Les interventions en séance

Police, gendarmerie et sécurité
François Zocchetto 07/09/2010

«LOPSI II - Projet de loi d՚orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure»

M. François Zocchetto

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà de l’actualité récente, ce texte était attendu.
Attendu, car la délinquance évolue sans cesse. Il est donc indispensable de continuer à adapter notre arsenal législatif aux nouvelles formes de criminalité, d’une part, et aux moyens technologiques dont doivent pourvoir disposer gendarmes et policiers, d’autre part.
Ce projet de loi pourrait être abordé en deux temps : d’un côté, il y a le texte tel qu’il nous vient de l’Assemblée nationale, lequel est marqué par une certaine technicité ; de l’autre, il y a les amendements qui ont été inspirés par la période estivale.
S’agissant du texte tel qu’il nous vient de l’Assemblée nationale, je n’évoquerai que quelques points, puisque nous sommes globalement d’accord sur le dispositif proposé, d’autant plus que celui-ci a été finement amélioré par la commission sous la houlette de son rapporteur, qui n’a pas ménagé sa peine.
Premier point : la mesure de couvre-feu concernant les mineurs de moins de treize ans.
Une telle mesure est légitime, car il est anormal que des mineurs de moins de treize ans soient livrés à eux-mêmes en toutes circonstances.
La commission des lois a cependant adopté un amendement de réécriture de l’article 24 bis aux termes duquel la sanction pourra être prononcée par le tribunal pour enfants, ce dont je me félicite.
Deuxième point : la vidéosurveillance ou plutôt la « vidéoprotection » comme le texte prévoit désormais de l’appeler.
Tout d’abord, ce changement sémantique est important. Ensuite, l’intervention du législateur dans ce domaine était nécessaire et attendue.
Dès décembre 2008, nos collègues Charles Gautier et Jean-Patrick Courtois présentaient un rapport d’information sur la vidéosurveillance. Dans ce rapport, ils rappelaient la nécessité de rester vigilant dans l’exploitation de la vidéosurveillance, notamment concernant les personnes chargées de visionner les images.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui apporte des aménagements dans ce domaine. Nous avons donc vérifié que ceux-ci étaient compatibles avec les recommandations émises par la mission d’information. Ainsi, l’amendement prévoyant que les activités privées de vidéosurveillance seront soumises aux dispositions de la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité est de nature à nous rassurer.
La vidéoprotection peut être un outil efficace. À ceux qui redouteraient des dérives, je répondrai que le projet de loi prévoit des garde-fous. En outre, la vidéoprotection peut permettre d’innocenter des personnes.
Tout comme les tests ADN, les empreintes génétiques, elle fait partie des nouvelles technologies. Elle n’attente donc pas aux libertés. Elle les renforce.
Troisième point : la loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale.
Ce texte, vous l’avez évoqué, monsieur le ministre, était très attendu par tous les acteurs de la chaîne pénale. Il n’y a rien de pire en effet que de voir les grands délinquants, ceux qui sont liés à la mafia et à la criminalité organisée, prospérer avec le butin de leur vice au vu et au su de tous.
Lors de la mise en application de cette loi, nous nous sommes aperçus que les mesures concernant la saisie des comptes bancaires étaient imparfaites, car il est très facile d’effectuer un transfert d’un compte à un autre. Je proposerai donc un amendement visant à corriger ce problème et à faire en sorte que le procureur de la République puisse, sous le contrôle du juge, procéder aux mesures de saisie le plus rapidement possible.
Quatrième point : les fichiers.
Cette question délicate retient toute l’attention de la commission des lois. Chacun connaît notre attachement au respect de la protection des données personnelles.
Il était nécessaire de déterminer un fondement juridique pour les logiciels de rapprochement judiciaire. C’est vrai que les fichiers se sont multipliés, mais ils apportent eux aussi des garanties en matière de liberté. Je n’y suis donc pas opposé a priori. Cependant, il faut que ces fichiers soient utilisés avec le maximum de garanties, surtout lorsque l’on croise les informations.
Ces garanties, si les amendements proposés par le rapporteur et même par certains de nos collègues sont votés, nous les aurons. Dès lors, l’encadrement du dispositif de croisement des fichiers sera satisfaisant.
Enfin, dernier point : l’utilisation du bracelet électronique.
Je suis plutôt favorable à l’extension du bracelet électronique. Nous en avons souvent discuté au Sénat. Nous avons même conduit de nombreuses missions à ce sujet.
Madame Assassi, il est préférable que les étrangers soient équipés d’un bracelet électronique plutôt que d’être détenus en prison ou retenus dans un centre fermé. Si vous, vous préférez qu’ils soient incarcérés, moi je préfère qu’ils soient identifiés avec un bracelet électronique, d’autant que nous avons maintenant plusieurs années d’expérience de ce dispositif et qu’il présente un bilan satisfaisant.
Voilà pour ce qui est du texte sur lequel nous portons une appréciation tout à fait positive.
J’en viens aux amendements qui ont été inspirés par la période estivale et qui nous viennent de sources diverses.
Ce serait un mauvais débat de laisser croire que, d’un côté, se trouvent des sécuritaires et, de l’autre, des laxistes au motif que certains portent une appréciation nuancée sur des mesures proposées, voire s’y opposent.
