Les interventions en séance

Justice
13/05/2011

«Projet de loi relatif aux soins psychiatriques - Explication de vote»

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si j’ai quitté le banc des commissions pour rejoindre ma travée, c’est parce que je tiens à signifier que cette explication de vote est personnelle. À l’issue de ce long parcours d’examen, permettez-moi quelques mots pour remettre en perspective le texte que nous allons adopter. Trois objectifs distincts lui étaient assignés, et cette pluralité a largement participé de la difficulté de l’exercice. Il devait, d’abord, satisfaire les exigences formulées, le 28 novembre 2010, par le Conseil constitutionnel. Il devait, ensuite, répondre aux attentes des malades et de leurs familles, mais aussi aux préoccupations des élus locaux, préoccupations que nous sommes nombreux à partager pour avoir été nous-mêmes confrontés à des situations difficiles. Il devait, enfin, rassurer la société, intention louable que je traduirai par une formule caricaturale : « Dormez en paix, bonnes gens, les fous dangereux sont enfermés ! ». (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Pouvons-nous considérer que nous avons atteint ce triple objectif ? Pour ce qui est de la demande du Conseil constitutionnel, les réponses apportées par le Sénat sont, à mon sens, satisfaisantes. Je serai beaucoup plus réservée sur le deuxième point. Je crains que ce texte n’améliore en rien la situation, parfois dramatique, des familles de malades, qui se trouvent totalement démunies face aux crises de leurs proches. Aucune disposition de ce texte ne renforce l’aide dont elles ont désespérément besoin pour s’assurer du bon suivi des traitements et du soutien dans l’accompagnement des patients. Les malades eux-mêmes ne trouveront pas davantage d’amélioration de leur prise en charge dans ce projet de loi qui reste très en deçà – nous l’avons abondamment déploré – de la grande loi de santé mentale que nous réclamons depuis longtemps. J’observe, enfin, que le travail délicat, difficile et exigeant des élus locaux que nous sommes ne s’en trouvera pas davantage allégé. J’en viens à la nécessité de protection de la société, parfaitement justifiée, pour espérer que le texte apporte une amélioration en prévoyant l’organisation, par l’Agence régionale de santé, d’un dispositif de réponse aux situations de crise, associant les forces de police, de gendarmerie, les pompiers et l’ensemble des intervenants. Cela étant, peut-on affirmer qu’en remplaçant les mots « soins sans consentement » par les mots « soins auxquels [la personne] n’est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux », on a réglé le problème ? Poser la question, c’est y répondre. Outre qu’elle ne brille pas par son élégance sémantique, cette formule n’apporte rien. Tout au long de nos débats, vous nous avez expliqué, madame la secrétaire d’État, que la période d’observation de soixante-douze heures permettra au psychiatre de trouver « un consensus » avec son patient, d’obtenir « le consentement du malade » sur son programme de soins en ambulatoire. Alors pourquoi persister à vouloir imposer des soins sans consentement ? Je continue de penser que le dispositif actuel des sorties d’essai aurait pu être formalisé, perfectionné, amélioré pour aboutir à la dispensation de soins ambulatoires avec consentement. Par ailleurs, j’observe que le choix du Gouvernement soulève, très légitimement, la question du champ et des limites de l’intervention du juge et nos débats ont illustré la difficulté de cette question. Excepté le contrôle judiciaire systématique sur les décisions d’hospitalisation sous contrainte, que j’approuve, cette loi ne répond aucunement à la conclusion de la commission Couty de 2008, qui mérite d’être citée : « Ce texte législatif devrait intégrer les différentes facettes de l’accompagnement et des prises en charge des usagers de santé mentale, des familles et des proches des malades : le repérage et le diagnostic précoces, l’accès aux soins rapide et adapté, le suivi personnalisé et continu, la réhabilitation sociale, la prévention des risques, la recherche autour des déterminants de la santé mentale, l’organisation rénovée de dispositifs nécessaires aux hospitalisations sans consentement, ainsi que l’organisation des soins aux détenus. » Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que je fasse, pour ma part, un choix de cohérence en m’abstenant sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jean-Pierre Fourcade ainsi que Mmes Marie-Thérèse Hermange et Lucienne Malovry applaudissent également.)