Les interventions en séance

Aménagement du territoire
Hervé Maurey 14/02/2012

«Proposition de loi visant à assurer l՚aménagement numérique du territoire co-présentée par M. Hervé Maurey»

M. Hervé Maurey, rapporteur de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a quelques mois, le 6 juillet dernier, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, adoptait à l’unanimité le rapport d’information sur l’aménagement numérique de notre pays intitulé : « Aménagement numérique des territoires : passer des paroles aux actes ». Ce titre volontairement « fort » avait pour but d’interpeller l’ensemble des responsables et des décideurs sur la situation réelle de notre pays en matière de numérique – de leur ouvrir les yeux ! – et sur l’absolue nécessité de réagir avant qu’il ne soit trop tard. Ce rapport faisait suite à un précédent rapport remis au Premier ministre en octobre 2010, dans le cadre de la mission temporaire qu’il m’avait confiée pour formuler des propositions sur le financement du très haut débit. Le rapport d’information de notre commission rappelait l’importance capitale de l’aménagement numérique de nos territoires en termes de développement économique et de qualité de vie et soulignait qu’un territoire, quelle que soit sa situation géographique, peut espérer offrir une réelle attractivité et jouir d’un réel dynamisme dès lors qu’il bénéficie d’une couverture numérique satisfaisante. Dans le cas contraire, il est malheureusement assuré d’un inexorable déclin ! J’étais vendredi dernier dans une petite commune de l’Eure, Barneville-sur-Seine, qui, grâce à la neutralisation du multiplexeur, a enfin accédé au haut débit. Le maire de cette commune rurale a remarquablement exprimé combien le haut débit était attendu, dans sa commune, par les agriculteurs, les enseignants, les artisans et les gestionnaires de gîtes touristiques. Cela montre que, dans tous les territoires, aujourd’hui, on a besoin de haut débit et qu’on ne peut pas dire à nos concitoyens : « Patientez, le très haut débit viendra dans quinze ans ! » Ce rapport mettait également en exergue le fait que, contrairement à ce que certains affirment, la couverture numérique du territoire n’est pas si satisfaisante que cela. Le réseau de téléphonie mobile continue de comporter des « zones blanches » et des « zones grises », et le taux de 98,82 % de couverture est atteint uniquement parce que les critères de mesure ne sont pas pertinents. Chacun sait en effet que l’ARCEP mesure la réception dans les seules zones habitées, à l’extérieur des bâtiments et en situation fixe. La situation est pire encore dans les « zones blanches », où il suffit que seul un point du centre-bourg soit couvert pour que la totalité de la commune soit considérée comme couverte. Quant au réseau à haut débit, il affiche, à entendre Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, un taux de couverture de 100 %. Or chacun sait très bien ici que ce n’est, hélas ! pas le cas. Ce taux n’est atteint qu’en recourant à la solution satellitaire, qui devrait rester une solution d’appoint, pour ne pas dire palliative, car elle n’offre ni la même qualité de service ni la même tarification que l’ADSL. Si l’on prend en compte le haut débit par ADSL, le taux est de 98,3 %, mais il tombe à 77 % pour les connexions supérieures ou égales à 2 mégabits par seconde, lesquelles représentent, selon Éric Besson lui-même, le débit minimum nécessaire pour une connexion de qualité. Quant à l’offre triple play, à laquelle souhaitent accéder nombre de Français, la majorité de nos concitoyens ne peut en bénéficier aujourd’hui. Concernant le très haut débit, dont le Président de la République a promis que 100 % des foyers bénéficieraient en 2025, M. le secrétaire d’État nous expliquera certainement que 6 millions de foyers ont aujourd’hui accès à une offre, mais il faut préciser que 4,7 millions d’entre eux sont raccordés par câble et que, sur les 1,35 million éligibles à la fibre, 550 000 se sont abonnés, dont 175 000 seulement en FTTH ou fibre optique jusqu’à l’abonné ! À ce rythme, il faudra, selon la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR, cent ans pour couvrir le territoire. Voilà pour l’existant. Mais, ce qui est encore plus grave, c’est que le modèle de déploiement retenu par le programme national très haut débit ne nous paraît pas pertinent. En effet, il repose intégralement sur le bon vouloir des opérateurs. Je voudrais, à cet égard, dire mon regret que l’État ait totalement renoncé à être un acteur de ce déploiement et à remplir une mission qui me paraît pourtant essentielle : l’aménagement du territoire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Les opérateurs peuvent donc déployer où ils veulent – c’est-à-dire dans les zones rentables – et quand ils veulent, sans être aucunement tenus ni liés par leurs déclarations. Celles-ci n’ont d’ailleurs, en l’état, aucune valeur juridique ; elles les engagent d’autant moins qu’il n’a été prévu ni mécanisme de contrôle ni sanction.
