Les interventions en séance

Economie et finances
07/12/2010

«Projet de loi de finances pour 2011, Explication de vote»

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, jamais, je le crois, la discussion budgétaire que nous allons clore dans quelques instants n’aura autant mérité le qualificatif de « marathon budgétaire » que l’on a coutume de lui donner.
Nous pouvions penser que le budget pour 2011 se déroulerait en eaux calmes après la « tempête » de 2010, qui avait vu la discussion d’un véritable « projet de loi dans le projet de loi » avec la suppression de la taxe professionnelle.
Nous aurons en réalité siégé presque autant d’heures qu’en 2009, alors que nous avons anticipé cette année, au début du mois de novembre, les débats thématiques que nous avions l’habitude d’organiser en première partie. Quant au nombre d’amendements, il a dépassé la barre symbolique des mille, que nous n’avions pas réussi à atteindre l’an dernier.
Ce constat est d’abord la preuve du dynamisme du Sénat et de ses membres, de leur profonde implication dans la recherche des solutions aux problèmes que doit affronter la France aujourd’hui, l’expression de leur volonté de conférer toute sa place au Parlement dans cet indispensable travail de réflexion, qui doit nous rendre plus forts et plus confiants dans un monde ouvert et en pleine mutation.
La commission des finances s’en félicite et je remercie vivement les quarante-six rapporteurs spéciaux, les soixante-six rapporteurs pour avis des cinq autres commissions permanentes, sans oublier la commission des affaires européennes, et vous tous, mes chers collègues, qui avez enrichi nos débats de vos analyses, de vos questions et de votre expérience de femmes et d’hommes de terrain. Une nouvelle fois, je le crois, mes chers collègues, le Sénat a très bien assumé sa mission.
Cependant, je souhaite vous rendre attentifs à la contrainte incontournable, parce que constitutionnelle, qui s’impose à nous : une loi de finances doit être examinée et votée dans un délai de vingt jours, pas un de moins, mais pas un de plus non plus. Il s’agit non d’un impératif arbitraire destiné à bâillonner la libre expression du Parlement, mais d’un garde-fou, permettant de s’assurer que le budget pourra bien être mis en œuvre dès le début de l’exercice qui s’ouvre. Cet impératif, il nous revient d’en tenir compte dans l’intérêt même du fonctionnement normal de nos institutions.
Certains d’entre vous ont pu, à bon droit, s’étonner des mesures drastiques d’aménagement de l’ordre du jour que nous avons dû prendre, en coordination avec la présidence et le Gouvernement, et qui nous ont conduits à repousser en fin de discussion l’examen d’une partie des articles rattachés. Mes chers collègues, ces mesures étaient indispensables dès lors que nous voulions parvenir à bon port dans les délais impartis.
Incontestablement, il nous faudra prolonger, dès les prochains mois, la réflexion déjà entamée sur l’organisation et le déroulement du débat budgétaire. Mais je souhaite d’ores et déjà alerter le Gouvernement sur le fait qu’il est périlleux, monsieur le ministre, pour ne pas dire franchement inopportun, de multiplier les articles rattachés qui relèvent plus, à mon sens, d’un projet de loi portant diverses dispositions d’ordre financier, économique, social, environnemental, touristique, culturel, que sais-je, que d’un projet de loi de finances. Ce budget aura été celui du record du nombre d’articles rattachés : je souhaite que cette véritable « erreur de casting » – je n’hésite pas à le dire – ne se reproduise pas, sauf à devoir recourir de nouveau à des procédés qui sont des sources inutiles de frustration pour le Sénat.
J’en viens au fond du texte. La commission des finances vous proposera certes de l’adopter dans quelques instants, mais après une mise en garde que je veux solennelle, monsieur le ministre, car l’heure est grave et exige une prise de conscience, dont j’estime qu’elle n’est pas encore complète.
Au risque de répéter ce que j’ai déjà affirmé en introduction à nos discussions, voilà trois semaines, je veux ici rappeler que la France doit rompre avec son addiction à la dépense publique si elle veut retrouver le chemin du retour à l’équilibre de ses comptes publics. Ce budget répond-il à cette exigence ? En conscience, je n’en suis pas pleinement convaincu.
