Les interventions en séance

Affaires sociales
Françoise Férat 06/05/2014

«Proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires-Article 1er»

Mme Françoise Férat

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, les indiscutables excès relatifs aux stages non rémunérés, parfois de longue durée, réalisés dans le cadre d’études supérieures, voire même en dehors de tout cursus de formation, ont été justement dénoncés. Ils ont déjà été corrigés par la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, elle-même complétée à trois reprises, en 2009, 2011 et 2013. La proposition de loi dont nous débattons ce soir étend à tous les stages de l’enseignement professionnel le champ des dispositions législatives envisagées, y compris le cas particulier de l’enseignement agricole. Ce sont près de 150 000 jeunes, en formation de CAP ou de bac professionnel, qui seront impactés dans l’enseignement agricole. Ces formations nécessitent l’accomplissement de stages en milieu professionnel, indispensables à leur parcours pédagogique. On ne peut raisonnablement mettre sur un même plan des jeunes titulaires d’un bac au moins et âgés de dix-huit ans et plus, et des jeunes qui ont, par exemple, quinze ans. Tout d’abord, il s’agit d’élèves souvent mineurs, qui n’ont pas la maturité des étudiants. Ils ne sont pas davantage liés par un contrat de travail – d’apprentissage – qui, par nature, crée une exigence employeur-salarié. Cette proposition de loi souhaite soumettre aux mêmes caractéristiques des publics différents. L’état d’adolescence, voire de préadolescence, devrait permettre d’opérer un distinguo entre les types de stages. L’accueil d’un jeune stagiaire nécessite un fort investissement du maître de stage : il faut préparer sa venue, lui présenter et expliquer la structure, lui faire rencontrer le personnel, quand il y en a, préparer ce qu’il aura à faire, l’accompagner, corriger, expliquer, réexpliquer… Le jeune stagiaire est avant tout en situation de formation, et non de production. Ensuite, les entreprises ou structures relevant des formations de l’enseignement agricole sont assaillies de demandes de stages, car ceux-ci sont obligatoires dans le cadre de la formation. Mais comme rien n’oblige à prendre un jeune, la vérité est que jeunes et familles rencontrent des difficultés croissantes à trouver des stages.
Les propositions faites dans ce texte – formalités administratives, gratification du stagiaire dès le premier jour si le stage est d’une durée supérieure à deux mois, risques de contentieux, sanctions pécuniaires, etc. – seront contre-productives et freineront le développement des stages.
N’oublions pas qu’il existe d’ores et déjà des dispositions protectrices pour les jeunes stagiaires. En effet, les articles D. 331–3 du code de l’éducation et R. 715–1 du code rural prévoient l’obligation d’une convention de stage entre l’établissement d’enseignement et l’organisme d’accueil. Celle-ci rappelle l’obligation de désigner un tuteur, l’obligation de définir une annexe pédagogique précisant les activités de l’élève dans l’organisme, en relation avec le diplôme préparé, la durée de présence hebdomadaire, qui ne peut dépasser 35 heures hebdomadaires – 32 heures pour les élèves de moins de seize ans –, l’interdiction du travail de nuit, les exigences en matière de repos hebdomadaire, qui doit être de deux jours consécutifs dont le dimanche – sauf exception. Les mesures nouvelles risquent de décourager les entreprises familiales ou individuelles de former des jeunes stagiaires. Et, en milieu rural, il est encore moins commode de trouver des structures. Je défendrai deux amendements visant à restreindre l’application de cette proposition de loi, et aussi à en exclure les stages réalisés dans le cadre des enseignements dispensés selon les modalités définies dans le code rural. Par ailleurs, madame, monsieur les ministres, je crois qu’il sera indispensable de prévoir, dans un an, un bilan de cette réforme. (M. le ministre opine.) Je ne vous propose pas un nouveau document, que notre assemblée aurait des difficultés à produire, mais un vrai bilan objectif, qui devrait permettre de vérifier si ces mesures n’ont pas été néfastes pour les jeunes de l’enseignement professionnel, en particulier ceux de l’agriculture et des services à la personne. Il serait pertinent de s’assurer que les élèves trouvent encore des stages pour parfaire leur formation et que les structures accueillantes n’ont pas été découragées pour former nos jeunes. (Mmes Muguette Dini et Esther Sittler ainsi que MM. Gérard Bailly et François Trucy applaudissent.)