Cette situation est d’autant plus anormale que, à l’inverse, les annonces des opérateurs ont des effets contraignants sur les collectivités locales puisque leurs déclarations interdisent, de fait, à ces dernières de déployer sur les zones ainsi préemptées. En effet, si les collectivités le faisaient, elles seraient privées de toute subvention, y compris sur la zone non rentable du déploiement.
Cette forte pénalisation, qui exclut toute péréquation à l’échelle d’un territoire, n’existait pas à l’origine du programme national très haut débit ; elle a été introduite par le Gouvernement, en avril 2011, pour une raison mystérieuse.
Elle conduit à réserver les foyers situés dans la zone rentable aux opérateurs et à ne laisser aux collectivités que les zones coûteuses, sans que, pour autant, le concours de l’État soit assuré.
La question du financement du Fonds d’aménagement numérique des territoires, créé par la loi Pintat du 17 décembre 2009, n’est en effet toujours pas réglée. Plutôt que d’alimenter ce fonds, le Gouvernement a préféré en créer un second, le FSN, ou Fonds de solidarité numérique, créé au titre des « investissements d’avenir » par la loi de finances rectificative pour 2010. Quelle est la cohérence d’un tel « doublonnement » ? Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas fait appel au Fonds d’aménagement numérique des territoires plutôt que de créer un nouveau fonds, surtout si c’était pour le calquer en grande partie sur celui qui existait. N’était-ce pas seulement pour « garder la main » sur les financements, via le Commissariat général à l’investissement ? Autre interrogation, portant, elle, sur le périmètre financier du Fonds de solidarité numérique : avec 2 milliards d’euros, dont seulement 900 millions consacrés aux initiatives publiques, c’est-à-dire aux zones non rentables, comment donner confiance aux acteurs locaux quant à la réalité et à la pérennité de l’engagement de l’État ? Or cette confiance est indispensable pour amorcer un réel déploiement dans les territoires ruraux. Le FSN, nous dit-on, n’aura d’existence que temporaire, le Fonds d’aménagement numérique des territoires étant voué à en prendre le relais. Mais alors, pourquoi ne pas anticiper, pourquoi ne pas prévoir dès maintenant un mode d’alimentation pour ce qui reste, à ce jour, une « coquille vide », un « fonds sans fonds » ? C’est pour commencer dès à présent à alimenter ce fonds que la présente proposition de loi prévoyait la création d’une « contribution de solidarité numérique » de 75 centimes par mois sur les abonnements de communications électroniques et d’une taxe de 2 % sur les ventes de téléviseurs et consoles de jeux. Ce dispositif, qui a été supprimé par la commission, reprenait une des propositions formulées à l’intention du Premier ministre dans le cadre de ma mission. Personnellement, j’ai eu l’occasion de le dire, ma préférence va à une dotation de l’État plutôt qu’à la création de nouvelles taxes. Toutefois, l’article 40 de la Constitution interdisait son inscription dans ce texte. Je voudrais attirer votre attention sur le fait que, si la somme de 600 millions d’euros, nécessaire pour alimenter ce fonds chaque, n’est pas négligeable, elle n’est pas démesurée. Je rappelle que le passage du taux réduit au taux normal de TVA sur les abonnements triple play, voté en loi de finances pour 2011, entraîne un surcroît annuel de recettes de 1,1 milliard d’euros.
J’avais, à l’époque, proposé qu’une partie de cette somme soit affectée à l’alimentation du FANT.
