Les interventions en séance

Budget
11/12/2013

«Projet de loi de finances rectificative pour 2013 »

M. Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, cela fait des mois que les parlementaires attendent ce collectif budgétaire pour mesurer la réalité des comptes publics et les contrôler. M. le ministre chargé du budget considère à raison que la seule réalité qui vaille est celle des chiffres. Il semble cependant que nous ne constations pas la même réalité. La dépense publique brute passe de 395,5 milliards d’euros en 2013 à 407,4 milliards d’euros en 2014. Elle n’est donc pas stabilisée, contrairement à ses affirmations. Sa proposition d’établir des instruments à l’aune desquels il pourrait mesurer et comparer les trajectoires des finances publiques des vingt dernières années éclairera-t-elle le présent et préparera-t-elle l’avenir ? N’est-elle pas uniquement accessoire ? Après dix-huit mois de pouvoir, est-il possible de cesser enfin les querelles stériles sur l’héritage ? Ce qui est sûr, c’est que vous êtes responsables du présent. Je rappelle que la dette s’est accrue de 194,9 milliards d’euros depuis mai 2012 passant de 1 717,3 milliards d’euros à 1 912,2 milliards d’euros au 30 juin dernier, selon l’INSEE. Alors avançons ensemble dans l’intérêt du pays en nous affranchissant d’affirmations partisanes et, surtout, vaines. Monsieur le ministre, j’ai deux suggestions à vous faire, qui, malheureusement, eurent peu de succès sous le précédent quinquennat. D’une part, il faudrait opter pour une présentation des dépenses du même montant d’une année sur l’autre en euros courants. Cela engendrerait spontanément une baisse des dépenses du montant de l’inflation. D’autre part, nous pourrions baser nos prévisions budgétaires sur une croissance nulle, ce qui serait pragmatique et réaliste, car les prévisionnistes et les gouvernements se trompent le plus souvent. Les éventuels résultats budgétaires excédentaires seraient à verser au bénéfice de nos comptes publics. Tous les Français s’interrogent : à quoi sert une charge fiscale d’une intensité inégalée pesant sur les contribuables depuis 2012 si le déficit continue d’augmenter inexorablement ? En valeur absolue, nous sommes passés de 71,9 milliards d’euros en loi de finances initiale à près de 82 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2014, si l’on y intègre les investissements d’avenir. C’est 30 milliards d’euros de plus que le déficit prévu par la loi de programmation votée l’année dernière. Les recettes espérées sont inférieures de 11 milliards d’euros à ce que vous aviez anticipé et annoncé. Vous avez surestimé les recettes de l’impôt sur les sociétés. Vous attendiez 53,5 milliards d’euros, vous avez collecté 49,7 milliards d’euros, soit une perte de 3,8 milliards d’euros. La pression fiscale sur les entreprises est si forte et stérilisante que c’était prévisible. Les baisses de recettes de TVA, de droits de mutation à titre onéreux ou DMTO et de cotisations sociales sont bien évidemment imputables à une baisse de la croissance, due en partie à la pression fiscale ainsi qu’au travail au noir qui en est la conséquence. Vous estimez que la disparition de près de 1 milliard d’euros de recettes de TVA serait imputable à de nouvelles techniques de fraude à la TVA. Cela me semble une raison annexe. Vous ne pouvez, d’une part, avancer que l’effritement de la dynamique des recettes fiscales est lié à des facteurs conjoncturels et, d’autre part, affirmer que la situation structurelle s’améliore, les chiffres démontrant l’inverse. Notre solde structurel est déficitaire, il passe de 2 % dans la loi de programmation à 2,6 %. Le solde conjoncturel est resté presque stable, il n’est passé que de 1,2 % dans la loi de programmation à 1,4 %. Comment ce 0,2 point de variation suffirait-il à expliquer 1,1 point de PIB de déficit public imprévu ? Face à la même crise, nos partenaires européens ont accompli un effort colossal pour redresser leur solde structurel, voire pour le rendre excédentaire. Nous sommes dans la démarche inverse et, en conséquence, nous voilà guettés par le mécanisme de correction, comme vient de le rappeler le président de la commission des finances. Baissez vite les dépenses, monsieur le ministre, ou vous serez obligé d’augmenter les impôts avec un résultat contraire à celui qui est escompté ! Mais tout cela, vous le savez. Vous avez méconnu la difficulté de la collecte de l’impôt, car vous n’avez pas anticipé le désarroi fiscal des Français, qui considèrent que trop c’est trop.
La réalité est cruelle : nous assistons consternés à la démonstration de la réalité visionnaire et de la justesse de la courbe de Laffer. Tout le monde l’a rappelé, mais je ne résiste pas au plaisir de le faire à mon tour : « Trop d’impôt tue l’impôt ». Même le Président Mitterrand, qui était pragmatique et qui n’était pas un économiste, l’affirmait.
Monsieur le ministre, redonnez aux Français l’envie d’investir, l’envie d’entreprendre, l’envie de travailler. Pour cela, ils doivent être convaincus que l’impôt n’est pas confiscatoire. À l’échelon politique, encouragez la coopération entre parlementaires de toutes sensibilités. Œuvrez pour retrouver l’esprit consensuel qui a présidé à la création de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, et même à la discussion de la loi sur la régulation bancaire, afin de construire une véritable réforme fiscale qui aura l’assentiment des Français. Vous aurez alors pour cela l’approbation des sénateurs du groupe UDI-UC. Je me dois de reconnaître que certaines dispositions du PLFR sont enfin incitatives : la création de deux nouveaux produits d’assurance vie qui visent à améliorer le financement des entreprises, un dispositif stimulant le capital-investissement pour les entreprises à l’article 8, les mesures en faveur de l’exportation à l’article 32 et diverses mesures sectorielles comme celle qui concerne la filière bois. Cela est positif, mais n’est pas à la hauteur des attentes des Français, qui veulent de l’État un effort équivalent à celui que vous exigez d’eux par l’impôt. Rien de majeur n’est mis en place en ce sens, car vous vous entêtez dans votre idée fausse que la baisse des dépenses est plus récessive que la hausse des impôts. C’est pourquoi le groupe UDI-UC ne peut voter en faveur de ce texte. Monsieur le ministre, la CDU et le SPD en Allemagne viennent de parvenir à un projet d’union nationale dans l’intérêt du pays. Dans un état d’esprit louable, le Premier ministre consulte tous les partis pour préparer une réforme fiscale. Il a pris l’excellente initiative de confier à MM. Malvy et Lambert, deux anciens ministres du budget aux philosophies politiques différentes, une mission pour réduire la dépense publique. Étendez aux groupes politiques cette action en faveur d’une convergence et nous pourrons nous retrouver et nous rapprocher. (M. Vincent Delahaye applaudit.)