Nous sommes presque tous des élus locaux. Dès lors, nous avons tous en nous un côté sécuritaire. Pour ma part, je l’assume, et je pense que nous sommes nombreux ici dans ce cas. Car nous sommes attachés au respect de la loi !
Nous voulons que les lois soient appliquées, notamment en matière pénale.
Reste que pour être appliquées, les lois doivent être applicables.
Or je me pose des questions sur la méthode retenue – pas seulement à l’occasion de l’examen de ce texte, mais depuis un certain nombre d’années – qui consiste à faire de la surenchère en matière de sanction.
Je crois qu’il y a eu près de trente lois en matière de sécurité et durcissant les peines depuis 2002. Ces textes ont-ils été efficaces ? La réponse est oui pour certains, mais ils n’ont certainement pas résolu tous les problèmes, loin de là.
Gardons-nous de participer à cette surenchère. En effet, la vraie question dont nous voulons débattre dans le cadre de la LOPPSI est celle des moyens. Nous souhaiterions non seulement connaître les moyens financiers, mais également la stratégie adoptée par le Gouvernement. Quelles relations sont-elles envisagées entre les services de police et de gendarmerie, d’une part, et la justice, d’autre part ? Bref, nous attendons de savoir ce que veut le Gouvernement pour les mois et les années à venir. Sur ce point, nous ne sommes pas totalement satisfaits.
Concernant la police municipale, je me réjouis qu’un certain nombre de moyens techniques soient mis à sa disposition. Cependant, veillons à ce que cela n’aboutisse pas à des transferts entre la police nationale et la police municipale. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Nous sommes d’accord pour des transferts de moyens, mais pas pour des transferts de charges ou de responsabilités.
En France, la sécurité doit rester l’apanage de l’État. C’est une mission régalienne.
Monsieur le ministre, merci de nous rassurer sur ce point.
Merci également de nous confirmer qu’il n’est pas question de mettre les maires à l’amende en matière de sécurité. (M. Daniel Raoul s’exclame.)
Nous nous disons parfois que nous faisons des textes à répétition – j’ai moi-même été rapporteur d’un certain nombre de textes sur la sécurité, voire même l’auteur de propositions de loi – et nous nous demandons s’ils ont changé quelque chose sur le terrain. C’est d’ailleurs la seule question que nous devons nous poser. Une réponse négative conduirait inévitablement à une perte de crédibilité du politique, à une perte de confiance à l’égard de la majorité au pouvoir.
Quelle que soit cette majorité !
Je prends deux exemples.
Le premier touche au thème dramatique de l’assassinat de policiers ou de gendarmes.
Aujourd’hui, les cours d’assises peuvent prononcer une peine de réclusion criminelle à perpétuité ou une peine de sûreté de vingt-deux ans.
Je pose la question : depuis l’instauration de ces dispositifs que nous avons voulus, que nous avons votés, combien de sanctions de ce type ont-elles été prononcées ? Peu, je l’espère, car cela signifierait qu’il n’y a pas eu trop d’assassinats de membres des forces de l’ordre. Reste que ce sont des questions que nous devons nous poser avant d’adopter de nouvelles dispositions afin de savoir si les textes que nous avons votés sont efficaces ou s’ils ne changent pas grand-chose.
Mon deuxième exemple a trait aux peines planchers.
La loi de 2007 est à peine entrée en vigueur. Or, monsieur le ministre, vous nous avez dit que le dispositif prévu par ce texte fonctionnait. Je l’espère. Cependant, la loi n’est-elle pas parfois détournée en ce sens que, pour ne pas prononcer la peine plancher, l’acte est requalifié ?
Je ne voudrais pas que, en adoptant un texte sur les violences aggravées, les magistrats ajustent le curseur en requalifiant ces actes en violence simple pour ne pas prononcer de peines planchers. Soyons vigilants, car nous voulons un dispositif efficace et non un dispositif d’affichage !
Un autre sujet nous tracasse beaucoup, ce sont les répercussions d’internet, de la téléphonie mobile et des nouvelles technologies sur les nouvelles formes de délinquance.
Chacun peut observer dans sa propre famille avec ses enfants, ses petits-enfants ou les jeunes qui l’entourent à quel point les comportements ont évolué en dix ans. Comment expliquer à un jeune de dix-huit ans qu’il ne peut pas tuer un policier, ce qui va pourtant de soi, dès lors que se multiplient en toute impunité sur internet des jeux dont l’objectif est d’abattre le maximum de policiers ou de militaires ?
Dites-vous bien que l’écart entre les textes relatifs à la procédure pénale que nous votons ici et ce que vivent les plus jeunes devant leurs écrans, qui sont disponibles partout grâce à la téléphonie mobile, se creuse. Ce ne sont pas la LOPPSI ou d’autres textes qui parviendront à le combler. Il faut donc nous atteler à cette tâche de façon urgente.
En conclusion, je dirai oui à une LOPPSI qui offre techniquement les moyens de travailler aux forces de l’ordre, oui à une LOPPSI qui fournit des indications précises sur les moyens financiers et les objectifs pour les années à venir, mais non à des mesures de circonstance qui s’en tiennent à des effets d’annonce qui ne changeront rien sur le terrain ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur quelques travées de l’UMP. – MM. Charles Gautier et Jean-Claude Peyronnet applaudissent également.)