Je rappelle également, pour illustrer le caractère raisonnable de ce besoin de financement, que la diminution de la TVA dans la restauration coûte chaque année plus de 3 milliards d’euros au budget de l’État. Je reprends aussi une comparaison éclairante qu’a faite le président de l’ARCEP lors de son audition par la commission : les 60 à 70 milliards d’euros qui devraient être consacrés aux routes dans les quinze prochaines années sont à rapprocher des 19 milliards d’euros du coût du déploiement de la fibre d’ici à 2025. Enfin, on a beaucoup parlé ces derniers temps de la tarification de l’accès à la boucle locale cuivre et il serait sans doute intéressant de confronter les différents points de vue sur la question ; j’y reviendrai tout à l’heure. Le rapport de notre commission, voté à l’unanimité, je le rappelle, ne se contentait pas de dresser un état des lieux : il contenait trente-trois propositions pour relever le défi de l’aménagement numérique de notre territoire. C’est dans le prolongement de ce rapport que Philippe Leroy et moi-même avons élaboré cette proposition de loi, qui vise à instaurer un véritable haut débit pour tous, à améliorer la situation de la téléphonie mobile en assurant une « opération vérité » sur la réalité de la couverture et à améliorer le modèle de déploiement du très haut débit. Je tiens à dire, après Philippe Leroy, qu’il ne s’agit pas d’une rupture avec le dispositif mis en place par le Gouvernement. Si nous avions voulu une rupture, nous aurions proposé un autre modèle. Nous aurions suggéré, comme en Australie, une structure publique chargée de déployer la fibre ou, comme en Finlande, le recours à des partenariats publics-privés sur le territoire. Nous aurions également pu – c’est une solution qui me semble d’ailleurs intéressante – confier la réalisation et l’exploitation du réseau à des sociétés de BTP, sur le modèle des concessions d’autoroute. Une telle solution aurait du sens, car ces entreprises sont habituées à amortir sur une longue durée leurs investissements et à bénéficier d’un taux de rendement annuel relativement faible, à l’inverse des opérateurs de télécommunications. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les actionnaires des opérateurs de télécommunications ne sont pas favorables au déploiement de la fibre par leurs sociétés. Nous ne l’avons pas fait – tout en nous réservant, si nécessaire, la possibilité de le faire ultérieurement –, car nous ne voulions pas prendre le risque de retarder encore le déploiement en remettant en cause le modèle choisi. Nous avons donc retenu la solution consistant à l’améliorer. Je sais qu’un grand nombre d’entre vous sont attachés à la complémentarité et à la coopération entre les collectivités et les opérateurs. Ils ont raison ! Ce texte vise précisément à renforcer l’une et l’autre en rééquilibrant les relations entre les opérateurs et les collectivités, relations aujourd’hui totalement déséquilibrées, en faisant en sorte que les collectivités ne soient plus soumises aux décisions unilatérales des opérateurs. Avant d’en venir au texte de cette proposition de loi, je voudrais évoquer l’avis récemment rendu par l’Autorité de la concurrence. Afin de mieux cerner les réelles possibilités d’intervention des collectivités sur le déploiement du très haut débit, au mois de septembre dernier, notre commission, alors présidée par Jean-Paul Emorine, a saisi pour avis l’Autorité de la concurrence. Celle-ci a rendu son avis à la mi-janvier. C’est un avis extrêmement intéressant et nombre de ses conclusions rejoignent celles du rapport d’information, et donc de la proposition de loi. C’est ainsi que l’Autorité a constaté que le Gouvernement, dans la physionomie de son plan national et dans les critères de financement très restrictifs des collectivités, a fait un « choix d’opportunité ». Cela montre que ce plan aurait pu être tout autre, contrairement à ce qui a pu nous être dit. Elle a également souligné que l’opérateur historique n’avait pas d’intérêt au déploiement du réseau fibre, du fait de la « rente » qu’il percevait sur le réseau cuivre. Elle a reconnu que les projets intégrés des collectivités pouvaient sans aucun risque faire l’objet de subventions publiques, dès lors qu’ils s’inscrivent dans des services d’intérêt économique général. Elle a aussi invité les pouvoirs publics « à exiger des opérateurs la plus grande précision dans leurs intentions de déploiement et à veiller de manière régulière à leur strict respect ». C’est le sens de cette proposition de loi. Allant plus loin encore, elle a estimé nécessaire, « pour la crédibilité du