Les interventions en séance

Droit et réglementations
Yves Détraigne 09/04/2013

«Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe-Article 1er-Explication de vote »

M. Yves Détraigne

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, avec le vote sur l’article 1er, le Sénat va devoir se prononcer sur le cœur même du projet de loi présenté par le Gouvernement. C’est l’article de principe, celui dont tout découle. Disons-le d’emblée, se prononcer sur l’article 1er, c’est un peu se prononcer sur l’ensemble du texte. On nous annonce – on l’a beaucoup entendu – que la messe est dite, que les Français auraient tranché cette question avec l’élection de François Hollande et qu’au final nous ne sommes là que pour enregistrer la volonté du Gouvernement et du Président de la République. Évidemment, nous rejetons cette vision. À ce stade des débats, un constat s’impose : nous n’avons pas obtenu toutes les réponses à nos questions. Les sénateurs et sénatrices du groupe UDI-UC avaient déposé des amendements constituant une véritable alternative par rapport au texte du Gouvernement. Il s’agissait de l’union civile comme nouvelle forme de conjugalité. À nos propositions, et aux propositions similaires qui ont été faites par nos collègues de l’UMP, le rapporteur s’est contenté de répondre en substance qu’il ne fallait pas remettre en cause l’économie générale du texte du Gouvernement. Voilà où nous en sommes : il ne faut pas remettre en cause le travail du Gouvernement ! Alors, je m’interroge : le Sénat abandonne-t-il ses prérogatives ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) À quoi sert-il ? Pourquoi faut-il absolument remettre en cause l’institution du mariage s’il est possible au législateur de procéder différemment ? Nous avons tous reconnu que les couples homosexuels souffraient de nombreuses discriminations, que ce soit de manière consciente ou inconsciente. Nous avons tous reconnu cette souffrance et nous avons proposé des moyens concrets pour y répondre. Mais quand serons-nous entendus ? Et à quel moment songerez-vous à nous dire pourquoi il faut remettre si profondément en question l’institution du mariage, institution fondée, je le rappelle, sur l’altérité et la conjugalité en vue de la filiation ? Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à nous poser cette question, et j’ai bien peur, madame la garde des sceaux, que vous répondiez à un véritable problème au moyen d’un texte, hélas, inapproprié. Au surplus, cet article est en fait un cheval de Troie. Nous savons tous ici que l’un des principaux buts de la manœuvre est d’accorder un droit à la filiation, et notamment à l’adoption, aux couples de même sexe, sans parler de la GPA et de la PMA. Or – cela a été largement évoqué depuis le début de nos débats – nous savons tous que ce droit à l’adoption restera largement fictif. Nous savons tous que la promesse de la réalisation du projet familial, dont vous vous faites les hérauts, restera lettre morte. Certes, on imagine très bien comment certains dossiers de demande d’adoption seront déposés en haut de la pile, ne serait-ce que pour les photos de presse et pour la communication politique. Mais nous savons tous que votre texte, s’il n’est pas accompagné de la PMA et de la GPA, ne sera qu’une machine à provoquer de la frustration et de la colère. C’est une raison de plus pour nous opposer avec conviction à ce texte qui appelle mécaniquement d’autres réformes plus profondes de la filiation. Nous refusons d’entrer dans ce processus. Voilà pourquoi je voterai contre l’article 1er, comme une large majorité des membres du groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)