Les interventions en séance

Education et enseignement supérieur
Françoise Férat 14/05/2014

«Proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires »

Mme Françoise Férat

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici donc arrivés à l’issue de ces débats. Enfin ! serais-je tenté de dire. Je ne crois trahir le sentiment de personne en disant que l’examen de ce texte a semblé interminable. Pourquoi ? Pour la bonne et simple raison qu’il s’est effectué dans des conditions proprement déplorables. Comment a-t-on pu « saucissonner » – je ne trouve pas d’autre mot et c’est celui qui convient – à ce point cette proposition de loi ? Qu’on en juge : une discussion à peine entamée le 29 avril, poursuivie le 6 mai, et c’est un miracle si, grâce à la bonne volonté de chacun, nous l’avons terminée aujourd’hui ! Nous avons échappé à la fenêtre du mardi 27 mai, prévue à l’ordre du jour !
C’est un message très positif envoyé aux jeunes, vous en conviendrez, signe du grand cas que l’on fait de leur sort et qui prouve à quel point on se soucie de leur insertion dans l’emploi.
S’agissant du fond, notre appréciation n’est guère plus positive. Elle peut être résumée en une formule, celle de notre collègue Jean-Léonce Dupont : le mieux est l’ennemi du bien. Oui, bien sûr, il faut un cadre minimal aux stages. Et cela, nous l’avons toujours défendu. Le groupe et la famille politique auxquels j’appartiens ont fait partie des plus actifs et des plus mobilisés pour mettre en place un tel cadre. Je rappelle que cela a été fait sur l’initiative de Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, dans la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances. L’article 9 de cette loi légalisait la convention de stage, mettait en place une gratification pour les stages longs et en limitait la durée maximale. Par la suite, dans la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche – que vous connaissez parfaitement, madame la secrétaire d’État –, nous avons fait adopter un amendement visant à interdire que les stages puissent servir à pourvoir un emploi permanent dans l’administration publique et les associations, et non pas seulement dans les entreprises. Ce cadre protège les stagiaires, et c’est bien normal. Mais le présent texte va bien plus loin, bien trop loin. Il crée un carcan rigide, totalement antiéconomique. En effet, il crée des contraintes nouvelles, dont l’une des plus emblématiques est sans doute celle du quota de stagiaires par rapport aux effectifs de l’entreprise, et universalise celles qui existaient déjà. Conséquence : ce cadre nouveau est totalement inadapté à certains secteurs d’activité et à certains acteurs économiques. Exemple de secteur d’activité, celui de l’agriculture et de l’enseignement agricole, pour lequel je me suis engagée. Comment voulez-vous que la règle de la gratification et de la durée maximale des stages y soit applicable ? Pour autant, doit-on arrêter de former les jeunes ? Le résultat risque donc d’être totalement contre-productif puisqu’il conduira les jeunes à ne plus trouver de stages. Pour soi-disant mieux les protéger, on va les priver de cette voie d’insertion privilégiée. « Privilégiée » et j’ajoute aussi « incontournable » – je l’ai tellement répété – puisque les stages sont aujourd’hui indispensables pour valider nombre de formations. Le cadre mis en place par le texte est aussi totalement incompatible avec l’activité de certains acteurs économiques tels que les PME et les entreprises naissantes. Ces entreprises ont besoin de stagiaires de manière plus souple pour survivre, prospérer et donc créer de l’emploi. Parce que le stagiaire d’aujourd’hui est le salarié de demain ! C’est cela que l’on semble oublier. Encore plus fondamentalement, la philosophie même de ce texte est très problématique puisqu’il tend à faire entrer le stagiaire dans un statut de salariat. C’est très grave. Parce que c’est oublier que le stagiaire est avant tout un jeune en formation. Parce que c’est aussi aux antipodes du choc de compétitivité et de simplification que nous appelons de nos vœux et qui, malgré tous les pactes de responsabilité, ne semble toujours pas devoir se profiler. Nous avions déposé un certain nombre d’amendements visant à assouplir le texte ; ils n’ont malheureusement pas été retenus. Dans ces conditions, vous comprendrez, madame la secrétaire d’État, que la très grande majorité des membres du groupe de l’UDI-UC voteront contre le présent texte.