dispositif [...] que, dans l’hypothèse où les projets d’investissement devraient s’écarter de la trajectoire initialement prévue, le Gouvernement envisage sérieusement de revoir en profondeur la logique du PNTHD ». Cet avis, vous le voyez, mes chers collègues, conforte notre appréciation et nos propositions. J’en viens, à présent, au contenu de la proposition de loi en précisant l’apport du travail de la commission, étant précisé que des amendements de tous les groupes ont été retenus. Sur l’initiative de nos collègues du groupe socialiste, nous avons introduit l’article 1er A, qui fixe en quelque sorte le cadre général du texte, en rappelant l’importance de l’aménagement numérique du territoire et ses implications en termes de réseaux. L’article 1er tend à élargir le champ de compétence des schémas directeurs à tous les aspects de la problématique numérique : haut débit, téléphonie mobile, sans oublier les technologies satellitaires. Ces schémas directeurs, en effet, ne doivent plus viser uniquement le très haut débit : la couverture numérique est un tout et ils doivent devenir l’« ossature numérique » des territoires en hiérarchisant les priorités. L’article 2 vise à généraliser les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique. Aujourd’hui encore, une vingtaine de départements n’ont pas commencé à élaborer un tel document. Nous proposons donc de rendre ces schémas obligatoires dans un délai d’un an après la publication du texte. L’article tend également à supprimer leur caractère indicatif et nous avons introduit en commission une procédure à suivre si aucune initiative n’est prise pour élaborer un schéma, en confiant, dans ce cas, un rôle moteur au préfet. L’article 3, qui est essentiel, fait des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique la base d’une contractualisation, sous l’autorité de l’État, entre les collectivités territoriales et les opérateurs, afin que ces derniers précisent leurs engagements et soient réellement liés par le contenu de ceux-ci. Cette disposition permettra de passer d’une situation où, unilatéralement, les opérateurs décident et obligent les collectivités à s’ajuster, pour ne pas dire à se soumettre, à une situation plus équilibrée, plus égalitaire, où les deux parties discutent, négocient et contractualisent. Sur proposition de nos collègues du groupe socialiste, la commission a créé un article 3 bis, qui impose de rendre raccordable au réseau très haut débit tout immeuble à construire. L’article 3 ter, qui résulte d’un amendement que j’ai proposé à notre commission, conformément aux recommandations de l’Autorité de la concurrence, oblige les opérateurs intégrés, c’est-à-dire ceux qui sont également fournisseurs d’accès, répondant à des appels d’offres de collectivités pour la réalisation de réseaux d’initiative publique, à indiquer les conditions dans lesquelles ils comptent utiliser ces réseaux en tant qu’opérateurs de services. Ces opérateurs disposent d’un avantage commercial important sur les pure players, c’est-à-dire les simples opérateurs de gros, qui est de nature à fausser la concurrence dans le cadre des procédures publiques. En effet, ils peuvent s’engager à être client du réseau public s’ils remportent l’appel d’offres pour son établissement et son exploitation. Cet article a pour objet de rétablir les conditions d’un équilibre entre ces deux types d’acteurs et de permettre aux collectivités d’avoir plus de visibilité sur la commercialisation de leur réseau. L’article 4 vise à assurer la meilleure couverture mobile avec un minimum de déploiement, en optimisant le nombre de points hauts. Il a été amendé par notre collègue Bruno Retailleau, qui en a simplifié la rédaction et a apporté plus de souplesse dans l’intervention des collectivités. L’article 5 prévoit la mise en place d’un groupe de travail associant des représentants de l’ensemble des parties concernées, afin que soit redéfinie la manière d’appréhender les taux de desserte en téléphonie mobile – j’ai souligné précédemment les lacunes existant en la matière –, qui ne rendent pas compte de la couverture réelle du territoire. Sur proposition de nos collègues Bruno Retailleau et Pierre Hérisson, nous avons élargi l’objet de cet article à l’amélioration de la couverture mobile, et nous avons précisé, à ma demande, que la redéfinition des critères de couverture n’aurait pas d’effet sur les engagements des opérateurs découlant de l’attribution de leurs licences. L’article 6, qui reprend un amendement que notre collègue Bruno Sido avait lui-même proposé dans l’un de ses rapports et qui avait été adopté et