Les interventions en séance

Affaires sociales
Hervé Maurey 09/03/2011

«Proposition de loi Hôpital Patients Santé Territoires»

M. Hervé Maurey

Comme Nathalie Goulet, je ne voterai pas cette proposition de loi et j’en suis, comme elle, assez désolé, parce que j’ai beaucoup de respect et d’estime pour Jean-Pierre Fourcade. Mais, en mon âme et conscience, je ne vois pas comment je pourrais voter ce texte. La situation a été très bien résumée par le titre d’un article du quotidien Le Monde, voilà à peine quelques semaines : « Les déserts médicaux avancent, le Gouvernement recule. » Malheureusement, c’est la réalité ! On sait très bien que, au regard de la démographie médicale, la situation des territoires ruraux, et parfois même des territoires périurbains, est dramatique. On sait très bien qu’il faudrait prendre des mesures fortes, et non seulement on ne le fait pas, mais on a voulu, dans cette proposition de loi, revenir sur des dispositions de la loi HPST sans même attendre le bilan prévu, des dispositions que, dans certains cas, le ministre précédent avait déclaré mettre entre parenthèses, ce qui était tout de même la marque évidente d’un certain mépris du Parlement. On a vidé de son sens le contrat santé solidarité. On a même voulu – heureusement, cet après-midi, dans un élan en faveur de l’intérêt général et du service public, le Sénat s’y est opposé – empêcher l’adoption de la disposition imposant aux médecins de tenir informé le Conseil de l’ordre lorsqu’ils s’absentent.
Bref, nous sommes devant une proposition de loi qui prend uniquement en compte les demandes des médecins. M. le ministre avait d’ailleurs déclaré que ce texte répondait aux attentes des professionnels. Pour ma part, je pense qu’un texte de loi doit répondre non pas aux attentes de professionnels, quels qu’ils soient, mais à l’intérêt général. (Mme Annie David fait un signe d’approbation.) Lorsque l’on vote un texte financier, un texte de régulation bancaire, le fait-on pour faire plaisir aux banquiers ? On le fait pour essayer de satisfaire l’intérêt général et, là, de toute évidence, ce n’est pas le cas. J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour les médecins ; ils suivent des études longues et difficiles ; leur mission est éminemment délicate, car elle touche à notre santé et, dans certains cas, à notre vie, mais cela n’implique pas que leur intérêt soit supérieur à l’intérêt général. Pour moi, l’intérêt général, c’est le libre accès aux soins et l’égalité des territoires. Je voudrais, à cet égard, vous citer très précisément ce que disait ici Bruno Lemaire, le 13 janvier dernier, dans un débat sur les territoires ruraux : « La première priorité c’est l’accès aux soins [...] Je le dis avec beaucoup de gravité : il est tout à fait inacceptable et contraire au pacte républicain qu’un délai de quatre à six mois soit nécessaire pour obtenir un rendez-vous chez un orthophoniste ou un dentiste lorsque l’on vit dans une commune rurale de l’Eure [...] Cela représente une inégalité inacceptable et scandaleuse entre citoyens. » Je suis tout à fait d’accord avec cette approche comme avec celle du Président de la République, lorsqu’il disait, en 2008, qu’en matière de démographie médicale, il faut, au minimum, s’inspirer de ce qui est fait pour les infirmières : il y a conventionnement uniquement lorsqu’elles s’installent dans des zones où il y a des besoins. Or, depuis, on le voit bien, le Gouvernement a effectué un virage à 180 degrés, avec un unique objectif : tenter de regagner l’électorat médical. On ne prend donc plus aucune mesure qui puisse contrarier si peu que ce soit les médecins. Il n’y a plus que des dispositions incitatives, et elles coûtent sans doute très cher, mais on ne sait pas combien exactement. À une époque où, à juste titre, le Gouvernement veut maîtriser la dépense publique, on met en place tous azimuts des dispositifs à l’échelon de l’État, des collectivités locales et de l’assurance maladie. On assiste, comme l’a rappelé Nathalie Goulet en citant un article de presse, à des surenchères territoriales où l’on va au plus offrant. Bref, on se lance dans une espèce de course sans savoir très bien où l’on va, ce que cela coûtera et avec quelles conséquences, mais a priori ce n’est pas grave... Dans mon département, mais ce n’est pas le seul, on construit des maisons médicalisées ; c’est très bien. On y met beaucoup d’argent ; c’est très bien. Mais, lorsque je demande à tel ou tel maire s’il a trouvé un médecin pour sa maison médicalisée, il me répond que non. Voilà le résultat ! (M. le ministre s’exclame.) Pour ma part, je souhaite simplement que ce texte qui, malheureusement, sera sans doute adopté, fasse dans quelque temps l’objet d’une évaluation au regard tant de son coût total que de son efficacité. Mais je prends ici solennellement le pari, comme je l’ai déjà fait dans cette enceinte, que, dans quelques années, on constatera que tout cela a été inefficace et qu’un gouvernement qui, je l’espère, sera issu de notre majorité osera prendre des mesures courageuses.