Les interventions en séance

Emploi
Françoise Férat 12/06/2014

«Proposition de loi tendant au développement, à l՚encadrement des stages et à l՚amélioration du statut des stagiaires- Conclusions de la CMP»

Mme Françoise Férat

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc parvenus au terme de la navette de ce texte, qui aura pris de faux airs de parcours du combattant. Je rappelle que la première lecture au Sénat a été fractionnée en trois épisodes. Cela n’envoie pas aux jeunes le message le plus positif quant à la façon dont les pouvoirs publics se soucient de leur sort… Mais laissons là les questions formelles pour nous concentrer sur le fond, en commençant par le positif : il y en a ! Nos travaux ont en effet amélioré des aspects non négligeables du texte. Premièrement, en matière de suivi du stagiaire, l’enseignant référent sera tenu de s’assurer auprès du tuteur, et à plusieurs reprises durant le stage ou la période de formation en milieu professionnel, de son bon déroulement et de proposer à l’organisme d’accueil, le cas échéant, une redéfinition d’une ou des missions pouvant être accomplies. De même, il est précisé que le stagiaire a besoin d’un suivi à la fois pédagogique et administratif, et qu’il ne doit pas y avoir de rupture. L’accompagnement du stagiaire est donc renforcé par la responsabilisation de l’établissement d’enseignement supérieur. Cela va dans le bon sens. Dans le même temps, le Sénat a tenu à ne pas exagérément alourdir la fonction du tuteur. La commission des affaires sociales souhaitait que ce dernier puisse faire l’objet d’une sanction administrative pour non-respect des stipulations pédagogiques de la convention. Heureusement, nous avons supprimé cette disposition. Il n’entre effectivement pas dans les missions de l’inspection du travail d’évaluer le respect de stipulations pédagogiques, qui relèvent de la responsabilité des établissements d’enseignement. Le texte contient donc une ébauche de rééquilibrage dans la relation entre l’établissement et l’entreprise. Deuxièmement, des assouplissements ont été apportés à certaines rigidités excessives du texte, en particulier en matière de présence horaire des stagiaires dans l’organisme d’accueil. La présence des salariés ne correspond pas toujours aux 35 heures, et les stagiaires doivent donc pouvoir accompagner cette organisation du temps de travail. La règle des quotas de stagiaires par rapport aux effectifs de l’entreprise a, de même, été assouplie. Le Sénat a fait préciser que ce pourcentage devra tenir compte des effectifs de l’organisme d’accueil. C’est indispensable afin de ne pas pénaliser les petites structures, les TPE et les PME. Dans le même esprit, le recteur d’académie pourra accorder des dérogations au plafond de stagiaires accueillis dans un même organisme d’accueil pendant une même semaine civile. C’est encore une mesure bienvenue à l’adresse des TPE et des PME, qui ont prouvé leur capacité à accueillir davantage de stagiaires, notamment pour des phases d’observation. Troisièmement, c’est surtout sur la question de la gratification que le Sénat, en première lecture, et, davantage encore, la commission mixte paritaire se sont concentrés, en obtenant, là encore, des avancées. Nous ne sommes pas, en effet, opposés par principe à la revalorisation de cette gratification. En revanche, l’ouvrir à tous les stages excédant un mois, comme en avait décidé le Sénat à l’issue de la première lecture, aurait été excessif. Nous ne pouvons que nous réjouir que la commission mixte paritaire soit revenue à l’état actuel du droit sur ce point, à savoir une gratification due pour tout stage excédant non pas un, mais deux mois. En effet, il n’y aurait pas mieux pour raréfier l’offre de stages que d’assortir d’une gratification tout stage de découverte d’à peine plus d’un mois. De même, dans l’enseignement agricole, la règle de droit commun est encore trop contraignante. Là aussi, nous ne pouvons que nous féliciter d’avoir été entendus sur ce point en deux temps. En première lecture, le principe d’une dérogation à la durée minimale de stage ouvrant droit à gratification au profit des enseignements dispensés dans les maisons familiales rurales a été fixé. Le Gouvernement nous a donné l’assurance que cette durée minimale serait de trois mois. Toutefois, cette disposition initiale ne concernait que l’enseignement secondaire agricole. Heureusement, la CMP l’a étendue à l’enseignement supérieur agricole, ce qui était indispensable. La seule chose que nous pouvions regretter est que cette mesure ne s’applique qu’à compter du 1er septembre 2015. L’enfer est pavé de bonnes intentions : le report de l’entrée en vigueur avait pour objet de permettre aux hôtes de stagiaires de se préparer à la revalorisation de la gratification. Mais, comme vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, un effet collatéral n’a pas été perçu : la dérogation en faveur de l’enseignement agricole serait ainsi également reportée. J’ai bien compris que telle n’avait pas été votre volonté. J’en veux pour preuve l’amendement n° 1 à l’article 1er que le Gouvernement a déposé, ce dont je le remercie. Enfin, je formulerai quelques points de divergence. En première lecture, nous avions fait adopter un amendement permettant aux entreprises qui ne trouvent pas d’apprentis dans leur secteur d’activité, tel que les services et l’audit, de ne plus être sanctionnées par le versement de la contribution supplémentaire à l’apprentissage pour non-respect du quota de 4 % d’apprentis – il sera de 5 % en 2015 –, en prenant en compte, dans le calcul de ce quota, les stagiaires embauchés en CDI par l’entreprise à l’issue de leur stage. Malheureusement, la CMP a supprimé cette disposition ; nous ne pouvons que le regretter vivement. Plus fondamentalement, l’esprit général de ce texte n’a, bien sûr, pas changé. Comme l’indiquait déjà, en première lecture, notre collègue Jean-Léonce Dupont, la philosophie de notre approche de la question peut se résumer ainsi : le mieux est l’ennemi du bien. Il faut bien évidemment, nous en sommes d’accord, protéger nos stagiaires. D’ailleurs, historiquement, la famille politique à laquelle j’appartiens a été en pointe sur cette question. Mais le présent texte va bien plus loin. Bien trop loin ! Il tend à aligner le statut du stagiaire sur celui du salarié. Or un stagiaire n’est en rien un salarié et n’a pas vocation à l’être. De plus, un stage est non pas un contrat de travail, mais un contrat de formation. N’oublions pas également que le maître de stage doit faire preuve d’une grande disponibilité. En oubliant ce prédicat de bon sens, le texte met en place un carcan encore rigide. Il établit des contraintes nouvelles, qui pèsent exclusivement sur l’entreprise, dont l’une des plus emblématiques est le quota de stagiaires, et il universalise celles qui existaient déjà. Le résultat pourrait donc être totalement contreproductif. En effet, ce texte pourrait dissuader les structures d’accueil de continuer de prendre des stagiaires, alors même que le stage est indispensable aux étudiants dans leur parcours pédagogique. À l’heure où le stage est devenu une porte d’entrée presque incontournable dans la vie active, ce serait bien sûr catastrophique. Nous sommes, hélas ! encore bien loin des chocs de simplification et de compétitivité dont notre pays a si cruellement besoin. En première lecture, j’avais voté contre la proposition de loi. Toutefois, eu égard à la qualité de votre écoute et à votre bonne volonté, madame la secrétaire d’État, notamment au travers de l’amendement que vous allez nous proposer, je m’abstiendrai, pour ma part, sur les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)