Les interventions en séance

Collectivités territoriales
Michel Canévet 12/03/2015

«Proposition de loi tendant à interdire la prescription acquisitive des immeubles du domaine privé des collectivités territoriales et à autoriser l՚échange en matière de voies rurales»

M. Michel Canevet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux, au nom du groupe UDI-UC, saluer la persévérance de notre collègue Henri Tandonnet, qui a déposé la présente proposition de loi au début de l’année 2014. Depuis lors, la proposition de loi a été examinée en séance publique – c’était en octobre dernier – et renvoyée en commission pour un examen plus approfondi. Comme cela a été évoqué par mes prédécesseurs à la tribune, celui-ci a permis d’améliorer considérablement la qualité du texte, grâce à la compétence du rapporteur, M. Yves Détraigne, dont je tiens à saluer le travail, la lecture de son rapport m’ayant particulièrement passionné. De quoi parlons-nous ? Du patrimoine des communes, lequel, depuis l’ordonnance de 1959, est divisé entre les voies communales, issues des chemins vicinaux, et les chemins ruraux. Ce point est important. Alors que, initialement, j’étais moi aussi assez sensible à la proposition d’éviter la prescription acquisitive trentenaire des chemins ruraux par un certain nombre de riverains, les différents arguments mis en avant par le rapporteur m’ont convaincu que procéder ainsi serait peut-être aller un peu vite en besogne et qu’il valait mieux suivre une autre voie. Ce sujet est particulièrement important dans les 36 000 communes de notre pays, dont la plupart, vous le savez, mes chers collègues, sont rurales. Les élus ruraux, dont nous sommes, sont attachés au maintien de cette voirie dans le patrimoine communal. Or, force est de le constater, les maires n’ont pas toujours la capacité de vérifier que ces chemins restent bien dans le domaine communal et ne sont pas utilisés par des particuliers ou appropriés par différentes personnes, notamment par certains agriculteurs, malgré l’article D. 161-14 du code rural et de la pêche maritime, qui leur défend « de labourer ou de cultiver le sol dans les emprises de ces chemins et de leurs dépendances ». En effet, cette vérification demanderait de faire appel aux hommes de l’art que sont, en l’espèce, les géomètres, ce qui induirait des coûts que les collectivités ne peuvent pas toujours assumer, surtout lorsque ce sont de petites parcelles qui sont concernées : pour celles-ci, le coût de vérification apparaît prohibitif au regard des enjeux. Mes chers collègues, le fait que les collectivités tendent à ne pas pouvoir s’occuper de ce problème, notamment pour des raisons financières, est particulièrement préjudiciable, les chemins ruraux constituant tout simplement une vraie richesse pour chacune de nos communes. Bien sûr, certains chemins sont utilisés conformément à leur vocation initiale, c’est-à-dire la desserte des parcelles qu’ils sont censés désenclaver, mais de nombreux autres usages en ont été développés. Ainsi, les promeneurs, les chasseurs ou encore les cavaliers sont, de plus en plus, amenés à utiliser l’ensemble de ces voies. Pour cette raison, il importe absolument que celles-ci soient maintenues dans le patrimoine communal et il faut prêter attention aux conditions et aux moyens qui sont mis à la disposition des maires pour leur permettre de les entretenir. Vous le voyez, ce sujet est particulièrement important pour les élus ruraux et le patrimoine des communes. Si, aujourd’hui, un certain nombre d’usages de ces chemins sont connus, tous ne peuvent être prévus. En particulier, les communes ont parfois laissé les riverains s’approprier des chemins, considérant que ceux-ci n’avaient pas d’utilité, avant de s’apercevoir qu’elles en avaient finalement besoin, par exemple pour assurer la continuité d’itinéraires de randonnée ou pour desservir de nouvelles parcelles issues de cessions de terrains, y compris, en certaines circonstances, de divisions de parcelles. Il convient d’en tenir compte. Dans le rapport d’Yves Détraigne, j’ai lu qu’en Picardie – c’est un exemple parmi d’autres – une association avait recensé 40 000 kilomètres de chemins ruraux dans le cadastre et seulement 30 000 sur le terrain. Autrement dit, la part des chemins qui ont fait l’objet d’une appropriation s’élève à 25 %. C’est significatif ! À cet égard, décider de faire le point sur la situation et d’engager les élus à réaliser cet inventaire, de façon à pouvoir vérifier que les chemins recensés par le cadastre figurent bien dans le patrimoine communal, me semble une très bonne solution : cela permettra d’apporter les réponses appropriées aux préoccupations exprimées par Henri Tandonnet et ses collègues au travers de la présente proposition de loi. Se pose également la question des échanges de terrains, à laquelle je suis moi-même confronté, en tant que maire d’une commune rurale. Aujourd’hui, les textes ne donnent pas véritablement aux élus les outils nécessaires pour assurer ces échanges dans de bonnes conditions, laissant bien souvent à la jurisprudence une grande marge d’interprétation – on connaît la façon très restrictive dont le Conseil d’État a tranché un certain nombre de litiges dont il a été saisi. Il importait donc de donner aux élus la sécurité juridique dont ils avaient besoin en la matière. Je me réjouis tout particulièrement que le texte apporte des clarifications sur ce point : cela permettra à nos collègues élus de mieux cerner la réalité du patrimoine qu’ils ont à gérer durant leur mandat. Pour conclure, je veux remercier M. le rapporteur, ainsi que notre collègue Henri Tandonnet, auteur de la proposition de loi. Bien entendu, le groupe UDI-UC votera ce texte, dont nous espérons qu’il puisse aboutir le plus rapidement possible !