inséré dans la proposition de loi relative aux télécommunications de Daniel Marsin, prévoit une obligation de couverture des « zones grises » de téléphonie mobile par itinérance ou mutualisation des infrastructures. Sur l’initiative de nos collègues Bruno Retailleau et Pierre Hérisson, nous avons complété cet article en commission, en prévoyant la remise d’un rapport par le groupe de travail créé à l’article 5. Estimant que le cahier des charges du déploiement du réseau mobile de quatrième génération accordait une place importante à la mutualisation, nous avons supprimé, à ma demande, ainsi qu’à celle de nos collègues Bruno Retailleau et Pierre Hérisson, l’article 7, qui comportait des mesures en ce sens. L’article 8, un article également très important, prévoit la mise en place d’un véritable haut débit pour tous, en reconnaissant à tout abonné la possibilité d’accéder à un débit minimal de 2 mégabits par seconde d’ici à 2014 et de 8 mégabits par seconde d’ici à 2016. Avant de parler de très haut débit, il me semble essentiel de pouvoir assurer un véritable haut débit sur l’ensemble de nos territoires. Il n’est pas acceptable que certains d’entre eux disposent de connexions à 100 mégabits par seconde, voire davantage, quand d’autres espèrent toujours parvenir à 512 kilobits par seconde. À cet égard, je rappelle que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 10 juin 2009 sur la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite « Hadopi », a reconnu une valeur constitutionnelle au droit d’accès de nos concitoyens au réseau de communications électroniques. Il est donc temps de donner une réalité à ce droit. Compte tenu de la complexité technique et financière de cette question, nous avons fait en sorte de distinguer la fixation d’un tel objectif dans le présent texte et la détermination des moyens pour y parvenir, pour laquelle nous avons renvoyé à un rapport de l’ARCEP. En vue d’améliorer qualitativement la desserte des foyers ne bénéficiant actuellement que d’une connexion à faible débit, l’article 9 rend la montée en débit sur tout type de réseau éligible au Fonds d’aménagement numérique du territoire, dans les cas où l’arrivée du très haut débit ne constitue pas, à court terme, une « porte de sortie par le haut ». Afin de ne pas « gaspiller » de l’argent public sur une technologie appelée à devenir obsolète, nous avons précisé, sur proposition de nos collègues Bruno Retailleau et Pierre Hérisson, que les investissements réalisés devront être réutilisables pour le très haut débit. L’article 10 permet le financement public national des « projets intégrés » des collectivités, portant pour partie sur une zone non rentable et pour partie sur une zone rentable, à condition que ne soient subventionnés que les projets de déploiement sur les zones non rentables. Pour sécuriser pleinement le dispositif au regard du droit communautaire, nous avons tenu compte des remarques de l’Autorité de la concurrence et précisé que ces projets intégrés devraient s’inscrire dans le cadre de services d’intérêt économique général pour être « subventionnables ». Cette disposition importante répond aux attentes des élus, car elle permet d’assurer une péréquation à l’échelle de leur territoire. L’article 11 ouvre aux collectivités la possibilité de bénéficier du financement public national dans les zones que les opérateurs devaient, au terme de leur engagement contractuel, couvrir dans les trois ans. Un tel délai permet de s’aligner sur les prescriptions du droit communautaire, là où le programme national très haut débit mis en place par le Gouvernement prévoit un délai plus large de cinq ans. L’article 12, très important, confie à l’ARCEP la compétence et les moyens de contrôler et de sanctionner le respect des engagements pris par les opérateurs sur la base des conventions découlant des SDTAN, en lien avec l’article 3. Je sais que cela choque certains, les opérateurs en premier lieu, ce que je comprends – il est tellement plus agréable de ne pas être sanctionné ! –, mais aussi quelques-uns de nos collègues, qui l’ont indiqué en commission. Pour ma part, je ne vois vraiment pas ce qu’il y a de choquant à sanctionner le non-respect d’un engagement librement consenti dans le cadre d’un accord contractuel. C’est même, vous en conviendrez, mes chers collègues, d’une banalité et d’un classicisme élémentaires. J’ajoute que ce pouvoir est confié à l’ARCEP, qui le détient déjà en matière de téléphonie mobile. Or, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Autorité n’a pas fait preuve d’une sévérité ou d’un zèle excessif en la matière.
