Les interventions en séance

Affaires sociales
10/02/2010

«Proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants»

Mme Muguette Dini

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, très longtemps, trop longtemps ignorées par notre société, les violences conjugales sont aujourd’hui reconnues au prix d’un long combat, combat mené d’abord par les femmes elles-mêmes.
Les violences au sein des couples sont réprimées pénalement depuis 1994, plus largement et plus sévèrement depuis la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises sur mineurs, adoptée sur l’initiative de nos collègues Roland Courteau et Nicole Borvo-Cohen-Seat.
Avec le présent texte, M. Roland Courteau et ses collègues du groupe socialiste nous proposent de légiférer de nouveau sur ces questions graves. Je vous rejoins, monsieur Courteau, sur la nécessité d’améliorer le droit existant. J’ai été confortée dans cette certitude en prenant connaissance d’une analyse sociologique et juridique des arrêts de deux cours d’appel de votre région, celles de Montpellier et de Nîmes.
Au cours des années 2005 et 2006 et du premier trimestre 2007, ces juridictions ont statué sur 97 affaires de violences conjugales. L’étude de ces décisions nous donne des éléments d’information concernant les prévenus, les victimes et le contexte des violences intrafamiliales. Elle nous renseigne aussi sur la qualification des faits retenus par les juges d’appel et sur leur sanction. Surtout, elle met en relief certains points sur lesquels notre législation doit absolument évoluer.
Voici, brossées très rapidement, les informations pertinentes qui ressortent de cette jurisprudence pénale. La grande majorité des prévenus a entre trente ans et cinquante ans.
On trouve des maris ou concubins violents dans toutes les catégories socioprofessionnelles. Ainsi, dans les arrêts étudiés, ces derniers exercent des professions très diverses : militaire, ouvrier, œnologue, chef d’entreprise, agriculteur, sous-brigadier de police, routier, masseur-kinésithérapeute, gynécologue, plombier ou maçon.
Il convient toutefois de noter que 28 % de ces prévenus sont sans emploi et que 11% de ceux qui ont été jugés par la cour d’appel de Nîmes étaient des retraités.
Moins d’une victime sur deux se constitue partie civile. Dans 12,5% des cas, la victime a refusé de déposer plainte ou a souhaité la retirer au cours de la procédure. La cour d’appel de Montpellier a d’ailleurs eu l’occasion de rappeler que la plainte de la victime n’était pas une condition préalable à la poursuite du chef des violences volontaires. Peut-être faudrait-il que la loi soit plus précise sur ce point. Il ressort également des arrêts étudiés que, dans 27% des cas à Montpellier et 11% des affaires à Nîmes, le conjoint violent déclare qu’il était sous l’influence de l’alcool au moment des faits.
Dans de très nombreux cas, les violences ont eu lieu dans le cadre de la séparation ou du divorce du couple.
Dans plus de la moitié des affaires, la victime a déclaré que ce n’était pas la première fois qu’elle recevait des coups de son mari ou concubin, certaines subissant cette violence depuis de très nombreuses années. La loi du 4 avril 2006 ne retient pas le caractère habituel des violences comme une circonstance aggravante de l’infraction. Nous devons aussi changer cela !
Concernant la qualification des faits relevant des violences conjugales, c’est d’abord celle des coups et blessures volontaires que retiennent nos cours d’appel. En l’espèce, la peine encourue dépend de la durée de l’incapacité totale de travail qui a pu, ou non, en résulter. On constate que les violences physiques infligées dans le cadre conjugal entraînent dans la majorité des cas une incapacité totale de travail. La durée de cette ITT ne pose alors aucune difficulté du point de vue de la qualification puisque cette dernière est établie médicalement. Les services de police ou de gendarmerie ne manquent jamais de demander un certificat médical à la victime qui se présente pour déposer plainte. Toutefois, si l’ITT est de quelques jours, ce document n’est pas un élément de preuve suffisant. En effet, le prévenu peut être relaxé en dépit de l’existence d’un certificat médical. Notre droit devrait aussi évoluer sur ce point.
L’autre qualification retenue par les cours d’appel étudiées est celle des agressions sexuelles. Il s’agit d’une avancée indéniable de notre législation, amorcée par la jurisprudence, qui avait déjà admis avant 2006 le viol entre époux. Il reste que la victime sera confrontée au problème de la preuve, qui ne se posera pas dans des termes fondamentalement différents selon que l’agression sexuelle a été commise dans un cadre conjugal ou hors de celui-ci. Dans l’échantillon d’arrêts étudiés, trois prévenus ont été poursuivis pour coups et blessures volontaires et pour agression sexuelle, dont un seul après l’adoption de la loi du 4 avril 2006. Cependant, pour cette seconde infraction, a été retenu comme circonstance aggravante uniquement le fait que la violence avait entraîné une blessure ou une lésion. La loi n’a en effet pas prévu, pour cette infraction, d’aggravation supplémentaire de la peine en cas de cumul de circonstances aggravantes. La cour a jugé que l’acte de violence sexuelle subi par la victime et reconnu par le prévenu a été fait en vue de blesser celle-ci et constitue donc non pas une agression sexuelle, mais un acte de violence. Là encore, nous devons revenir sur cette lacune ! Il arrive que les violences soient commises avec usage ou sous la menace d’une arme par nature ou par destination. Les juges retiennent dans ces cas, la circonstance aggravante.