Les interventions en séance

Agriculture et pêche
Françoise Férat 10/04/2014

«Projet de loi d՚avenir pour l՚agriculture, l՚agroalimentaire et la forêt »

Mme Françoise Férat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos, vous n’en serez pas surpris, portera sur l’enseignement agricole. Je dispose de quatre minutes de temps de parole et j’ai pourtant tellement de choses à vous dire, monsieur le ministre… Les travaux préparatoires au présent projet de loi laissaient de bons espoirs, notamment pour l’enseignement agricole. Comme vous l’avez indiqué à l’occasion de la rentrée scolaire de 2013-2014, cet enseignement a une petite place en nombre d’élèves, mais un grand rôle à jouer car de nombreux atouts à faire valoir. En effet, le Gouvernement affiche l’ambition de faire de la France le leader en matière d’agroécologie. Il s’agit de mettre tout en œuvre pour produire au mieux, en relevant un double défi : répondre à la demande mondiale en matière d’alimentation et respecter les écosystèmes, dans le cadre d’un développement durable reposant sur une moindre utilisation d’intrants, de pesticides, sur la préservation de la ressource en eau, sur la lutte contre le gaspillage du foncier, etc. Une prise de conscience des acteurs agricoles et de nombreuses évolutions techniques se sont accentuées au cours des dernières années, notamment depuis le Grenelle de l’environnement. Ainsi, l’enseignement agricole, qui prépare les professionnels de l’agriculture, du monde rural et paysager de demain, devait retrouver toute sa place dans ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. L’Observatoire national de l’enseignement agricole, l’ONEA, présidé par l’ancien ministre Henri Nallet, a remis en 2013 un rapport intitulé L’enseignement agricole face aux défis de l’agriculture à l’horizon 2025. Ici, ont été imaginées et mises en forme de nombreuses idées et préconisations permettant d’inscrire la formation des futurs acteurs du monde rural dans une agriculture du XXIe siècle. J’en espérais beaucoup… Pourtant, je ne retrouve pas dans ce projet de loi la quintessence de ce rapport très fourni ! Où sont les transcriptions des sept recommandations de l’ONEA : faciliter et valoriser l’implication des professionnels ; refonder le schéma prévisionnel national des formations ; prendre en compte les dynamiques de déconcentration et de décentralisation ; donner la priorité à la formation des enseignants, des formateurs et des cadres ; assurer la réussite de tous ; bâtir la maison des savoirs ; reconstruire la relation entre enseignements technique et supérieur ? Ce rapport aurait pu être une source dense d’inspiration. Malheureusement, le projet de loi est passé à côté. Nous ne retrouvons pas d’avancées vers les cinq missions dévolues à l’enseignement agricole, qui constituent un atout essentiel pour l’agriculture du futur. Il manque également l’articulation de l’autonomie des établissements avec un pilotage et un cadrage national. Or l’enseignement agricole, qui présente un modèle de coopération entre un système productif et un système éducatif, mériterait une plus forte prise en compte et une implication des professionnels de l’agriculture et de leurs organismes. En définitive, et je regrette vraiment de devoir faire ce constat, nous sommes face à un texte sans ambition, annonçant le rendez-vous manqué de l’enseignement agricole.
Tout ce qui devait permettre l’évolution de cette formation, afin d’être en parfaite harmonie avec les enjeux d’une nouvelle « révolution agricole », a été écarté.
Une nouvelle organisation ancrée dans les régions et les territoires, orientée vers des spécialisations et des voies d’excellence, impliquant tous les acteurs de la filière dans un même acte partenarial, n’a pas su être mise en œuvre dans ce travail législatif. Un moment particulier, un texte spécifique prenant en considération la réalité des territoires et des acteurs aurait été perçu comme un signe encourageant, voire gratifiant, pour l’ensemble des établissements et des professionnels de cette formation. Mais seuls deux articles font référence à l’enseignement agricole, et cela, surtout, dans sa partie production. Cette absence témoigne d’une conception idéologique de l’agriculture. Soumise aux exigences environnementales et adossée aux besoins en nourriture mondiale et en compétitivité internationale de la filière agricole, celle-ci souffrira de ne pas avoir formé les professionnels en devenir à ces questions agronomiques. La recherche et les résultats techniques évoluent et continueront d’évoluer. Notre agriculture, qui fut la première d’Europe, requiert des techniciens, des ruraux préparés aux performances agricoles et agroalimentaires de demain. L’avenir économique de cette filière risque de se trouver fragilisé face à des concurrents européens et internationaux rompus à ces innovations et grignotant à nouveau des parts de marché. C’est pourquoi, dans un but constructif et sans dogmatisme partisan, j’ai déposé plusieurs amendements aux articles 26 et 27, dont les principaux ont pour objet de répondre aux défis suivants. Le premier objectif est de garantir un cadrage national des formations, tout en assurant une certaine autonomie aux régions, directement en lien avec les spécificités des formations et des débouchés professionnels de leurs territoires. Le second objectif concerne l’association plus étroite que le monde éducatif agricole doit trouver avec les acteurs professionnels. Les échanges d’expérience et de connaissance des uns et des autres permettront un essor plus réactif et adapté aux contraintes réelles. J’aurai l’occasion d’expliquer en détail mes propositions lors de la discussion des amendements précédemment évoqués. Sachez, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que ces idées sont le fruit d’un travail de terrain de treize ans. C’est vous dire si ces propositions correspondent sincèrement aux attentes et aux réalités des structures de base, et pourraient constituer des avancées pour le développement et la structuration de l’enseignement agricole. De toute évidence, produire autrement implique de former autrement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)