Les interventions en séance

Affaires sociales
10/09/2013

«Projet de loi relatif à la consommation »

Mme Muguette Dini

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Mme Létard a présenté la position de notre groupe sur ce texte. Quant à moi, je souhaite centrer mon propos sur le crédit à la consommation et le surendettement. Nouvellement élue sénatrice, ce sont deux des premiers sujets sur lesquels je suis intervenue en séance publique, en septembre 2004. J’ai aussi interpellé le ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, dès décembre de cette même année, sur la prévention du surendettement. Il aura fallu presque dix ans pour que ces questions trouvent enfin une réponse. Les deux grandes lois Scrivener, adoptées à la fin des années soixante-dix, la loi Neiertz du 31 décembre 1989, la loi Borloo du 1er août 2003 et la loi du 28 janvier 2005 ont, successivement ou conjointement, abordé les questions de l’information du consommateur, de sa protection, de son surendettement, de la publicité sur les crédits, en particulier sur les crédits renouvelables. Mais c’est la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite « loi Lagarde », qui, sans nul doute, est la plus structurante en matière de crédit à la consommation. C’est la première conclusion générale du rapport d’information que j’ai produit, en juin 2012, avec Anne-Marie Escoffier, sur l’évaluation de cette loi Lagarde, rapport élaboré au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. En effet, la loi Lagarde s’est intéressée à toutes les étapes de la distribution du crédit : publicité, conditions de la souscription sur le lieu de vente, conclusion du contrat, durée et évolution du crédit souscrit. Votre projet de loi, monsieur le ministre, vient compléter cette dernière, en instituant notamment le registre national des crédits aux particuliers. Mais, sur certains points, votre texte reste timide ; je le regrette. Les amendements que j’ai déposés prévoient donc d’aller plus loin, en reprenant les recommandations de notre rapport d’information. Permettez-moi de présenter mes principaux amendements, en insistant sur quatre points. Premièrement, l’encadrement de l’entrée dans le crédit reste inachevé. Les publicités sont encadrées, mais des sollicitations commerciales sont toujours présentes. La publicité passive que constitue le démarchage commercial n’est pas suffisamment mise en cause. Les établissements de crédit ou leurs intermédiaires peuvent relancer leurs clients, en particulier lorsque ceux-ci n’ont pas atteint le plafond d’utilisation de leur ligne de crédit. Ces sollicitations commerciales constituent une méthode récurrente, voire agressive, qui laisse croire au consommateur qu’une certaine quantité d’argent est à sa disposition auprès de tel ou tel établissement. Cette démarche prend souvent pour cible les clients financièrement fragilisés. Dans cette perspective, je défendrai deux amendements, visant l’un à mettre fin au démarchage commercial pour un crédit renouvelable, l’autre à interdire, dans toute publicité, de proposer, sous quelque forme que ce soit, des lots promotionnels et/ou des remises de prix liés à l’acceptation d’une offre de crédit. Deuxièmement, la principale porte d’entrée dans le crédit demeure les cartes dites « confuses », qui sont à la fois des cartes de crédit et des cartes de fidélité. Ces cartes concernent le crédit sur le lieu de vente, mais aussi le crédit dans la vente par correspondance, particulièrement active en matière de crédit renouvelable. Du fait de l’adossement à une carte de fidélité, les souscriptions de crédit renouvelable sont parfois liées à la simple volonté de disposer d’une carte de fidélité du magasin ou à celle d’obtenir un avantage promotionnel. Il convient de recentrer la carte de fidélité sur ce qu’elle doit récompenser : la fidélité d’un client. Pourquoi tergiverser sur ce sujet ? Il convient d’interdire les cartes « confuses » en découplant cartes de paiement, avec crédit renouvelable ou non, et cartes de fidélité. Troisièmement, pour éviter que les vendeurs n’orientent le client vers le crédit renouvelable plutôt que vers une offre amortissable, la loi interdit que le vendeur soit rémunéré en fonction du type de crédit souscrit. En effet, la commission doit être la même pour la vente d’un crédit renouvelable ou pour celle d’un crédit amortissable. Mais ce garde-fou porte uniquement sur les crédits souscrits pour l’achat d’un bien immobilier ou mobilier, à l’exclusion des crédits contractés pour le financement de prestations de services. Le projet de loi prévoit d’étendre à l’ensemble des crédits les règles applicables en matière de rémunération des vendeurs. Néanmoins, ces dispositions ne règlent que partiellement le problème. La souscription d’un crédit, amortissable ou renouvelable, ne devrait pas être le résultat d’une pratique commerciale ; elle doit être la solution proposée, par défaut, par le vendeur lorsque le consommateur ne peut ou ne veut pas acheter au comptant. Mon amendement prévoit d’interdire toute rémunération du vendeur en fonction des modalités de paiement choisies par l’acheteur. J’en viens maintenant à mon quatrième point : le renforcement de la vérification de la solvabilité de l’emprunteur. La loi actuelle ne prévoit que l’évaluation des ressources de l’emprunteur, sans prise en compte de ses charges, grâce à une fiche de dialogue et, dans le cas d’un crédit supérieur à 1 000 euros, à des pièces justificatives corroborant cette fiche. Ce projet de loi suit la même logique au travers de l’instauration du registre national des crédits aux particuliers. Ma position sur ce point a évolué grâce à mon travail de contrôle. J’étais à l’origine très favorable à la création de ce répertoire, car j’y voyais la solution pour assurer une vérification de la solvabilité de l’emprunteur, jusque-là très lacunaire. Mais la prise en compte progressive de l’ensemble des éléments qui déterminent la conclusion d’un contrat de crédit, dont la vérification de la solvabilité n’est qu’une étape, m’a conduite à penser que ce fichier n’était pas suffisant. Le registre national des crédits aux particuliers sera sans nul doute un outil fondamental pour l’appréciation du niveau d’endettement de l’emprunteur. En revanche, il ne donnera d’informations ni sur ses revenus, ni sur ses charges, ni sur ses habitudes de consommation. C’est pourquoi je propose de rendre obligatoire la présentation des trois derniers relevés de compte bancaire. Même si une personne a plusieurs comptes bancaires, elle n’a généralement qu’une seule source principale de revenus. Les transferts d’argent entre les différents comptes sont visibles et permettent de poser les bonnes questions. Je sais, monsieur le ministre, que vous avez été attentif au rapport d’information qu’Anne-Marie Escoffier et moi-même avons produit. Quelques-unes de nos recommandations ont été reprises dans la loi bancaire. Je souhaite que celles qui trouvent une traduction dans mes amendements connaissent le même succès. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et sur certaines travées de l’UMP.)