Les interventions en séance

Logement et urbanisme
Vincent Capo-Canellas 06/03/2012

«Projet de loi relatif à la majoration des droits à construire »

M. Vincent Capo-Canellas

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le dispositif proposé dans ce projet de loi est considéré comme l’un des outils permettant de répondre à la crise du logement, crise dont nous connaissons tous la réalité en tant qu’élus locaux. Il s’inscrit naturellement dans le cadre de la politique globale du logement menée par le Gouvernement. M. le ministre a expliqué à l’instant la philosophie qui inspire cette politique : encourager l’offre de logements pour satisfaire les besoins de la population. Construire des logements est évidemment une nécessité dans le contexte de pénurie actuelle. C’est un objectif partagé sur toutes les travées de cette assemblée. Si beaucoup a été fait ces dernières années pour répondre à ce défi, avec des résultats tangibles en termes de constructions de logements sociaux, notamment, il faut poursuivre l’effort. Beaucoup reste en effet à réaliser pour répondre aux besoins de nos compatriotes. Monsieur le ministre, votre réflexion repose sur une conviction : une politique de l’offre comblera le déficit de logements et permettra de limiter la hausse des prix. C’est sans doute le bon axe ; reste qu’il ne peut à lui seul constituer la solution à tous les problèmes. J’y reviendrai à la fin de mon intervention. Le projet de loi vient cristalliser, en pleine campagne électorale, des oppositions naturelles. Promesse présidentielle, disent certains ; réponse de candidat, pourrions-nous dire, en voyant la modification proposée par nos collègues socialistes. Je m’attacherai moins au dispositif, amplement commenté en première lecture, et à la proposition qui y répond, qu’au fond du sujet. Au-delà de nos différences d’appréciation, un diagnostic partagé se dégage sur la politique du logement. Nous sommes tous d’accord sur le fait que la forte demande existant dans notre pays est insatisfaite, et qu’à cette demande s’attachent des préoccupations majeures pour la vie quotidienne : la cherté des loyers, l’insalubrité, la sur-occupation. Le logement est l’un des principaux sujets d’inquiétude aujourd’hui. La demande ne pourra être satisfaite que si nous construisons beaucoup plus de logements, de tous types, qu’il s’agisse de logements sociaux ou de logements en accession, en veillant à la mixité sociale et à l’équilibre des territoires. Dans le même temps, nous voulons lutter contre l’étalement urbain. La réponse à cette demande de logements, c’est en effet la densification dans les centres urbains et là où il existe une forte tension entre demande et offre de logements. Mais cette densification doit être, à mon sens, raisonnée. Avant d’exposer les modalités de sa mise en œuvre, je souhaite bien sûr revenir sur ce projet de loi. Le reproche qui lui est fait à gauche est d’être partiel ; c’est de bonne guerre, il y a sans doute là une part de vérité… Le rapporteur l’a dit, nous réglerons la crise du logement non pas avec une seule mesure, si utile soit-elle, mais en activant plusieurs leviers : la fiscalité foncière, notamment la fiscalité sur les plus-values immobilières, l’utilisation des terrains constructibles non bâtis, la cession des terrains publics, la simplification des règles d’urbanisme, la réduction des recours abusifs... À mettre au nombre de ces leviers, le Gouvernement propose, avec ce texte, une mesure simple et pragmatique : une majoration des droits à construire de 30 %. L’article unique du projet de loi tend à renforcer de façon pratique et opérationnelle les possibilités de densification, afin de pouvoir faire face à une demande toujours plus pressante. L’objectif est clair : libérer l’offre de logement, alors même que nous vivons un déséquilibre entre offre et demande. Le projet de loi tend à l’efficacité. Alors que la complexité du droit de l’urbanisme et l’accumulation de règles sur chaque territoire entraînent des longueurs et des blocages qui ralentissent la réalisation des programmes immobiliers, nous disposons pour une fois, avec ce texte, d’une réglementation simple. Autre aspect positif, ce projet de loi permet d’accroître l’offre de logements sans augmenter la dépense publique, ce qui est rare, convenons-en. Ce texte a donc le mérite de répondre simplement à une vraie préoccupation et à un réel besoin : on peut le porter à son crédit, alors que, bien souvent, nous pestons contre la complexité des dispositifs proposés. Cet outil, les élus locaux l’utiliseront s’ils en ressentent le besoin, pour mener leur politique du logement sur leur territoire, mais ce ne sera qu’un moyen parmi d’autres, dans la boîte à outils dont ils disposent actuellement. Ainsi, pour prendre l’exemple de ma ville, Le