Les interventions en séance

Europe
Hervé Maurey 09/03/2011

«Projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques »

M. Hervé Maurey

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les commissions mixtes paritaires ne sont pas toujours, il s’en faut, source de grandes satisfactions pour les sénateurs : trop souvent, en effet, les positions exprimées avec force et conviction par notre assemblée ont disparu des textes soumis à notre approbation après leur passage en commission mixte paritaire. Les exemples, hélas ! ne manquent pas, même si je pense particulièrement en cet instant à la réforme des collectivités territoriales. C’est pourquoi le texte que nous examinons aujourd’hui nous offre au moins une satisfaction, celle de voir le vote du Sénat confirmé sur un sujet important, un sujet qui avait fait débat ici, mais aussi à l’Assemblée nationale et dans les médias : la création d’un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP, introduite à l’Assemblée nationale au détour de l’adoption d’un amendement du Gouvernement. Nous sommes d’autant plus satisfaits de la suppression de l’article 13 que je l’avais proposée à la commission de l’économie, puis, avec Catherine Morin-Desailly et l’ensemble des sénateurs du groupe de l’Union centriste, à notre assemblée. Cette position ferme du Sénat a donc été obtenue, contre l’avis de la commission et du Gouvernement, grâce à notre groupe, sans lequel – je le rappelle régulièrement dans l’espoir que le Gouvernement et nos amis de l’UMP finiront par l’entendre – il n’y a pas de majorité au Sénat. Cette décision, nous l’avons prise non pas, comme l’avait laissé entendre le Gouvernement, sous la pression de la Commission européenne ou de l’ARCEP, ou pour le contrarier, mais parce que nous considérons que le Sénat joue un rôle particulier dans nos institutions et dans notre histoire en matière de défense des libertés publiques. Nous venons encore, selon le même schéma, de le constater à propos de la déchéance de la nationalité : les centristes ont permis au Sénat d’affirmer son attachement à une liberté fondamentale et, malgré les déclarations que j’avais lues dans la presse selon lesquelles le dernier mot serait donné à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a pris acte de la volonté du Sénat et renoncé au dispositif proposé. C’est une victoire pour le Sénat et c’est une victoire pour notre famille politique. Comme je l’avais indiqué, l’introduction de ce commissaire du Gouvernement, au détour d’un amendement à un texte de transposition de directives renforçant les pouvoirs du régulateur, nous paraissait pour le moins inappropriée. Cette disposition soulevait un problème au regard du droit européen, ainsi que cela avait été souligné par un certain nombre de responsables de la Commission européenne. Elle créait également un risque évident de conflit d’intérêts, l’État étant actionnaire majoritaire de La Poste et actionnaire principal de France Télécom. Au-delà, sur toutes les travées de cette assemblée, nous sentions bien une volonté de reprise en main d’une autorité administrative indépendante. J’avais également souligné le caractère paradoxal de cette attitude qui consiste à vouloir contrôler davantage les autorités administratives indépendantes tout en continuant à en créer. Et je ne savais pas, en disant cela voilà à peine quatre semaines, que le Gouvernement annoncerait si vite sa volonté de créer encore une nouvelle « haute autorité administrative indépendante », cette fois pour prévenir les conflits d’intérêts... Sans remettre en cause la nécessité d’agir rapidement sur cette question, puisque j’y ai moi-même insisté à cette tribune voilà moins d’une semaine, lors de nos débats sur le « paquet électoral », je crois que nous aurions beaucoup à gagner à ne pas systématiquement céder à la tentation des « autorités administratives indépendantes ». Sur un autre sujet, je ne peux en revanche que regretter la suppression, par la commission mixte paritaire, de l’amendement que j’avais déposé avec les membres du groupe de l’Union centriste sur la couverture du territoire en téléphonie mobile. Cet amendement prévoyait qu’une commune ne puisse être considérée comme couverte que lorsque