Je ne vois donc pas pourquoi il en serait autrement ici.
Afin que s’opère de façon claire et définitive la transition du haut vers le très haut débit, l’article 13 prévoit d’intégrer dans les SDTAN la date à laquelle aura lieu le basculement du premier type de réseau vers le second. Une date butoir est fixée au 31 décembre 2025, ce qui permet de s’inscrire très exactement dans les objectifs visés par le Président de la République. L’ARCEP doit établir les conditions de ce basculement, parmi lesquelles figurera, bien entendu, l’indemnisation de l’opérateur propriétaire du réseau. L’article 13 bis prévoit, à la demande de nos collègues socialistes, la remise par l’ARCEP d’un rapport sur un sujet souvent évoqué, mais sur lequel nous manquons d’informations précises quant à ses conséquences, à savoir la séparation des activités « réseau » et « services » chez les opérateurs intégrés. Je précise ici que l’opérateur historique n’est pas seul concerné. L’article 14, cher à notre collègue Philippe Leroy, coauteur de cette proposition de loi, reconnaît le statut d’« opérateurs d’opérateurs » aux collectivités intervenant dans le cadre de réseaux d’initiative publique, sans pour autant en faire un statut dérogatoire. Les articles 15 et 16 visaient à assurer le financement du FANT durant sa période de fonctionnement attendue, soit jusqu’en 2025. Je l’ai dit, il était proposé d’alimenter ce fonds au moyen, d’une part, d’une contribution de solidarité numérique sur les abonnements internet et de téléphonie mobile et, d’autre part, d’une taxe sur les téléviseurs et les consoles de jeu. Je le répète, cette solution n’est pas celle qui avait ma préférence. J’estime, en effet, que le FANT devrait être abondé par des dotations de l’État. Opposée à l’instauration de toute nouvelle taxe, la commission a décidé de supprimer ces deux articles. Néanmoins, je souhaiterais que nous débattions sur ce sujet lors de l’examen des articles. Comme l’avait parfaitement souligné notre collègue Michel Teston lors de la discussion de la loi Pintat, il ne faut pas que nous ayons un « Fonds sans fonds ». L’article 16 bis, qui résulte d’un amendement proposé à la commission, affecte au FANT le produit des sanctions financières que l’ARCEP pourra prononcer à l’encontre des opérateurs qui ne respecteraient pas leurs engagements. Ce recyclage des pénalités est logique, mais il ne constitue pas une solution suffisante pour abonder le FANT à hauteur des besoins. L’article 17 conditionne le montant des aides accordées au titre du FANT aux capacités financières des collectivités et au coût du déploiement du très haut débit. Force est de constater que les coûts de déploiement les plus élevés se situent en général dans les départements les moins riches. Il faut donc un dispositif de financement plus souple et donc plus équilibré que celui qui est proposé dans le cadre du FSN. L’article 18 donne mission à l’ARCEP de réaliser une étude sur les tarifs de connexion pratiqués par les opérateurs de haut et de très haut débit. En effet, ceux-ci s’avèrent excessivement élevés pour les entreprises, ce qui constitue notamment un obstacle au raccordement des petites et moyennes entreprises. J’ai pu, personnellement, observer que, sur des zones couvertes en très haut débit, très peu d’entreprises ont été raccordées en raison des coûts inhérents au raccordement. En vue d’éclairer la représentation nationale sur la tarification par l’opérateur historique de l’accès à la boucle locale, dont il est propriétaire, et, le cas échéant, de dégager des sources de financement complémentaires pour le déploiement des réseaux très haut débit, l’article 19 chargeait l’Autorité de régulation d’un rapport sur le sujet. Toutefois, ce rapport a été rendu depuis le dépôt de la proposition de loi. C’est pourquoi la commission a supprimé cet article. Ainsi que je l’ai déjà souligné, le débat sur les coûts réels de la boucle cuivre locale n’est pas clos, car les estimations faites par l’ARCEP demeurent contestées. Une discussion de fond doit avoir lieu sur ce point très important. Nous envisageons donc d’organiser une table ronde avec les acteurs concernés. L’article 20 assigne un objectif prioritaire de couverture des territoires ruraux à la politique d’aménagement du territoire, à commencer par les zones économiques et les services publics. Le retour des premiers