Les interventions en séance

Collectivités territoriales
Daniel Dubois 10/07/2012

«Proposition de loi visant à abroger la loi relative à la majoration des droits à construire-Explication de vote»

M. Daniel Dubois

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, on dénombre aujourd’hui 3,4 millions de demandes de logement, dont 1,4 million concernent les logements sociaux. Ces chiffres attestent, s’il en était besoin, le manque structurel de logements dont souffre notre pays. De surcroît, en la matière, la situation s’aggrave.   En effet, sur les trois derniers mois, les mises en chantier ont reculé de près de 20 % par rapport à la même période de 2011. Selon les premières estimations disponibles, le nombre de logements construits en 2012 pourrait s’établir entre 300 000 et 310 000. (M. le rapporteur pour avis acquiesce.)   On est très loin des 421 000 mises en chantier enregistrées en 2011. On est également très loin, madame la ministre, de l’objectif de construire 500 000 logements par an en moyenne que vous avez récemment confirmé, lors de votre intervention devant les représentants des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement.   Si l’on veut construire plus de logements, particulièrement dans les zones urbaines tendues, il faut construire davantage sur les mètres carrés disponibles. C’est évident ! Je ne vois pas comment faire autrement si l’on veut accroître l’offre de logement en évitant de consommer du foncier. Du reste, de façon quelque peu paradoxale, vous avez indiqué à l’instant, madame la ministre, que finalement vous n’étiez pas opposée sur le fond à la loi du 20 mars 2012, car il faudra bien sûr densifier.   Tout l’enjeu du débat, c’est donc la densification ! M. le rapporteur préfère, quant à lui, parler d’une « optimisation de l’utilisation des surfaces ».   Tout à fait ! Je sais que M. Raoul maîtrise parfaitement l’art de la sémantique, mais, pour ma part, je m’en tiendrai au terme « densification ».   Messieurs les rapporteurs, je vous rejoins sur le point suivant : il est vrai que les possibilités offertes actuellement aux maires par les textes en matière de densification ne sont pas utilisées. Vous avez raison, mais, comme je l’ai déjà souligné en commission, tandis que vous en tirez argument pour prôner l’abrogation de la loi du 20 mars 2012, je considère au contraire que ce constat doit nous inciter à ne surtout pas abroger ce texte !   Certes, des possibilités de majorer les droits à construire existent déjà, mais les élus locaux ne les utilisent pas. On peut d’ailleurs les comprendre à certains égards. J’y reviendrai.   Au regard de cette situation, la loi Apparu du 20 mars dernier constituait, en définitive, un signal : il faut construire plus en utilisant moins de terrain. Les possibilités offertes pour ce faire n’étant pas utilisées, l’objet de ce texte était de proposer une autre voie pour progresser. On nous objecte qu’il a été élaboré dans la précipitation, sans concertation suffisante, mais il ne faut pas l’abroger pour autant, il faut l’améliorer ! Si tel avait été l’objectif des auteurs de la proposition de loi, nous aurions été en plein accord avec eux, car il est vrai que la loi a été adoptée dans l’urgence.   Mes chers collègues, comment comptez-vous agir pour répondre aux attentes de nos concitoyens en matière de construction de logements ? Pour leur part, les membres du groupe de l’Union centriste et républicaine estiment qu’il faut mettre en place un arsenal de mesures cohérentes. À ce titre, il convient certainement, comme l’a d’ailleurs suggéré Mme la ministre, de revenir sur la fiscalité des plus-values sur le foncier, pour la rendre inversement proportionnelle à la durée de détention des terrains. Une telle mesure permettrait sans aucun doute de libérer du foncier. Par ailleurs, il faut lutter contre les recours abusifs. En effet, aujourd’hui, 15 % des permis de construire sont annulés à la suite de recours abusifs. Vous l’avez souligné, madame la ministre, il faut restreindre le champ de l’intérêt à agir contre un projet de construction de logements et alourdir les sanctions contre les personnes qui engagent des recours abusifs contre des permis de construire, à des fins essentiellement financières. Il faut lutter contre un phénomène qui tue la construction, assèche la trésorerie tant des architectes que des promoteurs et freine considérablement les mises en chantier.   