Les interventions en séance

Economie et finances
07/12/2010

«Projet de loi de finances pour 2011, Explication de vote»

M. Nicolas About : Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, dès le début de nos travaux, nous avons été confrontés à un rude défi : comment réduire les déficits publics sans écorcher la solidarité ni porter atteinte à l’équité ? Nous devons réduire les dépenses publiques, nul n’en disconvient. C’est impératif et urgent, car l’inaction coûterait cher. L’an prochain, la charge de la dette nous coûtera déjà plus de 40 milliards d’euros. Dans les années à venir, elle s’alourdira encore, étouffant un peu plus chaque année nos marges de manœuvre. Le poids de la dette nous fait courir un risque considérable, même si, pour l’instant, nous bénéficions de taux d’intérêt historiquement bas. Il suffirait, chacun le sait, que le vent d’inquiétude qui parcourt l’Europe s’abatte sur la France pour que les taux augmentent. La menace est réelle. Mais nous devons aussi protéger, sans transiger, les citoyens les plus vulnérables, et nous ne pouvons pas nuire à l’activité économique déjà fragile du pays. Nos entreprises souffrent en effet d’un manque de compétitivité. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) Si l’on alourdit encore les charges qui pèsent sur leurs activités, on ne retrouvera pas le chemin de la croissance. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) L’examen du projet de loi de finances pour 2011 a confirmé à quel point nos marges de manœuvre sont étroites. L’heure n’est pas à la critique facile. L’heure n’est pas non plus à l’optimisme béat. Nous devons tenir un discours de vérité aux Français. En tout cas, c’est celui que, pour notre part, nous choisissons. Il faut dire aux Français que les impôts augmenteront. Ils augmenteront mécaniquement en 2011, en accompagnant la reprise. Ils augmenteront parce qu’on augmente le taux de la dernière tranche du barème de l’impôt sur le revenu – nous l’avons voté –, parce qu’on augmente la taxe sur les plus-values, parce qu’on réduit aussi certaines dépenses fiscales, mais c’était indispensable. Ils augmenteront donc, et c’est nécessaire. C’est un discours difficile à tenir, nous le comprenons. Mais c’est la vérité. Il faut dire aussi aux Français que ce budget repose sur des prévisions optimistes, mais fragiles. C’est vrai concernant les prévisions de croissance, comme l’a souligné la Commission européenne voilà quelques jours. C’est vrai également pour les prévisions de dépenses, notamment des dépenses sociales. Elles aussi nous laissent quelque peu perplexes. Le Gouvernement prévoit que les interventions de guichet n’augmenteront pas en valeur l’année prochaine. Cela ne s’est jamais produit auparavant. Enfin, il faut dire aux Français que la réforme de la taxe professionnelle coûte plus cher que prévu. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Cette année, l’État devra se passer de 7 milliards d’euros, au lieu des 3,9 milliards initialement envisagés. En régime de croisière, le coût annuel de la suppression de la taxe professionnelle pourrait être supérieur de plusieurs centaines de millions d’euros à la prévision initiale – entre 400 millions et 900 millions d’euros. C’est en assumant la situation telle qu’elle est que nous serons crédibles auprès de nos concitoyens, des marchés financiers et de nos partenaires européens. Au-delà du discours, il faut agir, et le Gouvernement tâche de le faire. La réduction du déficit public que vous proposez, monsieur le ministre, tourne le dos à des années d’augmentation du budget de l’État. Nous saluons l’effort consenti pour y parvenir. Mais le passage de 152 milliards d’euros de déficit en 2010 à 92 milliards d’euros en 2011 n’est pas « historique ». C’est l’élévation du déficit à 152 milliards d’euros qui était historique ! Entre 2010 et 2011, près des deux tiers de la réduction du déficit résultera d’économies de constatation. Le dernier tiers s’explique, pour une large part, par le contrecoup de la fin du plan de relance et de la réforme de la taxe professionnelle. Comme l’a souligné la commission des finances, la réduction des dépenses publiques n’est pas à la hauteur des ambitions affichées au printemps. Les conférences sur le déficit ont prévu une diminution de 10 % des dépenses d’intervention et de fonctionnement au cours de la période 2011-2013, et une réduction de 5 % dès 2011. Avec une contraction de 1 % des interventions de guichet et hors guichet, convenons que nous en sommes très loin ! Nous pensons qu’il eût été nécessaire d’aller plus loin pour réduire le déficit public. Pour reconstituer les recettes, nous avons notamment proposé de relever le taux de TVA dans la restauration de 5,5 % à 7 %. Cette hausse ne préjugeait en rien le bilan qui sera tiré le moment venu de l’application du taux réduit de TVA dans la restauration. Elle n’aurait pas perturbé le comportement des agents économiques ; elle n’aurait pas nui à la compétitivité nationale. Aussi, nous regrettons qu’elle n’ait pas été adoptée par le Sénat, comme nous déplorons que les propositions relatives au triptyque présentées par M. le président de la commission des finances et par M. le rapporteur général n’aient pas été retenues. Nous saluons en revanche l’adoption de nombre de nos propositions, notamment celle qui corrige une dérive dans l’application du crédit d’impôt recherche et celle qui augmente la fiscalité sur les contrats d’assurance santé non responsables. La suppression des exonérations de cotisations sociales en matière de services à la personne a vivement préoccupé les membres de notre groupe. Notre attachement aux valeurs familiales, notre vigilance concernant l’emploi et, surtout, notre volonté de protéger les publics fragiles ont conduit certains d’entre nous à voter par erreur pour la suppression de l’article 90. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) À cet égard, le Gouvernement fait preuve au Sénat d’une certaine retenue dans l’utilisation, que je qualifierai de détestable, de la seconde délibération. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Cette procédure doit rester exceptionnelle, car elle est une violence faite au Parlement. Ce n’est pas à vous, madame Borvo Cohen-Seat, de donner des leçons de libéralisme ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Le Gouvernement a toutefois demandé au Sénat de revenir sur cette suppression, compte tenu de son coût évalué à 460 millions d’euros. Pour nous prononcer sur ce retour au texte voté par l’Assemblée nationale, il faut nous assurer que nous mesurons bien le périmètre et la teneur des dispositions prévues à l’article 90. Je regrette qu’une certaine confusion ait entouré cette question. Vérification faite, et contrairement à ce que nous avons pu penser, l’article 90 ne vise effectivement pas les publics fragiles, monsieur le ministre. Mais reconnaissez que l’on a mis beaucoup de temps à nous informer sur les articles concernés ! S’agissant des particuliers employeurs, les exonérations de charges sociales pour les publics fragiles sont prévues au I de l’article L. 241-10 du code de la sécurité sociale. Cette disposition n’est pas visée dans ce projet de loi de finances. En ce qui concerne les structures agréées, les exonérations de charges sociales pour les publics fragiles sont prévues au III de l’article L. 241-10 du code de la sécurité sociale. Cette disposition n’est pas non plus visée dans ce projet de loi de finances. Les publics fragiles que sont les personnes de plus de soixante-dix ans, dépendantes, invalides, handicapées ou ayant un enfant handicapé ne sont pas affectées par l’article 90. Les crédits de 1,6 milliard d’euros consacrés à ces publics ne diminueront pas en 2011. La réduction d’impôt et le crédit d’impôt pour les publics non fragiles, eux aussi, sont préservés. Au vu de la situation de nos comptes publics, et en raison de la préservation des exonérations pour les services aux personnes fragiles, j’ai approuvé à titre exceptionnel, avec d’autres collègues, la seconde délibération demandée par le Gouvernement. Plus largement, je considère qu’avec l’aide du Parlement, et tout particulièrement des commissions des finances des deux assemblées, le Gouvernement est parvenu à trouver un équilibre difficile entre redressement des comptes publics, protection des citoyens les plus vulnérables et soutien à l’économie. Pour cette raison, comme la grande majorité du groupe Union centriste, je voterai en faveur de ce projet de loi de finances pour 2011. Avant d’achever mon intervention, je tiens à remercier pour leur travail la commission des finances, son président et son rapporteur général, l’ensemble du personnel du Sénat et les collaborateurs de notre groupe. Je vous remercie également, mes chers collègues, pour votre attention. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)