Les interventions en séance

Economie et finances
08/07/2010

«Déclaration du Gouvernement sur les Orientations des finances publiques pour 2011»

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ayant le privilège d’être la dernière intervenante dans notre débat d’orientation, je ne vais pas redire ce qu’ont très bien exprimé avant moi les différents orateurs, en particulier M. Alain Vasselle, le rapporteur général de notre commission des affaires sociales, mais aussi le rapporteur général et le président de la commission des finances, ainsi que les intervenants de tous les groupes qui se sont succédé à cette tribune.
Je voudrais néanmoins insister sur quelques sujets.
Le premier est relatif aux questions de méthode.
Alain Vasselle l’a rappelé, plusieurs projets de loi d’ordre financier vont nous occuper à l’automne : un projet de loi organique sur la dette sociale, la réforme des retraites, les projets de loi de financement de la sécurité sociale et de finances pour 2011, peut-être un projet de loi de programmation des finances publiques – Mme et M. les ministres nous le confirmeront –, sans parler du débat annuel, auquel nous tenons beaucoup au Sénat, sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.
Tout à fait, mais je crois qu’elle sera examinée au mois de janvier prochain.
Nous serons très attentifs à la cohérence d’ensemble des mesures que ces projets de loi contiendront. Il serait en effet regrettable que l’éparpillement des choix législatifs, budgétaires, fiscaux et sociaux conduise à brouiller les messages et à rendre difficilement lisibles les réformes.
Je pense par exemple aux retraites. Il est impératif pour nos concitoyens, comme pour tous ceux qui observent les évolutions économiques de notre pays, que l’équilibre de la réforme soit réellement établi et, surtout, parfaitement clair.
Il serait très utile que vos services, madame et monsieur les ministres, nous fournissent, dès les premiers jours de septembre, un document de synthèse précis sur les mesures envisagées par le Gouvernement pour chacun des textes que j’ai cités, avec des tableaux d’équilibre détaillés. Ce serait certainement de nature à faciliter notre travail et à mieux éclairer les choix que nous aurons à faire et dont nous devons répondre auprès de nos concitoyens.
Ma deuxième remarque concerne la dette sociale.
Vous le savez, ce sujet est pour nous essentiel. Cinq sénateurs de notre commission étaient d’ailleurs membres de la commission réunie sous votre présidence, monsieur le ministre, et dont l’objectif initial était d’expertiser toutes les solutions envisageables pour régler ce problème crucial. Je ne vous cacherai pas qu’ils ont regretté le peu de marge de manœuvre qui leur a été laissé sur cette question.
Nous partageons tous la conviction qu’il n’est plus possible de reporter sur nos enfants et petits-enfants la dette que nous alimentons aujourd’hui, en ne parvenant pas à financer nos dépenses de maladie et de retraite.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avions souhaité à l’automne dernier, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, traiter le problème – au moins partiellement – en augmentant légèrement la CRDS. Cela nous aurait permis de commencer, sans attendre, à rembourser ces milliards d’euros de dette reconstituée. M. Alain Vasselle a longuement évoqué cette question.
Le Gouvernement n’a pas voulu nous entendre, malgré les efforts conjoints et parfaitement unis de nos deux commissions.
Aujourd’hui, nous nous trouvons au pied du mur. Il est essentiel que nous prenions des mesures responsables, en dehors de tout a priori, pour régler la question. Il y va, me semble-t-il, de notre crédibilité, mais aussi de celle de la France.
J’en viens maintenant à une dernière série de remarques.
Comme nous avons été nombreux à le dire, le maintien d’une protection sociale de haut niveau dans notre pays nécessite non seulement une meilleure efficacité dans la gestion des dépenses, mais sans doute aussi la recherche de nouvelles recettes.
Parmi les mesures annoncées par le Gouvernement, figure la mobilisation de ce qu’on a pris l’habitude d’appeler « les niches fiscales et sociales ».