Près des deux tiers de l’amélioration du solde du budget de l’État en 2011 résulteront d’économies de constatation liées à la non-reconduction des dépenses du plan Campus et aux investissements d’avenir. Le reliquat s’explique, pour une large part, par le contrecoup de la fin du plan de relance et de la réforme de la taxe professionnelle.
L’évolution spontanée des recettes, en phase de reprise de l’activité, fait le reste...
Les dépenses d’intervention et de fonctionnement auraient dû commencer à diminuer franchement : convenons-en, le mouvement n’est, pour l’instant, que timidement ébauché.
Nous prolongerons nos débats dans quelques jours avec l’examen du traditionnel collectif de fin d’année. Je suis au regret de devoir d’ores et déjà faire le constat que ce projet de loi de finances rectificative signera notre échec patent à endiguer des dérapages de dépenses inquiétants. Certains sont certes conjoncturels, liés à la crise, comme la multiplication des contrats aidés. Mais d’autres revêtent un caractère clairement structurel, comme l’allocation aux adultes handicapés, les aides au logement ou les opérations extérieures. Et que dire de l’augmentation continue de la masse salariale, en dépit, à moins que ce ne soit à cause, des suppressions d’emplois ! Elles font, en effet, l’objet de concessions catégorielles sous forme de primes diverses.
Le budget qui nous est proposé, et qu’il faut lire à la lumière de la loi de programmation des finances publiques, est une assez timide esquisse d’un paysage dont les traits devront sans doute être mieux dessinés et affirmés dans le cadre de nos échéances de l’an prochain.
Je veux redire ici ma conviction que nous n’échapperons pas non plus à une réflexion portant sur l’architecture de nos prélèvements obligatoires. Un autre projet de loi de finances rectificative nous est annoncé avant l’été prochain, plus spécifiquement consacré à la fiscalité du patrimoine. Je me réjouis donc du rendez-vous que nous donne le Gouvernement, de sa volonté de concertation, et je l’assure de ma totale liberté de parole et de ton dans les propositions que je lui ferai, et il en connaît d’ailleurs déjà certaines.
Avant de conclure, mes chers collègues, je souhaite me faire votre porte-parole en adressant mes très chaleureux remerciements à Philippe Marini, notre rapporteur général, qui, comme à son habitude, a mis son talent et la force de ses convictions au service du Sénat.
Même si ses explications sont quelquefois un peu longues, il a la volonté de permettre à chacun d’entre nous de disposer des éléments de compréhension nécessaires pour nous prononcer en connaissance de cause et pouvoir expliquer, dans nos départements, ce que nous avons voté. Soyez-en remercié, monsieur le rapporteur général.
Je veux aussi saluer les ministres, et nombre d’entre eux sont venus débattre dans notre hémicycle, engageant avec les élus de tous bords, au-delà des différences légitimes de points de vue et d’appréciation, un dialogue républicain et empreint de respect mutuel.
Vous me permettrez d’adresser une mention particulière à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.), qui ne peut hélas ! être parmi nous cet après-midi, ainsi qu’à vous-même, monsieur le ministre, à votre secrétaire d’État, Georges Tron, qui était présent voilà quelques instants, à Philippe Richert, notre ancien collègue et ancien questeur – l’élection du nouveau questeur se tient en cet instant même ! – et enfin, à Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, pour la très grande disponibilité et la compréhension dont chacun a fait preuve, apportant des réponses aux interrogations qui ont traversé notre hémicycle.
Mes remerciements vont bien évidemment aussi à l’ensemble de vos collaborateurs, monsieur le ministre, ceux de votre cabinet, comme vos services qui ont, une fois encore, prouvé leur efficacité et leur grande réactivité.
Je remercie, enfin, la présidence, tout particulièrement vous, monsieur le président du Sénat, les huit vice-présidents et les quatorze secrétaires, qui nous ont accompagnés, ainsi que les services de la séance et des comptes rendus, grâce auxquels cette discussion a pu rester dans les limites que nous avions tracées.
Mes derniers mots seront pour exprimer ma très profonde gratitude aux collaborateurs de nos commissions permanentes, en particulier, si vous me le permettez, à ceux de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)