Les interventions en séance

Energie
Daniel Dubois 07/02/2012

«Question orale avec débat sur le devenir des permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels après le vote de la loi du 13 juillet 2011»

M. Daniel Dubois

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en juillet dernier est entrée en vigueur la loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique. Lors de l’examen du texte, un amendement a été adopté, sur l’initiative du groupe centriste, tendant à créer une commission nationale d’orientation chargée d’évaluer les techniques d’exploitation autres que la fracturation hydraulique. Comme l’application de ces dispositions est d’ordre réglementaire, j’en profite pour vous demander, monsieur le ministre, quand et selon quelles modalités cette commission sera effectivement créée. Pour le reste, je souhaite profiter de ce débat pour réitérer nos interrogations sur un certain nombre de points. Tout d’abord, je rappelle que la loi interdit l’utilisation de la fracturation hydraulique pour le pétrole et le gaz non conventionnels. Mais cette technique reste a priori régulière pour le pétrole et le gaz conventionnels, ainsi que pour la géothermie. J’en déduis que ce qui pose problème aux opposants aux gaz de schiste, ce sont non pas tant les méthodes d’extraction, puisqu’elles restent régulières pour les hydrocarbures conventionnels, que l’exploration et l’exploitation de ces nouvelles sources d’énergie. Cette opposition me paraît assez surprenante. On le sait tous, la France a encore une consommation incompressible d’hydrocarbures. Je suis d’ailleurs surpris que les partisans d’une telle interdiction totale ne soient pas choqués par le montant de la facture de nos importations d’hydrocarbures : 65 milliards d’euros en 2011, contre 45 milliards d’euros en 2010. Une facture de 65 milliards d’euros, ce n’est pas rien dans la balance commerciale, et les prix à la pompe pour nos concitoyens n’ont jamais été aussi élevés. Ensuite, la France dispose-t-elle, oui ou non, d’un important potentiel d’hydrocarbures non conventionnels ? Selon le rapport des députés François-Michel Gonnot et Philippe Martin, le potentiel d’hydrocarbures non conventionnels représenterait, pour ce qui est du gaz, une centaine d’années de consommation française ! Le Bassin parisien disposerait quant à lui de réserves d’huile de schiste représentant la moitié du champ pétrolifère de la mer du Nord ! Mais, pour connaître la mesure et la cartographie précise de ces réserves, des forages d’exploration doivent être autorisés sous contrôle public. Et si le potentiel est avéré, faut-il l’ignorer ? Nous pensons que non, sous réserve, bien sûr, que des techniques de forage permettent d’en maîtriser l’impact sur l’environnement. Certains soulignent effectivement la grande quantité d’eau nécessaire au forage. Si le problème est là, soyons cohérents et interdisons la fracturation hydraulique pour toutes les activités minières, ou du moins, celles qui utilisent de l’eau potable. Le faisons-nous ? Non. D’autres arguments se fondent sur le risque élevé de pollution des nappes phréatiques, comme cela a pu se produire aux États-Unis. Pour nous, cet argument fausse le débat, puisque, dans notre pays, les conditions de forage et les normes de tubage sont beaucoup plus strictes qu’aux États-Unis. Il est en outre avéré que ces fuites provenaient de malfaçons. Cet exemple américain a été largement utilisé pour attiser l’inquiétude de nos concitoyens, mais nous considérons que ces fuites ne sont pas une fatalité. Nous devons au contraire tirer les enseignements de ces erreurs, encadrer strictement les normes techniques, mais ne pas renoncer par peur. Enfin, d’autres agitent le chiffon rouge de l’enrichissement des compagnies pétrolières, alors que l’intérêt du débat est technique, scientifique et bien sûr économique. Je pense donc, comme l’ensemble des membres de mon groupe, qu’il faut conjuguer économie et environnement dans ce débat, plutôt que de les opposer. En revanche, il est certain que pas un euro ne sera investi dans la recherche et l’approfondissement des techniques existantes de fracturation pneumatique ou de fracturation utilisant du propane liquéfié – pourtant utilisée au Canada –, faute que soit autorisée l’exploration visant à connaître le potentiel de notre pays. Je le répète, la France ne doit pas transiger sur ses normes environnementales, comme cela a été fait aux États-Unis. Nous sommes tous d’accord sur ce point. Mais défendons au moins une position « ouverte à la recherche », soutenant les initiatives novatrices au service de notre politique énergétique, dans le respect du « pacte environnemental » et du développement durable. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Au lieu de cela, la majorité sénatoriale dit vouloir renoncer purement et simplement à ce potentiel énergétique. Je préfère, pour ma part, que la France maîtrise l’impact social et environnemental de l’exploitation de ses hydrocarbures, plutôt qu’elle importe à prix fort du gaz russe, voire – vous l’avez vous-même cité, madame Bricq – du gaz de schiste polonais, qui ne devrait pas mettre trop de temps à être commercialisé sur notre territoire. Et je ne suis pas certain que, en Pologne, les règles d’exploitation soient aussi strictes que celles que l’on aurait pu exiger chez nous. C’est pourquoi, mes chers collègues, il est impératif de ne pas nous plaquer des œillères. Restons attentifs et ouverts aux conclusions des premiers rapports que le Gouvernement voudra bien transmettre sur ce sujet. Mieux informés, nous pourrons peut-être évoluer sur cette législation. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)