Les interventions en séance

Droit et réglementations
10/01/2012

«Proposition de loi relative à la simplification du droit et à l՚allégement des démarches administratives »

Mme Muguette Dini

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à ce stade de notre discussion générale, nous avons entendu un florilège d’expressions de toute sorte visant à qualifier cette proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives : « loi fourre-tout », « train à trois classes », « voiture-balai ». Cela me conduit à formuler trois observations, qui ont déjà été formulées à cette tribune. Aussi, je me propose d’être brève sur les deux premières et de développer la troisième au travers d’un exemple. La critique portant sur le caractère « fourre-tout » de cette proposition de loi est juste, mais aucunement nouvelle. Lors de l’examen de la précédente loi de simplification, nous avons été nombreux – en particulier les rapporteurs, M. Saugey, M. Maurey, Mme Henneron, ainsi que le président Hyest – à déplorer ce type de textes. Cette critique est juste, mais aussi fort hypocrite, car nous avons tous contribué à surcharger les précédents textes de simplification. Cette critique est juste, mais la solution proposée est mauvaise et, ajouterai-je, inopportune. Si je m’en tiens aux articles soumis à l’avis de notre commission des affaires sociales, cette proposition de loi s’avère être principalement un texte technique, qui s’attache à résoudre de nombreux problèmes quotidiens des Français et qui répond aux attentes de nos entreprises, de nos administrations publiques, de nos organismes sociaux. En ces temps de crise, de crainte de l’avenir, de questionnement, nos concitoyens n’attendent pas de nous que nous nous plaignions des textes brouillons qui nous sont soumis. Ils nous demandent simplement d’y travailler, afin de répondre à leurs préoccupations. Je trouve inconcevable que la commission des affaires sociales ne puisse améliorer, comme elle l’a toujours fait, un texte où figurent tant de dispositions relevant de son domaine de compétence ! Catherine Procaccia, notre rapporteur pour avis, a bien défendu ce point de vue. Je m’attacherai donc à prendre, pour illustrer mon propos, un exemple significatif, celui de la déclaration sociale nominative. Il s’agit d’une véritable mesure de simplification qui est réclamée depuis plusieurs années tant par nos entreprises que par nos administrations publiques, et qui peut encore être encore améliorée à partir de la version du texte votée par les députés. Le 28 octobre 2010, j’ai été conviée par l’Association pour la simplification et la dématérialisation des données sociales à une réunion de travail sur le thème de l’allégement de la charge administrative des entreprises, en particulier de leurs obligations sociales. C’est un sujet sur lequel, je dois l’avouer, j’avais jusqu’alors peu travaillé. Cette invitation m’a permis de m’y intéresser très sérieusement. L’enjeu est important : la simplification des procédures administratives est un puissant levier de compétitivité pour l’ensemble des entreprises car elle permet aux dirigeants de consacrer leur temps et leurs ressources à leur cœur de métier, à savoir le développement de leurs entreprises. Si l’on ne tient compte que des déclarations sociales les plus courantes, les entreprises françaises effectuent plus de 70 millions de démarches de ce type par an. Le temps consacré par les employeurs à la réalisation des déclarations sociales autres que la déclaration unique d’embauche par voie électronique varie entre quinze heures par mois en moyenne pour une entreprise de un ou deux salariés et mille heures par mois pour une société employant plus de 2 000 salariés. À tout moment de son existence, une entreprise doit se plier à un certain nombre de formalités obligatoires, car la plupart des événements ponctuant sa vie entraînent des obligations administratives et déclaratives d’ordre social. Ainsi, j’ai répertorié pas moins de dix-sept déclarations sociales obligatoires par personne et par an. L’entreprise est aussi encore trop souvent un « guichet d’information » pour l’ensemble des administrations et organismes sociaux, alors que ces derniers devraient échanger directement les données déjà en leur possession. Ces pratiques reportent sur l’entreprise un poids administratif insupportable et injuste, quand le développement des bases de données et des systèmes informatiques pourrait permettre un transfert efficace d’informations d’un organisme à un autre. Il faut reconnaître que la déclaration unique d’embauche et les déclarations annuelles de données sociales ont permis de regrouper un nombre significatif de déclarations et de limiter le nombre de leurs destinataires. Cependant, il faut évidemment aller beaucoup loin et être plus ambitieux en matière de simplification des démarches administratives. Tel est l’objet de l’article 30 de ce texte, au travers de la mise en œuvre de la déclaration sociale nominative. Aujourd’hui, près de 3 000 données sont demandées en moyenne chaque année à une entreprise, à l’occasion de ses diverses déclarations. La déclaration sociale nominative, qui serait mise en place grâce à ce texte, a pour objectif de transmettre de façon dématérialisée des données sociales depuis l’entreprise vers les organismes de protection sociale, en se substituant aux nombreuses déclarations sociales ou statistiques. À terme, elle sera directement issue des logiciels de paie des entreprises pour être déposée sur un site unique, ce qui permettra de simplifier les démarches relatives aux déclarations sociales. En outre, les employeurs n’auront plus à fournir plusieurs fois les mêmes données à l’administration. Cet énorme bond en avant peut être encore plus important. Une telle simplification de forme doit, en effet, s’accompagner du même mouvement pour le fond, par l’harmonisation des technologies, des assiettes, des indicateurs, des échéances. Ce sont là des demandes de simplification dont nous sommes saisis régulièrement et que notre commission des affaires sociales aurait pu porter. Or, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous nous proposez une motion empêchant l’examen d’un texte positif, qui aurait pu être encore amélioré par des amendements constructifs. Une fois de plus, vous nous contraignez à l’abandon de notre capacité législative. Aussi, comme l’a indiqué notre collègue Yves Détraigne, les membres du groupe UCR voteront, dans leur grande majorité, contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)