Les propositions de loi

Droit et réglementations
Yves Détraigne, François Zocchetto 12/02/2014

«Proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc aux élections »

M. Yves Détraigne

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons a pour objet de tenter de régler un débat ancien, celui de savoir si un bulletin blanc et un bulletin nul ont le même sens dans le décompte final des votes, comme le prévoit aujourd’hui le droit positif, ou si, au contraire, il convient de les distinguer. En réalité, le problème, c’est que, quoi que puissent en dire ou en penser les juristes et les politologues, chaque électeur est libre de donner à son vote le sens qu’il souhaite. Face à la même question posée ou au même choix à faire dans l’isoloir, parmi les électeurs indécis ou insatisfaits de ce qui leur est proposé, certains voteront blanc tandis que d’autres glisseront un bulletin nul. La raison en est simple : dans l’isoloir, on est libre de son choix et tous les électeurs n’ont pas nécessairement une analyse arrêtée de la différence de sens qui peut exister entre vote blanc et vote nul. C’est pourquoi il me semble raisonnable de ne pas vouloir comptabiliser les votes blancs dans les suffrages exprimés. On risquerait de leur donner un sens qu’ils n’ont pas, voire d’encourager les électeurs indécis ou mécontents à voter blanc et ainsi d’amoindrir la légitimité du vote. N’oublions pas que le Français prend parfois un malin plaisir lors de certaines consultations électorales – je pense notamment aux référendums – à exprimer par son vote ce qu’il pense de la situation du moment sans répondre pour autant sur le fond à la question qui lui est posée. Les exemples récents ne manquent pas… Prendre en compte les votes blancs dans les suffrages exprimés, même si l’on peut penser que l’absence de choix entre deux ou plusieurs candidats à une élection constitue en elle-même l’expression d’une position dont il faut tenir compte, risquerait d’accroître la tentation du vote blanc et donc d’affaiblir la légitimité de la personne élue. Aussi, la formule proposée, à savoir décompter séparément les bulletins blancs des bulletins nuls sans pour autant les prendre en compte dans les suffrages exprimés, me paraît être un bon compromis. Reste la question de la différence entre l’enveloppe vide et l’enveloppe contenant un bulletin blanc. En première lecture, l’Assemblée nationale avait choisi d’introduire une équivalence entre une enveloppe vide et un bulletin blanc. Le Sénat avait supprimé cette disposition, car il estimait que le vote blanc, étant un acte délibéré, devait se traduire par un acte positif, l’introduction d’un bulletin blanc dans l’enveloppe, et ce afin d’éviter toute équivoque quant à la portée du geste de l’électeur. C’est pourquoi nous avions prévu la mise à disposition de l’électeur de bulletins blancs. L’Assemblée nationale a considéré que sa version était meilleure, dans la mesure, notamment, où elle n’engageait pas de dépense supplémentaire pour l’État. À titre personnel, je ne peux m’empêcher de penser que le motif selon lequel le coût de la fourniture de bulletins blancs serait excessif pour les finances publiques ressemble plus à un prétexte qu’à une vraie raison. D’autant que, jusqu’à présent, une enveloppe vide était considérée comme un bulletin nul. En modifiant le mode de comptabilisation des enveloppes vides, on risque donc d’introduire plus de confusion que de clarté. Je mentionnerai une difficulté supplémentaire, qui a déjà été évoquée. Les électeurs souhaitant voter blanc préparent souvent leur bulletin chez eux puis, une fois dans l’isoloir, le glissent directement dans l’enveloppe ; or, si ce bulletin n’a pas le format requis, lors du dépouillement, il risque d’être considéré comme portant un signe de reconnaissance et donc d’être compté comme un bulletin nul. On se trouverait donc dans la situation où une enveloppe vide serait considérée comme un bulletin blanc, alors qu’une enveloppe contenant un bulletin blanc pourrait être considérée comme un bulletin nul.
Face au risque de confusion et d’incompréhension de la part de l’électeur, il est clair que la version votée en première lecture par le Sénat et qui prévoyait la mise à disposition de bulletins blancs était de loin préférable à celle qu’a retenue l’Assemblée nationale et que nous nous apprêtons à confirmer.
Cela dit, il faut savoir mettre un terme au débat, au demeurant déjà ancien, sur la reconnaissance du vote blanc. La proposition de loi, telle qu’elle est issue des travaux de l’Assemblée nationale et telle qu’elle a été adoptée par la commission des lois, permet, sinon de clore définitivement ce débat, du moins de le faire avancer, sans pour autant – point à mes yeux très important – affaiblir la notion de suffrage exprimé. C’est pourquoi les membres du groupe centriste la voteront. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe socialiste)