Les interventions en séance

Sports
Françoise Férat 14/05/2014

«Proposition de loi visant à mettre en place un dispositif de réduction d՚activité des moniteurs de ski ayant atteint l՚âge d՚ouverture du droit à une pension de retraite, afin de favoriser l՚activité des nouveaux moniteurs »

Mme Françoise Férat

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai par un clin d’œil : moi qui suis Marnaise, j’ai bien une légitimité à intervenir sur cette proposition de loi. Nos montagnes ne sont certes pas fameuses pour ce qui concerne la poudreuse – la montagne de Reims culmine à 286 mètres (Sourires.) –, mais nous avons tout de même deux stations de ski dans notre belle région de Champagne-Ardenne ; celle de La Chapelle, dans les Ardennes, est située à plus de 500 mètres d’altitude. Sur le fond, le présent texte est consensuel. Il est très largement soutenu par la profession et il demeure souple, puisqu’il est fondé sur le volontariat. La problématique juridique a été très bien exposée par notre rapporteur, dont je salue le travail. Les moniteurs de ski sont des travailleurs indépendants employés à 90 % par les écoles du ski français. Ces écoles sont fédérées par le Syndicat national des moniteurs du ski français, le SNMSF. Or, depuis 1963, ce syndicat a mis en place un système de réduction progressive de l’activité des moniteurs seniors au profit des plus jeunes. Dans une logique de solidarité intergénérationnelle, il s’agit de garantir l’activité des jeunes diplômés arrivant sur le marché du travail. Ce système, révisé à plusieurs reprises, a assuré le plein-emploi à l’ensemble de la profession, ce qui, à l’heure où l’inflexion de la courbe du chômage se fait cruellement attendre, laisse songeur. En particulier, il a permis aux jeunes moniteurs d’exercer, mais sans pour autant empêcher les seniors de travailler, puisque 73 % d’entre eux sont encore en activité à 65 ans et 56 % à 70 ans. Cependant, ce dispositif fait aujourd’hui l’objet d’une bataille judiciaire. En effet, à la suite du vote de la loi du 27 mai 2008 transposant la directive créant un cadre pour l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, la HALDE a jugé ce système discriminatoire et le TGI d’Albertville l’a invalidé. En 2012, le SNMSF a accordé davantage de garanties aux moniteurs seniors, mais le pacte a tout de même été déclaré illicite par le TGI de Grenoble en 2013. La cour d’appel a infirmé ce jugement et le verdict de la Cour de cassation est attendu. Le dispositif étant fragilisé par cette insécurité juridique, l’objet du présent texte est donc simple : l’élever au rang législatif pour remédier à cette situation. Son article 1er offre ainsi aux écoles de ski la possibilité d’instituer un dispositif de réduction d’activité des moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite. Le caractère facultatif – j’insiste sur ce point – de ce dispositif pour les écoles de ski est déterminant, car il permettra à celles qui ont des difficultés à insérer leurs jeunes moniteurs de ne pas y recourir. Le système est donc totalement pragmatique. Toutefois, le texte ne se contente pas de donner une valeur législative au système de 1963, puisqu’il tend aussi à prendre en compte les jurisprudences intervenues en la matière depuis 2010, ainsi que les garanties nouvelles accordées aux moniteurs seniors en 2012. Ainsi, afin d’éviter un détournement du système, il est explicitement prévu que le temps d’enseignement dégagé par les moniteurs seniors ne profitera qu’aux moniteurs âgés de moins de 30 ans. De même, l’article 2 du texte a pour objet de sanctuariser le principe fondamental d’une cessation progressive et proportionnelle d’activité, lequel constituait la garantie incontournable accordée en 2012 par le pacte intergénérationnel. En vertu du dispositif en question, la réduction d’activité est plafonnée en deux temps. Les trois premières années suivant l’âge d’ouverture des droits à pension, l’activité des moniteurs seniors pourra être réduite de 30 %, puis de 50 % au cours des deux années suivantes. Au-delà, il pourra être fait appel aux moniteurs en tant que de besoin. Autre garantie très importante : il est expressément prévu que les moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension, mais souhaitant poursuivre leur activité, auront un nombre d’heures de cours suffisant pour valider au moins deux trimestres d’assurance vieillesse par an dans leur régime de retraite de base. Toujours dans la même logique d’équilibre, la garantie symétrique de validation est aussi accordée aux moniteurs de moins de 30 ans. Et bien sûr, le dispositif ne concerne en aucun cas l’activité des moniteurs sollicités directement et à titre personnel par la clientèle. Le système nous semble donc parfaitement équilibré, ce qui explique non seulement le plébiscite dont le Pacte intergénérationnel – adopté avec près de 95 % des suffrages exprimés par les membres du Congrès national des moniteurs des écoles du ski français – a fait l’objet en 2012, mais également l’avis positif du Défenseur des droits sur le texte qui nous est soumis cet après-midi. En lui-même, il est donc difficilement contestable, mais s’il est encore contesté par certains, c’est, semble-t-il, pour une raison qui lui est étrangère : les cotisations des moniteurs de ski de 1963 à 1978, dont M. Desessard a parlé à l’instant. Le fait que, en raison des circonvolutions de l’histoire de ce régime, les moniteurs soient réputés ne pas avoir cotisé durant cette période est proprement scandaleux, et nous soutiendrons évidemment toute initiative visant à ce qu’il y soit remédié en loi de financement de la sécurité sociale. Si donc nous ne voyons que des raisons de soutenir ce dispositif, vous me permettrez tout de même d’observer, en conclusion, qu’il pèche peut-être par l’étroitesse de son champ. En effet, comme notre collègue Gérard Roche le faisait observer en commission, il ne règle la situation que d’une profession de montagne, plus précisément de haute montagne. Quid des professionnels des autres activités de loisir de moyenne montagne, telles que l’accrobranche, par exemple ? Leur problématique étant tout à fait comparable, ne faut-il pas songer à une approche plus large de la question ? Une fois cette question posée, et en attendant qu’une réponse satisfaisante lui soit apportée, le groupe UDI-UC soutiendra ce texte dans son immense majorité, parce qu’il est de nature à renforcer un secteur économique qui constitue un fleuron français, parce qu’il vise à permettre à des jeunes de continuer de rester au pays, et parce que, mine de rien, il tend à rendre hommage à une profession qui participe si activement à l’animation et à la vitalité de nos territoires, tout en endossant, il ne faut pas l’oublier, la lourde responsabilité de garantir la sécurité de tous les élèves, grands et petits, dont elle a la charge. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP. – M. Jacky Le Menn applaudit également.)