J’approuve globalement cette décision. En effet, les volumes financiers attachés à ces dispositifs n’ont fait que croître au cours des dernières années et il est légitime de s’interroger sur le coût et l’utilité de ces niches, comme l’ont très bien expliqué ceux qui m’ont précédée à cette tribune.
Je voudrais néanmoins attirer votre attention sur le fait que tous ces dispositifs ne sont pas équivalents. L’un d’entre eux en particulier – je suis en total désaccord avec vous sur ce point, madame le ministre – me paraît devoir être préservé car, loin de coûter à l’État, il est en fait à l’origine de substantielles recettes supplémentaires.
Je veux parler des mécanismes fiscaux et sociaux qui permettent l’embauche de salariés à domicile par les particuliers, par les familles.
Contrairement aux entreprises qui cumulent plusieurs dispositifs de soutien à l’emploi – allégements de cotisations, réductions et crédits d’impôt, contrats aidés, etc. –, les personnes physiques qui sont employeurs ne bénéficient que du dispositif de réduction ou crédit d’impôt et de l’allégement partiel de charges prévus pour l’emploi de salariés à domicile.
Or, l’efficacité de ces dispositifs est largement prouvée.
D’abord, en termes de création d’emplois : plus de 700 000 emplois ont été créés dans le champ des services à la personne au cours des quinze dernières années et 30 % des emplois créés dans l’économie française en 2008 l’ont été dans ce secteur.
Ensuite, au regard de la rentabilité pour les finances publiques : en permettant de lutter contre le travail non déclaré, ces dispositifs sont à l’origine de plus de 6 milliards d’euros de cotisations sociales. Même en tenant compte du coût de la réduction fiscale et de l’allégement partiel de charges, le secteur apporte plus de 3 milliards d’euros aux caisses de sécurité sociale. Si l’on y ajoute les recettes fiscales produites par les salaires des personnes employées, on mesure à quel point le modèle du particulier-employeur est vertueux.
Si l’on examine le régime fiscal actuel, avant même tout « coup de rabot », ses conditions d’application et son plafonnement font déjà que l’entreprise familiale est la seule à payer deux fois l’impôt sur le revenu : une première fois sur les revenus de l’employeur, une seconde sur les revenus du salarié. Peut-on vraiment considérer qu’il s’agit d’une niche fiscale ?
Enfin, je veux dire avec force que ce dispositif d’aide fiscale et sociale répond à un vrai besoin de la société, en facilitant la garde de jeunes enfants, l’accompagnement de parents âgés ou l’aide aux personnes handicapées.
Il permet le maintien des femmes sur le marché du travail et la conciliation des vies privée et professionnelle, notamment pour les ménages des classes moyennes, qui représentent plus de la moitié des 3,5 millions de particuliers-employeurs.
Il permet aussi l’intégration de publics éloignés du marché du travail ou à faible niveau de qualification, qui peuvent, grâce à ces dispositifs, obtenir un emploi et bénéficier d’une couverture sociale normale pour, en particulier, se constituer des droits à la retraite. Je dois rappeler également que ce sont des emplois non délocalisables.
Remettre en cause ce soutien aux emplois à domicile risquerait d’entraîner une destruction d’emplois. Un rapport de l’Assemblée nationale a récemment chiffré à plus de 200 000 le nombre de particuliers-employeurs qui pourraient licencier un salarié en cas de baisse de 10 % des aides fiscales et sociales.
Cela conduirait aussi à diminuer le nombre d’heures déclarées et à développer le travail non déclaré, alors que celui-ci a connu un recul de vingt points sur la période 1995-2005, passant de 50 % à 30 % des emplois du champ des services à domicile. Est-ce vraiment ce que vous souhaitez ?
Au moment où les arbitrages sur les textes que nous aurons à examiner à l’automne sont en cours de préparation, je tenais à vous faire part de ma conviction sur la très grande utilité des aides fiscales et sociales pour l’emploi de salariés à domicile. (M. Jacques Gautier applaudit.)
Je peux vous assurer qu’elle est partagée par un grand nombre de parlementaires et d’experts. On me dit aussi que plusieurs pays européens nous envient ces mécanismes, au regard de leur effet positif sur l’emploi et sur la protection sociale de publics fragiles. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – M. Denis Detcheverry applaudit également.)