déploiements expérimentaux permet, en effet, de constater que l’appétence au très haut débit est bien plus importante en zone rurale qu’en zone urbaine. Afin de favoriser l’interconnexion des réseaux, l’article 21 prévoyait la création d’un groupement d’intérêt public ayant pour objet l’harmonisation des référentiels techniques pour les réseaux très haut débit. Cette demande a été formulée aussi bien par l’ARCEP, par l’Autorité de la concurrence, par les collectivités que par les opérateurs eux-mêmes. Toutefois, ayant appris que le Gouvernement souhaitait invoquer l’article 40 de la Constitution, la commission a transformé ce groupement d’intérêt public en simple « comité de pilotage ». Il aurait été, en effet, regrettable que cette structure, souhaitée par tous, soit retoquée par le Gouvernement pour cause d’irrecevabilité financière. L’article 22 confie au comité de pilotage du très haut débit, qui sera préalablement réactivé, la tâche de réaliser, avec l’appui technique de l’ARCEP, un bilan du programme national très haut débit accompagné, le cas échéant, de propositions de réforme du dispositif. Comme je l’avais indiqué dès 2010 dans le rapport que j’avais remis au Premier ministre, autant il ne faut pas aujourd’hui changer de modèle pour les raisons déjà évoquées, autant il faut pouvoir dresser un bilan dès 2013 pour éviter de persévérer dans une voie qui aurait montré son inefficacité. L’article 23 prévoit que les documents d’urbanisme, les SCOT, les schémas de cohérence territoriale, et les PLU, les plans locaux d’urbanisme, devront prendre en compte les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique ; je parle bien ici d’une simple « prise en compte », soit le niveau de relations entre deux documents le plus souple existant dans le droit de l’urbanisme. L’article 24 introduit la présence de représentants du Parlement dans la composition du comité de gestion du FANT. Enfin, l’article 25 reprend une formule habituelle pour éviter la censure de l’article 40 de la Constitution au stade du dépôt du texte. Compte tenu des aménagements dont ce dernier a été l’objet en commission, cet article pourrait être, me semble-t-il, supprimé. Telle est, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la présentation générale de cette proposition de loi. J’indique que ce texte est soutenu par les associations d’élus dans leur ensemble. Par ailleurs, il a été adopté à la quasi-unanimité des membres de la commission ; seuls deux sénateurs ont voté contre. Ce sujet concerne tous nos territoires, et tous les sénateurs, quelle que soit leur appartenance politique, connaissent les difficultés liées à la couverture numérique de leur territoire. Je souhaite même que nous retrouvions l’unanimité qui s’était dégagée lors de la présentation du rapport d’information. Ce texte doit nous rassembler, car il n’a pas d’autre objet que de résorber la « fracture numérique » et d’assurer un égal accès de nos territoires, dont nous sommes les représentants, aux réseaux de communications électroniques. Le droit à cet accès est, je l’ai rappelé précédemment, un droit à valeur constitutionnelle. Pour terminer, je veux vous rappeler les résultats d’un sondage réalisé l’été dernier par l’Association des maires ruraux de France, car il montre bien l’importance que revêt cette question pour les élus ruraux. La mise en place d’un réseau très haut débit arrive très largement en tête des priorités d’investissements citées, ce qui m’a moi-même étonné, et ce bien avant les routes et mêmes les écoles, qui sont pourtant, comme vous le savez, si chères aux élus.
Par ailleurs, l’Association des maires ruraux de France a publié hier, dans le cadre de la campagne présidentielle, ses dix priorités. La couverture des territoires en très haut débit figure comme première priorité.
Vous voyez que, face à cette situation, on ne peut pas rester sourd ; nous devons nous retrouver pour apporter des solutions concrètes. C’est le but visé au travers de ce texte et c’est d’ailleurs pour cela que, tout à l’heure en commission, nous serons certainement amenés à donner des avis positifs sur des amendements présentés par des collègues issus des différentes formations de cet hémicycle.
Encore une fois, ce qui compte, c’est d’arriver à apporter des solutions concrètes à nos territoires et à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)