Les interventions en séance

Collectivités territoriales
Jacqueline Gourault 09/11/2010

«Projet de loi de réforme des collectivités territoriales, conclusions de la Commission Mixte Paritaire»

Mme Jacqueline Gourault

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec un mélange de détermination et d’émotion que je voudrais m’adresser à vous ce matin, au moment où nous allons chacune et chacun nous exprimer par notre vote sur le texte du projet de loi de réforme des collectivités territoriales issu de la commission mixte paritaire.
Au sein de la Haute Assemblée, nous sommes concernés au premier chef, le Sénat étant la chambre des collectivités territoriales.
Afin d’aborder l’examen du texte avec la distance nécessaire, rappelons les objectifs qu’avait fixés le Président de la République lors de l’installation du comité Balladur. Il s’agissait de simplifier, d’économiser, de savoir qui faisait quoi, bref, de moderniser et de renforcer la démocratie locale. Nous étions nombreux à attendre cette loi.
Où en est-on aujourd’hui ?
J’évoquerai d’abord la simplification de l’architecture territoriale.
Au lieu de faire simple, avec la création des communes nouvelles, des métropoles éloignées de l’objectif initial, des pôles métropolitains, on obtient un paysage politique local encore plus compliqué, voire incompréhensible pour les habitants et même pour les élus locaux.
Une fois de plus, on aura affiché la suppression de structures mais on en aura de fait rajouté.
Il s’agissait aussi de clarifier les compétences des collectivités. En choisissant de reporter ce débat à 2015, on a décidé de céder à la facilité et refusé, comme l’avait prévu le Gouvernement initialement, de débattre de ce sujet dans une loi spécifique.
Dans un monde en crise, au moment où l’État réorganise sur le terrain ses services, leurs compétences et leur champ d’action géographique, est-il sérieux d’attendre si longtemps alors que les moyens manquent ?
En 2014, on élira donc des élus qui verront leurs compétences légales modifiées une année plus tard. Ce n’est pas ma conception de la démocratie locale !
Il s’agissait aussi de faire des économies dans les dépenses locales en réduisant notamment le nombre d’élus et en optimisant les prises de décision.
Certes, on diminue le nombre d’élus, puisque celui-ci passe de 6 000 à 3 500, mais on crée des assemblées régionales pléthoriques, ce qui nécessitera d’agrandir les hémicycles, de défrayer les déplacements des conseillers territoriaux, sans même parler du fait que toutes les administrations locales seront maintenues.
Enfin, il s’agissait d’améliorer la démocratie locale, mais comment se satisfaire du mode de scrutin proposé – je ne reviens pas sur le renforcement de celui-ci avec les 12,5 % des inscrits –, qui n’a d’autre effet que d’étouffer la diversité des opinions et l’accès des femmes à des mandats électifs ?
Pourtant, les assemblées locales restaient le lieu de cette diversité, de cette richesse qui permet de dépasser les clivages, de trouver des consensus dans l’intérêt et pour le développement d’un territoire. On ne connaît que trop ce que produit le renforcement des clivages au niveau national : c’est l’assurance de l’inefficacité, dont les premières victimes seront les habitants de nos territoires.
Enfin, en tant que sénateur, et comme tout élu de la Haute Assemblée pourrait le faire, je souhaite simplement souligner que nous avons été, tout au long de cette réforme, traités d’une manière un peu particulière et que notre institution n’a pas été considérée.
À ce propos je voudrais insister sur la manière dont s’est déroulée la commission mixte paritaire, où je siégeais comme suppléante.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ceux qui sont toujours prompts à agiter comme épouvantail la IVe République quand on parle de mode électoral ont eu des méthodes qui n’étaient pas tout à fait dans l’esprit de la Ve République ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Par ailleurs, il n’est pas supportable que le mode électoral, qui devait faire l’objet d’une loi particulière – le fameux projet de loi n° 61, dont Gérard Longuet a parlé tout à l’heure –, ait été introduit par amendement lors de la première lecture à l’Assemblée nationale alors que le Sénat n’en avait pas débattu.
Pour ma part, j’ai voté pour la création du conseiller territorial. Jusqu’à présent, je n’ai jamais voté contre cette loi. J’ai toujours attendu que le Gouvernement fasse un geste sur le mode de scrutin. On parle de proportionnelle, mais ce n’est pas ce que nous proposons précisément. Pour notre part, nous défendons le scrutin majoritaire à deux tours avec une dose de proportionnelle ; je tiens à le préciser haut et fort. Cela existe déjà, par exemple aux élections municipales. Il n’y a donc pas lieu d’en faire toute une affaire !
L’ensemble des motifs de refus que je viens d’énumérer suffiraient donc à repousser ce texte.
Mais, ne serait-ce que pour défendre le rôle et les missions de la Haute Assemblée, avec quelques-uns de mes collègues, je voterai contre ce texte en conscience et avec le sentiment d’une occasion manquée.
Monsieur le secrétaire d’État aux collectivités territoriales, je regrette que l’on vous ait imposé tout ce galimatias dans votre loi sur l’intercommunalité, car nous aurions été nombreux à voter cette partie du texte, et nous ne pouvons le faire en conscience. Je vous remercie cependant de votre écoute ; mes remerciements s’adressent également, et pour la même raison, à mon ami le ministre Michel Mercier. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
L’amitié n’empêche pas la liberté ! (Applaudissements sur certaines travées de l’Union centriste et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
En agissant ainsi, disais-je, ce sont les maires, les conseillers généraux et régionaux, y compris ceux que je connais le mieux, c’est-à-dire ceux de mon département, que je défends. (Applaudissements sur les mêmes travées.)