Les interventions en séance

Affaires sociales
Gérard Roche 14/11/2012

«Projet de loi, de financement de la sécurité sociale pour 2013-3ème partie-Explication de vote »

M. Gérard Roche

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le vote sur les recettes d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas anodin. C’est un acte parlementaire dont la dimension politique est évidente, tout autant sans doute que le vote sur l’article d’équilibre du budget ! En ce moment, nous faisons, on peut le dire, de la politique ; alors, faisons de la politique avec discernement. Il n’est pas question de condamner par principe la totalité des recettes soumises à nos suffrages. Faisons preuve d’un peu de bonne foi et de réalisme : personne dans cet hémicycle n’a de leçons à donner à qui que ce soit. Nous le savons bien, dans la situation actuelle, déterminer les recettes de la protection sociale est une gageure. Cela se comprend bien. En effet, en matière de santé par exemple, il s’agit ni plus ni moins que d’élaborer un ONDAM crédible sans dégrader la qualité de notre système de soins, qui demeure l’un des meilleurs au monde. En d’autres termes, quel que soit le gouvernement aux affaires, les recettes sociales seront critiquables et critiquées, d’une manière ou d’une autre. Globalement, notre groupe peut regretter l’augmentation des taxes salariales, ainsi que l’absence ou l’insuffisance de mesures d’économie qui seront proposées, de même que l’insuffisance des taxes éco-environnementales. Nos discussions ont été longues, leur champ était vaste. Tous les points abordés étaient importants compte tenu de leurs conséquences possibles sur le quotidien de nos concitoyens. Certes, il n’est pas possible de tout évoquer dans une explication de vote. Mais, au risque de paraître réducteur, j’aimerais insister sur un élément. Chacun en a bien conscience, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 s’est joué sur un article emblématique, le fameux article 16, qui crée la nouvelle contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, ou CASA, de 0,3 % sur les pensions de retraite et d’invalidité. L’examen de cet article a été l’occasion de reprendre le débat social clef de la prise en charge de la dépendance et de son financement. Pour faire face au risque dépendance, le Gouvernement Jospin a mis en place l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, en 2001. En termes de prise en charge de la dépendance, le bilan de l’APA est remarquable ! C’est très important. Il faut le rappeler, l’APA a permis un recul de dix ans de la moyenne d’entrée en établissement des personnes dépendantes. De plus, cette allocation joue déjà un rôle essentiel en matière de reste à charge des familles, puisqu’elle vient en déduction dans la prise en charge des personnes en établissement par le forfait dépendance. Le seul problème de fond du dispositif est son financement, un véritable serpent de mer. C’est le sens de la création de la journée de solidarité, de la contribution éponyme et de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA. Mais cela ne suffit plus. Les départements sont exsangues. Ce débat revient. Nous l’avons eu avant et pendant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous l’aurons encore après. Le 25 octobre dernier, la Haute Assemblée a adopté la proposition de loi que j’avais déposée avec le soutien de mon groupe UDI-UC afin de régler le problème de manière pérenne. Disons-le clairement : une fois n’est pas coutume, c’est grâce au groupe RDSE que le texte a été adopté. J’en remercie très vivement nos collègues, tout comme je remercie les membres du groupe UMP également présidents de conseil général, notamment René-Paul Savary, qui ont su convaincre leurs collègues de l’importance de nos propositions.
Mais le texte a été adopté contre l’avis du Gouvernement, et malgré l’opposition du groupe socialiste. C’est exactement le même scénario qui s’est reproduit avant-hier avec le vote de notre amendement sur l’article 16. Le Gouvernement fait, nous semble-t-il, fausse route. Il est inapproprié de provisionner deux ans de crédits pour financer une réforme future dont on ne sait encore rien, alors que le financement des dispositifs existants n’est plus assuré. Comment l’APA va-t-elle survivre ? Je voudrais également m’adresser à mes collègues et amis socialistes, en particulier à ceux qui président un conseil général. Depuis trois ans, nous travaillons dans le consensus pour trouver une solution pérenne à ce problème au sein de l’ADF. Vous le savez pertinemment, ma proposition de loi et l’amendement que nous avons adopté avant-hier sur l’article 16 s’inscrivent dans la droite ligne de la politique que nous avons voulu mener ensemble, une politique destinée à défendre non pas simplement les départements, mais aussi l’excellent dispositif social de l’APA ! Dans ces conditions – je vous le dis comme je le pense, comme je l’ai ressenti –, votre comportement m’a déçu. J’ai mal vécu un tel abandon. Votre majorité n’est plus assurée aujourd’hui. Certains bruits de couloirs, quelques contacts pris ici ou là, laissent entendre que nous pourrions espérer une volonté de votre part de donner une suite à l’adoption par notre Haute Assemblée de l’amendement sur l’article 16, voire – pourquoi pas ? – de la proposition de loi adoptée le 25 octobre. Mais pourquoi ouvrir les portes de la discussion seulement maintenant alors que vous auriez pu à deux reprises nous manifester votre soutien par vos votes et montrer ainsi votre volonté de sauver l’APA ? Nous ne voulons pas entrer dans une posture d’opposition systématique et stérile. Nous vous proposons donc l’inverse. Faites ce qu’il faut pour sauver l’APA, et faites-le dans l’immédiat, car il y a urgence ! Ne reportez pas les solutions à 2014, voire à 2015. Comme me l’a confié notre collègue Jacky Le Menn, beaucoup a déjà été dit sur la dépendance ; maintenant il faut agir. Bien entendu, nos positions pourraient être plus coopératives pour les échéances à venir. En attendant, la grande majorité des membres du groupe UDI-UC, c’est-à-dire vingt-huit sénateurs sur trente-deux, voteront contre les recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. (Applaudissements sur certaines travées de l’UDI-UC.)