Les interventions en séance

Energie
12/03/2013

«Projet de loi relative au système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre pour la période 2013-2020»

M. Marcel Deneux

Monsieur le président, madame la ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi, comme l’ont déjà rappelé les différents orateurs qui m’ont précédé, a pour objet la ratification de l’ordonnance du 28 juin 2012 relative au système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Avant d’aborder le fond du texte, madame la ministre, je souhaite rappeler la position constante et unanime du groupe centriste en matière de recours aux ordonnances. Cette procédure dessaisit le législateur de son rôle et minimise son pouvoir, tant au moment de l’habilitation législative qu’à celui de la ratification de l’ordonnance. Nous ne pourrons jamais nous en satisfaire. C’est pourquoi, aujourd’hui comme hier, nous nous opposons à chaque demande d’habilitation législative, quelle que soit la couleur politique du gouvernement demandant à utiliser les dispositions de l’article 38 de la Constitution. En l’espèce, cette ordonnance transpose une directive européenne de 2009. C’est dire si les législateurs que nous sommes disposent de marges de manœuvre réduites, comme l’a d’ailleurs souligné le rapporteur lors de l’examen du texte en commission. J’en viens maintenant au fond du projet de loi qui nous est soumis, c’est-à-dire au contenu de la directive du 23 avril 2009. En 2005, l’Union européenne s’est fixé de nouveaux objectifs environnementaux, parmi lesquels figure la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici à 2020 par rapport au niveau de 1990. Je partage totalement les objectifs ambitieux du paquet énergie-climat, également appelés objectifs des « trois fois vingt » ; je fus d’ailleurs le rapporteur de la proposition de résolution européenne portant sur ces dispositions. Je me permets aussi de saluer l’action de notre collègue Chantal Jouanno qui a œuvré, dans le cadre de toutes ses fonctions antérieures, au respect de ces objectifs. La directive de 2009 propose donc d’aller encore plus loin et d’atteindre un taux de réduction de 21 % en 2020. Pourquoi pas ? Soyons cependant conscients que les moyens que nous nous donnons pour parvenir à diminuer nos émissions de dioxyde de carbone comptent plus que les objectifs que nous nous fixons. Les mécanismes mis en œuvre sont d’autant plus primordiaux que le système communautaire d’échange de quotas d’émission de CO2 est actuellement à une période charnière et qu’il présente quelques défauts – qui ont été rappelés ici ou là – pointés par la Commission européenne ; j’y reviendrai. J’en viens à l’ordonnance qui nous est soumise et à la directive de 2009. Nous soutenons l’harmonisation et la gestion européennes des mécanismes d’échange de quotas, qui permettront de faire disparaître les différences d’allocation entre les pays. De plus, la directive intègre dans le dispositif de nouveaux secteurs et de nouveaux gaz, tels le protoxyde d’azote ou le perfluorocarbone. L’élargissement du marché d’échange me semble une bonne initiative, car il permettra de diminuer encore nos émissions de gaz à effet de serre. Néanmoins, comme l’a souligné Jean Bizet, il est nécessaire d’être attentif aux secteurs d’application du dispositif d’échange : celui-ci ne doit pas s’imposer à des secteurs déjà fragiles, comme l’agriculture, ni à des entreprises susceptibles de délocaliser pour pouvoir polluer. Enfin, la directive met un terme à l’allocation gratuite de quotas, à partir de 2013 pour les entreprises d’électricité et de manière progressive pour celles des autres secteurs. Cela permettra d’accentuer notre chemin de réduction de CO2 vers les 20 % fixés à l’horizon 2020. Ces différentes évolutions du système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre vont dans le bon sens, et ce d’autant plus que le système a pâti d’une double difficulté : d’une part, le marché s’est noyé dans un excédent de 1,4 milliard d’euros de crédits, en raison d’une allocation trop généreuse ; d’autre part, il a souffert d’une baisse de la demande liée au ralentissement de l’activité économique depuis le début de la crise qui touche l’Europe. Ainsi le prix de la tonne de CO2 oscille-t-il depuis des mois entre 5 euros et 7 euros. Il est même tombé brièvement à 2,81 euros, le 24 janvier dernier, comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, madame la ministre. Or il faudrait qu’il se situe entre 20 euros et 30 euros pour inciter les industriels à développer des technologies propres. Afin de créer de la rareté et, ainsi, de faire remonter les prix, la Commission européenne a demandé aux États membres de l’Union européenne de geler la mise aux enchères de 900 millions de quotas de CO2 sur les 8,5 milliards qui doivent être mis sur le marché pour la période 2013-2015. L’application de ce plan de sauvetage, qui devait être approuvé avant la fin 2012, a pourtant dû être retardée en raison de divisions entre États membres : beaucoup d’entre eux ne souhaitent pas pénaliser la compétitivité de leur économie en renchérissant le prix du carbone. Le vote positif de la commission de l’environnement du Parlement européen doit encore être confirmé par les députés en séance plénière, peut-être au mois d’avril prochain. Nous espérons que le principe du gel des quotas sera retenu. Parmi les autres évolutions possibles du système d’échange de quotas sont déjà évoquées ici ou là l’extension du marché à de nouveaux secteurs de l’économie et la création d’un prix plancher. Madame la ministre, quel est votre avis sur ces différents sujets ? Disposez-vous, comme vous l’avez laissé entrevoir tout à l’heure, d’autres informations ? C’est avec beaucoup d’intérêt que nous vous entendrons. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)