Le texte de la proposition de loi, version imprimable :
PPL-N.About-interdire_la_vente_d_alcool_aux_mineurs-Juin2008.pdf
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’alcool est devenu la première forme d’addiction chez les jeunes
en France. Depuis quelques années, on observe une recrudescence de la
consommation excessive d’alcool chez les mineurs, avec des phénomènes
d’alcoolisation massive et brutale. Alors que les ivresses répétées (au moins
trois fois par an) concernaient 20 % des jeunes de 17 ans en 2002, elles
touchent aujourd’hui 26 % d’entre eux, soit une augmentation de 30 % en
quatre ans. Les ivresses régulières (au moins 10 fois par an) auraient, de
leur côté, progressé de 52 %.
La vente de boissons alcoolisées, type « premix » ou
« alcopops », boissons associant des sodas, des jus fruits ou des arômes
avec des alcools forts (whisky, vodka, etc.), en libre distribution dans les
grandes surfaces et les stations-services, n’est pas étrangère à ce
phénomène. Conditionnés en bouteille ou en canettes, ces produits ont une
teneur en alcool qui s’élève au minimum à 5 ou 6 % du volume, comme le
précise l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes).
Or, il n’est pas rare de voir des jeunes de 14-16 ans acheter de grandes
quantités d’alcool, à bas prix, dans les supermarchés, pour aller les
consommer ensuite en groupe, dans la rue, à domicile ou à l’occasion de
soirées entre jeunes, où les parents font défaut. De même, le
développement des « open bars », qui proposent une consommation
d’alcool à volonté, ou encore celui des « happy-hours », vente d’alcool à
prix réduit en soirée, constituent des facteurs aggravants lorsqu’ils
s’adressent à des jeunes, particulièrement vulnérables et influençables, dans
le cadre de phénomène de groupe.
Ainsi, la presse s’est récemment fait l’écho de plusieurs cas de
comas éthyliques, survenus chez des jeunes, au cours de ces soirées
arrosées, mais aussi en journée, y compris à l’école. Ainsi, en janvier
dernier, deux lycéennes d’Abbeville sont tombées dans le coma, alors
qu’elles suivaient au lycée leur première heure de cours. Elles avaient 2 g
par litre d’alcool dans le sang, suite à la consommation d’une dizaine de
verres de vodka, qu’on venait de leur servir dans un café, pour fêter un
anniversaire.
Outre les conséquences graves et immédiates de cette
alcoolisation massive sur la santé des jeunes, elle induit également des
comportements à risque. La perte de contrôle de soi peut conduire à des
comportements de violence, de passage à l’acte, d’agressions ou de suicide,
plus particulièrement chez les jeunes. En outre, l’alcool entraîne une
diminution de la vigilance, cause principale d’accidents de la circulation.
Rappelons que la part d’accidents mortels attribuable à l’alcool est de
l’ordre de 28,6 %, en France, toutes concentrations confondues ; la part
attribuable aux seules alcoolémies supérieures au seuil légal (c’est-à-dire à
0,5g/l) est d’environ 25 %.
Le comportement des jeunes vis-à-vis de l’alcool a donc changé,
et le développement des facilités d’achat de boissons alcoolisées y est sans
doute pour quelque chose. La représentation nationale doit réagir afin, si ce
n’est d’enrayer le phénomène, au moins de le ralentir.
Notre législation en matière d’interdiction (ou de limitation) de la
vente d’alcool aux mineurs manque de lisibilité. Elle distingue deux
tranches d’âge (les mineurs de 16 ans et les mineurs de 18 ans), auxquelles
s’appliquent des restrictions différentes, selon les modalités de vente (sur
place ou à emporter) et selon le type de boissons (obtenues par
fermentation ou par distillation). Cette complexité législative ne favorise
pas les contrôles susceptibles d’être exercés par les détenteurs de débits de
boissons, ou par les responsables des points de vente, type supermarchés ou
stations-services, pas plus qu’elle ne favorise l’exercice d’une autorité
claire des parents sur leurs enfants.
C’est pourquoi cette proposition de loi vise à clarifier notre
dispositif législatif, en matière d’interdiction de vente d’alcool aux
mineurs. Afin de poser une interdiction symbolique, elle pose une règle
générale simple : l’interdiction de toute vente d’alcool aux mineurs de
18 ans, quel que soit le type de boisson ou le mode de consommation (sur
place ou à emporter). Elle supprime donc l’exception de vente, jusque-là
autorisée aux mineurs de 16 ans. La Mission interministérielle de lutte
contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) a récemment indiqué qu’elle
travaillait, en lien avec les professionnels du secteur, pour « limiter la vente
et la distribution des boissons alcooliques aux mineurs de moins de 18 ans
d’ici 2009 ». Sans plus attendre ce délai, ce texte se propose donc de
réformer les articles L. 3342-1 et suivants du code de la santé publique, afin
de lutter contre ce fléau de l’alcool chez les jeunes.
C’est pour répondre à cet objectif de santé publique que je vous
propose de bien vouloir adopter, Mesdames, Messieurs, la présente
proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Dans l’article L. 3342-1 du code de la santé publique, les mots :
« de moins de seize ans » sont supprimés.
Article 2
L’article L. 3342-2 du même code est abrogé.
Article 3
Dans le premier alinéa de l’article L. 3342-3 du même code, le
nombre : « seize » est remplacé par le nombre : « dix-huit ».