Bourget, j’estime que, si l’on peut envisager la densification de certains quartiers, elle ne saurait être généralisée sur l’ensemble de la commune, l’enjeu étant de parvenir à une densité raisonnée. Il faut ici revenir, au-delà du texte, sur l’accompagnement nécessaire d’une densification raisonnée. Tout maire élu de la première ou de la deuxième couronne de l’agglomération parisienne, rencontre actuellement des difficultés s’il veut répondre aux objectifs fixés par l’État, qui nous demande de construire des logements, et ce en raison d’obstacles que l’État lui-même dresse involontairement. C’est un paradoxe, mais c’est la réalité. Je ferai plusieurs observations. Première observation, la libération du foncier par l’État est affichée par le Gouvernement comme l’une de ses priorités – juste priorité – en faveur de laquelle il a déjà mis en place des dispositifs. Mais des progrès restent à faire. Si je prends encore une fois l’exemple de ma commune, cela fait plusieurs années que nous sommes en négociation avec l’État pour 4,2 hectares de terrains qui se trouvent en milieu urbain, terrains sur lesquels la commune pourrait construire des logements. Pourtant, ce foncier appartient – je vous le donne en mille ! – à la Direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement d’Île de France !
L’État doit donc montrer l’exemple en facilitant la cession de ses terrains aux collectivités qui souhaitent disposer de foncier pour construire plus de logements.
Deuxième observation : l’excès de réglementations en matière d’urbanisme restreint également les possibilités de construction. Dans la communauté d’agglomération que je préside, l’application parfois un peu stricte des normes Natura 2000 et de la directive Oiseaux pourrait empêcher l’aménagement de terrains et la construction de logements sur la commune de Dugny. Vous connaissez cette commune, monsieur le ministre, pour vous y être rendu par deux fois au cours des derniers mois. (M. le ministre acquiesce.) Troisième observation : la territorialisation de l’offre de logements en Île-de-France, la fameuse TOL, conduit bien souvent l’État à demander plus d’efforts aux mêmes territoires, c’est-à-dire à ceux qui bâtissent et à ceux qui concentrent de véritables opérations d’aménagement et de construction de logements. En Île-de-France, 80 % des constructions sont réalisées dans 20 % des communes, ce qui montre le besoin de rééquilibrage de l’offre de logement. Il faut traiter ce problème de la répartition des constructions en partageant l’effort de logement équitablement dans l’ensemble du territoire francilien, et il convient d’éviter de construire toujours plus de logements sociaux là où ils sont déjà nombreux. Cette pente est la plus naturelle, mais elle conduit à une forme de ségrégation larvée. Il convient donc d’améliorer la pluralité de l’offre de logements sur un territoire donné. Un devoir de solidarité doit s’exercer dans l’ensemble de l’Île-de-France, au risque de favoriser la construction de ghettos. Je parle d’un risque, mais, pour nombre de nos concitoyens, c’est déjà une réalité. J’en viens à ma quatrième et dernière observation, qui porte sur l’effort de construction demandé par l’État. Comme d’autres, je suis au nombre de ces maires qui essaient de bâtir. Je le dis avec modestie, la population de ma commune a augmenté de 5 % en un an, ce qui est, vous en conviendrez, une évolution importante. Il faut que l’État sache aider plus ceux qui construisent. Notre population augmente ; nous devons ensuite satisfaire les besoins de ces nouveaux habitants en termes d’équipements publics : crèches, écoles, équipements sportifs et culturels. Or les dotations de l’État n’augmentent pas en conséquence, et, en tant que maires, nous ne gagnons rien à construire davantage de logements par rapport à ceux de nos collègues qui s’y refusent. Si l’État veut inciter les élus à construire, il doit trouver les moyens financiers de favoriser ceux qui répondent aux objectifs qu’il fixe. On pense à une sorte de bonus qui serait alloué aux bons élèves, aux villes qui bâtissent. Cette idée, de plus en plus reprise, n’arrive pas pour le moment à se traduire sur le plan législatif. Je sais que vous y êtes favorable, monsieur le ministre. Quand pouvons-nous espérer voir la mise en place d’un tel dispositif ? Pour conclure, le texte du Gouvernement participe, selon nous, à la concrétisation de l’objectif d’accroissement de l’offre de logement et certaines dispositions ont déjà démontré leur pertinence. Si nous ne sommes pas opposés à la densification, nous plaidons pour qu’elle soit raisonnée. Je souhaite que ce dispositif, simple et pragmatique, puisse aider certains maires. Si tel est le cas, et à cette réserve près, nous aurons fait œuvre utile. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)