Enfin, je tiens à rappeler que notre collègue Jean-Paul Amoudry avait proposé, concernant les communes touristiques de montagne, de subordonner la majoration de la constructibilité au versement d’une contribution au profit de la collectivité.   Le montant de cette contribution aurait été affecté obligatoirement au financement de logements sociaux, destinés aux saisonniers qui ne peuvent plus se loger en ville. Malheureusement, en mars dernier, la majorité sénatoriale n’a pas entendu nos propositions. Chers collègues de la majorité, vous ne vous êtes pas montrés constructifs : vous vous êtes bornés à substituer au projet de loi Apparu un texte visant à prévoir la cession de terrains ou d’immeubles de l’État en vue de la création de logements sociaux !   Certes, une semblable mesure est sans doute utile, mais croyez-vous sincèrement que la cession de terrains appartenant à l’État ou à des établissements publics nationaux permettra de construire 500 000 logements par an pendant cinq ans ?   Cela peut aider, mais une telle mesure ne suffira pas à résoudre le problème du logement…   Aujourd’hui, pour combler le déficit abyssal de logements tout en préservant les espaces agricoles et en respectant l’environnement, que proposez-vous ?   La proposition de loi du sénateur Repentin, aujourd’hui ministre, ne prévoit rien, si ce n’est d’abroger ce qui a été voté. Par ailleurs, vous faites des annonces stupéfiantes, sans annoncer d’objectif ni avoir aucune vision précise de la politique de l’urbanisme et du logement. Vous vous contentez de brandir le bâton contre les maires qui n’atteindraient pas les objectifs définis par la loi SRU en matière de logements sociaux, en prévoyant un quintuplement des pénalités prévues par ce texte. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Mes chers collègues, les maires apprécieront !   L’année dernière, le maire d’une commune de la région nantaise ayant vu annuler les deux permis de construire qu’il avait demandés en vue de la réalisation de logements sociaux a été menacé de pénalités ! À mon sens, plutôt que de les sanctionner, mieux vaut donner aux élus les moyens de mener à bien leurs programmes de logements sociaux.   Je l’ai déjà dit, vous n’atteindrez jamais votre objectif de construction de 500 000 logements par an si les investisseurs privés ne sont pas au rendez-vous. Cela est évident, mais pour les encourager, vous ne trouvez rien de mieux que bloquer les loyers ! Bloquer les loyers, est-ce là leur adresser un signal positif ? Soyez cohérents, mes chers collègues, cessez de faire le grand écart !   Pour notre part, nous attendions du nouveau gouvernement la mise en place d’un arsenal de mesures cohérentes, efficaces et durables, adoptées selon une logique positive, en particulier l’instauration d’une prime aux maires bâtisseurs ! On le sait bien, lorsqu’il veut construire, un maire doit non seulement verser une subvention pour équilibrer l’opération, mais également financer tous les services publics afférents, notamment les écoles.   Plutôt que de leur infliger des pénalités, il vaudrait mieux, à notre sens, apporter un soutien aux élus qui s’engagent dans cette démarche ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)   Vous reprochez à l’ancien gouvernement d’avoir légiféré dans la précipitation ; il ne faudrait pas en rajouter !   Je ne reviendrai pas sur la nécessité d’adresser un signal positif aux investisseurs. Il importe également d’instituer un encadrement juridique strict des recours abusifs contre les autorisations d’urbanisme.   Je suis prêt à reconnaître que la loi Apparu n’apportait pas de réponse à la hauteur des enjeux, mais vous ne faites guère mieux, car vous ne proposez rien ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Sans lire dans le marc de café, je puis d’ores et déjà affirmer que 2012 sera certainement une année blanche en matière de mises en chantier de logements.   Si vous aviez proposé d’améliorer la loi du 20 mars 2012, tous les sénateurs de l’UCR auraient sans nul doute soutenu cette proposition de loi, mais, compte tenu de la démarche que vous avez adoptée, une large majorité d’entre eux s’y refusera ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)