Les interventions en séance

Institutions
Yves Pozzo di Borgo 12/07/2013

«Projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique - 1ère lecture - article 1er - amendement n° 10 - explication de vote »

M. Yves Pozzo di Borgo

Il faut envisager ce texte dans le contexte général de la séparation des pouvoirs. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen indique bien que ce principe est indispensable à l’existence de la démocratie. Il y a donc le judiciaire, l’exécutif et le législatif. Depuis que je suis parlementaire, et même bien avant, je me suis interrogé sur le rôle du pouvoir législatif. Le judiciaire est plutôt bien protégé. Théoriquement, il est l’émanation du peuple bien que les magistrats soient recrutés par un concours. L’exécutif, lui, dispose d’un pouvoir considérable, tandis que celui du législatif est limité et « bordé » par l’article 34 de la Constitution. De surcroît, les parlementaires dépendent de l’investiture des partis politiques, lesquels sont très souvent sous l’emprise de l’exécutif. Par conséquent, les parlementaires, mis à part quelques-uns qui se sont débrouillés seuls, et dont je fais partie, avec Mme Goulet notamment, sont contrôlés de façon étroite par l’exécutif. Je me souviens d’avoir été choqué par un Président de la République, qui réunissait chaque semaine les deux présidents des assemblées parlementaires et tous les représentants politiques de sa majorité. C’est un vrai problème de séparation des pouvoirs. En faisant du droit comparé au « doigt mouillé » avec les autres parlements européens, on s’aperçoit que le pouvoir législatif français est très faible. Sans compter que la logique de nos institutions veut que, lorsque nous sommes au pouvoir, nous accompagnions l’action du Gouvernement, et lorsque nous sommes dans l’opposition, nous accompagnions l’action de l’opposition. La liberté des votes n’existe donc pas véritablement. En analysant bien le rôle du Parlement, force est de constater que les parlementaires sont très affaiblis. Par rapport aux autres parlements européens – je ne parle même pas du Parlement américain, avec lequel aucune comparaison n’est possible –, nous sommes des sous-parlementaires ! L’autre problème est que nous sommes totalement tétanisés par l’exécutif. Récemment, j’ai été surpris lorsque le Gouvernement a annoncé que la réserve parlementaire allait être réformée. Mais enfin, mes chers collègues parlementaires, c’est quand même nous qui votons le budget !  C’est donc à nous de décider si nous pouvons ou non nous attribuer une réserve parlementaire. Or personne n’a réagi ! Les parlementaires français sont complètement lobotomisés, et vous en rajoutez, vous trouvez que ce n’est pas suffisant et vous vous flagellez ! Je suis totalement favorable à la transparence – nous avons d’ailleurs déjà tous fait notre déclaration –, mais pas à l’esprit de ce texte. La démocratie a besoin de parlementaires combatifs. Souvenez-vous de la réforme de 2000, qui a abouti à la concomitance des élections présidentielle et législative, et ainsi à l’affaiblissement du Parlement. Les parlementaires dépendent non de l’investiture d’un parti politique, mais du peuple. Nous sommes le troisième pouvoir ! Or, eu égard au fonctionnement actuel de nos institutions, nous ne sommes plus ce troisième pouvoir ! Pour toutes ces raisons, je voterai la suppression de l’article 1er. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)