Les propositions de loi

Police, gendarmerie et sécurité
13/06/2013

«Proposition de loi pour les conducteurs âgés de 70 ans et plus »

Mme Muguette Dini

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour ma part, j’ai cosigné très spontanément la proposition de loi de notre collègue Yves Détraigne. L’idée d’instituer une évaluation médicale des conducteurs âgés m’a semblé intéressante, courageuse, et m’a paru répondre à une véritable question. Au-delà d’un certain âge, est-il raisonnable de laisser des conducteurs utiliser leur véhicule sans contrôler leur capacité à le faire ? Après avoir pris connaissance des débats en commission et des oppositions formulées, je tiens à expliquer ma position. De nombreuses études françaises et internationales ont été menées sur le thème « Vieillissement et conduite automobile ». Les plus anciennes datent des années quatre-vingt-dix. Elles portent sur les particularités des accidents de la route des personnes âgées, en se focalisant sur la manière dont ces accidents se produisent et en étudiant plus précisément la spécificité des erreurs et des difficultés auxquelles les conducteurs âgés sont sujets, ainsi que les conditions qui expliquent les défaillances identifiées. Ces études s’appuient sur l’exploitation des données issues du recueil des études détaillées d’accidents, les EDA. Elles permettent la reconstitution et la description du déroulement des accidents afin de détecter et d’identifier les mécanismes générateurs. Toutes ces études soulignent deux points. En premier lieu, elles insistent sur le fait que des qualités plus ou moins liées à l’expérience de la vie sont attribuées au conducteur âgé, en particulier la prudence et le respect des règles élémentaires. Cela se traduit par un style de conduite caractérisé par la réduction de la vitesse, la réduction de la distance parcourue et une moindre prise de risques. En second lieu, elles constatent que le vieillissement peut entraîner des altérations structurelles et fonctionnelles de l’organisme à l’origine de modifications dans le fonctionnement physiologique et psychologique, voire de pathologies, qui retentissent sur les capacités à conduire. Dans ces conditions, des informations mal détectées ou mal intégrées peuvent contribuer à la survenue de situations dangereuses, incompatibles avec une réaction motrice adaptée. L’examen de différents types d’indicateurs montre une croissance de risques d’être tués ou impliqués dans un accident mortel chez les conducteurs âgés, comparés aux conducteurs d’âge moyen. J’ai retenu deux études particulièrement significatives. La première étude se situe dans le cadre d’une évaluation de l’impact sécuritaire des futurs systèmes d’aide à la conduite au sein des véhicules légers. Une analyse des besoins en information et en assistance des usagers a été entreprise à partir de la lecture des procès-verbaux d’accidents. Un examen spécifique des accidents de conducteurs âgés de 65 ans et plus a permis d’étudier les difficultés qu’ils ont pu rencontrer et de mieux connaître leurs besoins en aide à la conduite. En agglomération, les besoins des conducteurs âgés ne sont pas très différents de ceux de l’ensemble des conducteurs. En revanche, hors agglomération, leurs besoins en diffèrent significativement. La différence la plus discriminante provient de la détection transversale. On retrouve la surimplication des accidentés âgés aux intersections. D’autres besoins, comme l’estimation du créneau nécessaire pour s’insérer ou dépasser, sont également surreprésentés dans la population âgée. Les circonstances des accidents mettent en scène des usagers âgés au comportement lent ou hésitant, qui vont réaliser des manœuvres surprenantes sur la trajectoire d’un autre véhicule, voire des manœuvres aberrantes, telles que le fait de s’arrêter en pleine route ou au milieu d’une intersection pour lire un panneau de signalisation, ou prendre une route ou une autoroute à contresens à la suite d’une erreur de trajet inexplicable. La seconde étude met l’accent sur les défaillances fonctionnelles et cognitives des conducteurs âgés. Les auteurs observent un déclin marqué des performances sensorielles – vision périphérique, acuité – et du maintien de la trajectoire du véhicule. Le vieillissement affecte en effet les capacités sensorielles, dégrade la récupération de l’éblouissement, l’accommodation, la sensibilité au contraste, l’acuité... Le vieillissement a aussi un impact sur la vitesse de traitement des informations, ce qui peut avoir des conséquences importantes sur l’ensemble des opérations motrices et cognitives. Cette dégradation des fonctions sensorielles et cognitives avec l’âge est en relation avec celle des niveaux de vigilance et des processus attentionnels. Cette constatation s’explique en grande partie par une modification du rythme circadien veille-sommeil et des altérations du sommeil. Les médecins ici présents apprécieront... (Sourires.) Que concluent les auteurs de ces études et analyses ? « La participation croissante des seniors aux différents trafics soulève de multiples interrogations en termes de sécurité routière, de contrôle des capacités des conducteurs âgés, d’adaptation des véhicules, de cohabitation sur la route des générations aux types de conduite différents. « Les conducteurs âgés [...] doivent être pris en compte de manière spécifique en matière de mobilité de sécurité. » Mes chers collègues, c’est l’objectif premier de cette proposition de loi. Il n’est aucunement question de stigmatiser ou de discriminer les conducteurs âgés. Il s’agit de prendre en compte une réalité largement démontrée. Il n’est pas question non plus d’interdire purement et simplement à toute personne âgée de conduire. Il s’agit d’un examen d’aptitude à la conduite à partir de 70 ans, réalisé par un médecin agréé par la préfecture et renouvelable tous les cinq ans. Ce dispositif souple et encadré devrait permettre d’éviter des accidents dus à des inaptitudes pas toujours discernées, ni par la personne concernée ni par sa famille. Je sais que ce texte est contesté par certains d’entre nous. Cependant, je suis sûre que, d’une manière ou d’une autre, à l’instar d’un certain nombre de pays d’Europe, nous devrons de nouveau nous pencher sur cette question. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe socialiste.)