l’ensemble de son territoire est couvert et non pas, comme c’est le cas aujourd’hui, dès lors qu’un seul point de la commune est couvert. Voté une première fois en décembre dernier, lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Daniel Marsin, avec le soutien de la commission de l’économie et de son rapporteur, Pierre Hérisson, cet amendement avait de nouveau bénéficié d’un large soutien sur l’ensemble des travées du Sénat. Il n’a pas recueilli l’assentiment de la commission mixte paritaire ; je le regrette, car cette question préoccupe au plus haut point les territoires ruraux – dont nous sommes les représentants – comme les préoccupent l’ensemble des questions relatives à l’aménagement numérique. Fort heureusement, le Sénat, et tout particulièrement la commission de l’économie, ne désarme pas et ne renonce pas sur ce point important. Ainsi, ce matin-même, nous avons examiné le rapport de notre collègue Bruno Sido sur la couverture du territoire en téléphonie mobile, rapport qui nous confirme que des progrès sont encore à faire pour améliorer la couverture en 2G et en 3G. Toujours dans le cadre des efforts déployés par notre commission, nous travaillons actuellement à la rédaction d’un rapport sur la couverture numérique du territoire, c’est-à-dire la téléphonie mobile, le haut et le très haut débit, fixe et mobile. Il débouchera avant l’été sur le dépôt d’une proposition de loi qui sera cosignée par notre collègue Philippe Leroy, car il ne suffit pas de dresser des constats, il faut aussi proposer des solutions adaptées. De ce point de vue, madame la secrétaire d’État, les annonces du Gouvernement, fussent-elles ambitieuses, ne satisfont plus celles et ceux de nos concitoyens qui sont encore aujourd’hui privés d’un véritable accès au haut débit. Le vote par deux fois de cet amendement par le Sénat aura au moins permis de montrer aux opérateurs combien est grande notre exaspération sur ce sujet. Je terminerai mon intervention en vous disant de nouveau mon regret que le Gouvernement ait tout fait pour que nous ne débattions pas au fond des questions qui préoccupent nos concitoyens en matière de numérique. Nous aurions pu et nous aurions dû, à l’occasion de la transposition de ces directives, examiner la question de l’extension du service universel à l’internet haut débit, comme cela est désormais possible. Nous aurions pu et nous aurions dû également examiner la question de la séparation fonctionnelle. Nous ne l’avons pas fait. Le débat sur les questions de fond a été délibérément bridé à la fois par le choix d’une transposition par voie d’ordonnance, mais aussi par l’attitude du Gouvernement – je suis au regret de le dire –, qui n’a répondu à aucune des questions que nous avons posées au cours des débats. J’avais interrogé le ministre pour savoir comment le Gouvernement comptait permettre à nos concitoyens d’accéder au « véritable haut débit » pour tous, promis récemment encore par le Premier ministre. Je lui avais aussi demandé de confirmer que l’attribution des fréquences issues du dividende numérique se ferait conformément à la loi, en privilégiant les critères relatifs à l’aménagement numérique des territoires et non les critères de rentabilité. Or je n’ai obtenu aucune réponse. J’observe d’ailleurs que le Gouvernement fait en cela preuve d’une certaine constance puisque, le 16 février dernier, lors de l’audition du ministre par la commission de l’économie, je n’ai obtenu aucune réponse aux diverses questions que je lui ai posées... Toutefois, je me réjouis que le Gouvernement ait récemment progressé sur la dimension sociale de la fracture numérique en signant avant-hier une convention avec les opérateurs, afin de proposer d’ici à six mois un « tarif social mobile », labellisé par l’État. Nous attendons maintenant qu’il agisse également – enfin ! – sur la dimension territoriale de la fracture numérique et qu’il ne se contente pas d’effets d’annonce ! En dépit de ces réserves, le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire nous apporte la satisfaction de voir respectée une position forte de notre assemblée et de notre groupe. Les délais de transposition étant ce qu’ils sont, nous voterons ce texte, mais nous le ferons, vous l’avez compris