Les interventions en séance

Affaires sociales
06/10/2010

«Projet de Loi portant sur les retraites»

M. Nicolas About

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne souscrivons pas à la plupart des motifs invoqués pour soutenir la présente motion référendaire, et encore moins à ses conclusions.
On nous explique que la réforme des retraites serait engagée sans mandat du peuple, sous prétexte que le Président de la République se serait engagé à maintenir l’âge d’ouverture des droits de départ à la retraite à 60 ans. Quel drôle d’argument ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Chers collègues de l’opposition, en démocratie parlementaire, la première règle est de s’écouter. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. –Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Hier, vous avez joué au foulard ; aujourd’hui, vous jouez au loup. Il vous reste la marelle et les billes ! Arrêtez donc ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
En démocratie parlementaire, il n’y a pas de mandat impératif. Le mandat donné par le peuple est celui qu’il a voulu donner à l’actuelle majorité, laquelle, contrairement à d’autres, prend aujourd’hui ses responsabilités en s’efforçant de sauver la retraite par répartition.
Le peuple français est aujourd’hui en position de trancher par le biais de sa représentation nationale !
Quant à l’opinion publique, elle n’est pas si hostile à la réforme que vous voulez bien le dire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Chacun a bien conscience qu’il est devenu nécessaire d’agir. Le déplacement de la borne d’âge d’ouverture des droits, la principale mesure du texte, n’a rien de choquant. Elle est en phase avec les mesures adoptées par nos partenaires européens et avec l’accroissement de l’espérance de vie. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Chers collègues de l’opposition, si vous ne voulez pas nuire à votre espérance de vie, ne vous énervez pas ! (Rires sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Je vous entends crier depuis le début de l’après-midi, alors que moi, je n’ai pas encore pris la parole ! Vous réclamez le pouvoir pour le peuple, et vous empêchez ses représentants de s’exprimer ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Les auteurs de la motion critiquent aussi le mode de financement de la réforme. Ils dénoncent le fait qu’elle ferait porter la quasi-totalité du financement par les assurés eux-mêmes : « 85% des efforts sont exigés des salariés, et seulement 15% des revenus du capital. »
C’est la logique même de notre système de retraite par répartition ! (Marques appuyées de désapprobation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Il existe une toute petite part de financement par l’impôt, liée aux mesures de solidarité, mais, par nature, la retraite est assurantielle ! Elle est liée au travail. Si vous n’êtes plus favorables à la répartition, mes chers collègues, il faut le dire ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mais je ne crois pas que tel soit le cas ! (Marques de désapprobation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Quant aux projets alternatifs, vous avez raison, il en existe, et d’ailleurs, nous en portons un. Si, à court terme, des mesures paramétriques d’urgence telles que celles qui nous sont proposées s’imposent, nous considérons en revanche que nous ne ferons pas à moyen terme l’économie d’une réforme structurelle consistant à remplacer l’annuité par le point ou les comptes notionnels. Il nous faut, dès maintenant, ouvrir l’horizon d’une telle réforme.
Enfin, selon les auteurs de la motion, le projet gouvernemental serait insuffisamment débattu et concerté. Cela soulève la seule véritable question qui devrait se poser ici : comment débattre au mieux d’une réforme des retraites ?
Pour les auteurs de la motion, la procédure référendaire serait l’outil idéal. Or, le référendum est un mode de consultation très spécifique dont les limites sont bien connues : on répond à celui qui pose la question, et rarement à la question.
En l’occurrence, nous avons affaire à une réforme hautement technique. Mais, admettons que nous votions cette motion et que les retraites soient réformées par référendum. Comment rédigerez-vous la question ?
« Êtes-vous favorables à un relèvement de l’âge d’ouverture des droits à 62 ans ? » Ce serait un peu réducteur. Ou bien : « Êtes-vous favorables à ce que les retraites soient réformées ? » Au contraire, ce serait un peu large. La question est bien compliquée à formuler. À l’évidence, un débat référendaire ne permettrait pas d’explorer comme il se doit les arcanes techniques d’une telle réforme.
En réalité, ce n’est ni par référendum ni dans la rue qu’il convient de réformer les retraites, mais ici même, au Parlement.
C’est d’ailleurs ce qui justifie votre propre existence. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) L’enceinte la plus adaptée au débat républicain, c’est le Parlement.
Pour des parlementaires, demander un référendum sur une telle question pourrait même s’apparenter à une démission. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. –Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.) S’il ne nous appartient pas de nous prononcer sur le sujet des retraites, alors nous ne servons plus à rien ! A contrario, les membres de mon groupe attendent que le projet soit examiné par notre Haute assemblée dans un esprit de dialogue et de partenariat constructifs. Il est en effet encore largement perfectible. Si l’on veut éviter de pénaliser les familles, il faut travailler encore sur les mesures relatives à la solidarité et mieux prendre en compte la pénibilité. Il faut également dégager l’horizon pour une réforme structurelle.
Il revient au Parlement de débattre de toutes ces questions et c’est pourquoi, mes chers collègues, le groupe de l’Union centriste ne votera pas la motion référendaire. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)