Les interventions en séance

Affaires sociales
13/09/2013

«Proposition de loi, relative aux droits et à la protection des personnes faisant l՚objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge»

Mme Muguette Dini

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un premier temps, je voudrais m’élever avec force contre les conditions dans lesquelles notre commission a été amenée à examiner ce texte. La décision du Conseil constitutionnel datant du 20 avril 2012, le Gouvernement se devait de réagir plus rapidement. Cette manière de procéder n’est pas acceptable, car la question des soins psychiatriques est un sujet trop important pour le traiter à la légère, ce que nous ne ferons pas. Nous avons tous longuement débattu de cette question en 2011, lors de l’examen au Sénat de la loi du 5 juillet 2011. Vous vous souvenez certainement, mes chers collègues, des incidents qui avaient émaillé cette discussion. En tant que rapporteur de ce texte de loi, j’étais totalement hostile aux « soins sans consentement en ambulatoire », ce qui m’avait finalement amenée à démissionner de mon poste de rapporteur et à m’abstenir sur le texte. Je n’avais pas voulu voter contre, car j’approuvais toute la partie de la loi concernant le respect des libertés individuelles. Je ne suis donc pas étonnée de la décision du Conseil constitutionnel. Il affirme en effet qu’« aucune mesure de contrainte à l’égard d’une personne prise en charge en soins ambulatoires ne peut être mise en œuvre pour imposer des soins ou des séjours en établissement sans que la prise en charge du patient ait été préalablement transformée en hospitalisation complète ». Je ne suis pas non plus étonnée de la demande du Conseil constitutionnel de remettre les unités pour malades difficiles dans le droit commun des services hospitaliers. Il s’agit d’une unité de soins, d’un service spécifique, certes, mais au même titre qu’un service de soins de réanimation dans un autre hôpital. Malgré tout, on ne peut pousser la comparaison plus loin. En effet, dans une UMD sont admis certains malades momentanément très agités et qui retourneront dans leur service initial, une fois la crise passée. Mais ces UMD accueillent aussi des malades déclarés irresponsables pénalement. Or ces malades ont quand même commis des infractions pénales. C’est sur ce point que naît mon inquiétude. Comment se prémunir de la récidive d’une personne jugée pénalement irresponsable retrouvant la liberté comme tout autre malade ? On ne peut d’ailleurs pas parler de récidive, puisque cette personne n’a pas été jugée. Je note que la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui tente de concilier la liberté individuelle et la prévention des atteintes à l’ordre public. Je sais combien tout ce qui touche aux soins psychiatriques est sensible et je comprends l’embarras du rédacteur de cette proposition de loi. Cependant, vous comprendrez notre inquiétude de savoir qu’un patient ayant commis des faits pour lesquels les peines encourues sont d’au moins cinq ans d’emprisonnement, s’agissant des atteintes à la personne, et d’au moins dix ans d’emprisonnement, s’agissant des atteintes aux biens, se retrouve à l’extérieur, sans garantie de la poursuite de ses soins. La première partie de mon intervention a concerné spécifiquement les articles qui répondent à la décision du Conseil constitutionnel et qui doivent être adoptés avant le 1er octobre. Je vais maintenant parcourir l’ensemble du texte et formuler certaines observations. Je note que l’article 1er vise à préciser que les soins ambulatoires sans consentement ne peuvent entraîner de mesures de contrainte. Je me suis tellement battue pour faire comprendre cette évidence en 2011 que je n’en reviens pas qu’on y arrive deux ans après. C’est un bel exemple du bon sens des parlementaires de terrain confrontés aux rigidités des ministères ! J’approuve également le contenu de l’article 2 tendant à encadrer précisément les sorties d’essai. Concernant l’article 5, je voudrais attirer votre attention sur le fait que le raccourcissement du délai entre l’hospitalisation et la décision du juge va augmenter fortement la charge des juges des libertés et de la détention. En effet, jusqu’ici, il était courant que les patients sortent avant les quinze jours précédemment requis. De l’avis d’un syndicat de magistrats que j’ai consulté, l’augmentation de la charge pourrait aller de 20 % à 40 %, ce qui ne va pas manquer de poser des questions de moyens et de personnels, tant pour les juges que pour les greffiers. Je souhaite saluer le brillant travail de M. le rapporteur, Jacky Le Menn – mais cela ne m’a pas étonnée. Il a amélioré ce texte de loi sur des points importants, notamment sur la localisation de l’audience dans le cadre du contrôle juridictionnel. Il est indéniable que, dans l’état actuel du droit, l’organisation des audiences reste compliquée. La visioconférence n’est vraiment pas une bonne solution. Pourquoi accorder un nouveau droit tout en retenant des modalités qui le rendent inopérant, voire néfaste pour le bien-être du patient ? Il convient de tenir compte à ce sujet des recommandations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui, dans son avis du 14 octobre 2011, mettait en exergue le fait que le développement inconsidéré d’une telle technique comportait le risque de porter atteinte aux droits de la défense s’agissant des soins psychiatriques sans consentement. Il indiquait notamment que, dans de nombreux cas, « la visioconférence constitue un affaiblissement des droits de la défense en ce qu’elle met fin à la présence physique du comparant qui est aussi un moyen d’expression. […] Elle suppose une facilité d’expression devant une caméra ou devant un pupitre et une égalité à cet égard selon les personnes qui sont loin d’être acquises, notamment pour celles souffrant d’affections mentales ». Ces quelques améliorations au texte de loi de 2011 ne règlent en rien, ou seulement en petite partie, les problèmes posés par la santé mentale. Depuis de nombreuses années, on nous promet une vraie loi complète pour mieux prendre en charge les malades psychiatriques. J’espère, madame la ministre, que vous pourrez rapidement soumettre un projet de loi au Parlement. En conclusion, j’apporterai mon soutien à cette proposition de loi, dans sa version modifiée par notre commission. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)