certaines catégories de personnels. En fait, cette proposition de loi peut contribuer à prévenir les conflits en relançant le dialogue social, avec un gros bémol toutefois : contrairement à ce qui existe pour les transports terrestres, la négociation d’accords-cadres de prévention des conflits est ici facultative. En tout état de cause, la proposition de loi permettrait d’améliorer sensiblement l’information des usagers. Il n’y a rien de choquant à demander aux grévistes de se déclarer individuellement quarante-huit heures avant de cesser le travail, afin que le service puisse être organisé au mieux et que les usagers disposent d’une information fiable. Ayant eu à connaître, dans des fonctions antérieures, de l’organisation dans les aéroports, j’ai été frappé d’entendre les témoignages des personnels qui, dans l’urgence, sont contraints d’accueillir des passagers en dérive, en plein désarroi, des passagers qui sont obligés de dormir sur place plusieurs nuits consécutives, pour qui des fonctions basiques, telles que la toilette, deviennent une préoccupation majeure, et dont les enfants ne peuvent être accueillis dans de bonnes conditions. Pour les personnels des aéroports et des compagnies, ces questions-là sont difficiles à traiter. Légiférer comme nous le souhaitons, c’est aussi prendre en compte la situation des personnels au sol qui doivent gérer ces passagers en détresse. Cette situation, qui se présente aussi dans le transport terrestre, a été réglée, et cela ne choque personne. Enfin, reste la question du délai minimum de « dédit ». Nous n’allons pas refaire le débat que nous avons eu à ce sujet, mais nous savons pourquoi il était nécessaire. L’abus de la déclaration d’intention est une réalité et elle vide de son contenu tout le dispositif du service minimum dans les transports terrestres. Il fallait donc réagir. Pour toutes ces raisons, les membres du groupe Union centriste et républicaine voteront contre la motion opposant la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)