Les interventions en séance

Budget
Vincent Delahaye 04/07/2013

«Projet de loi de règlement du budget et d՚approbation des comptes de l՚année 2012»

M. Vincent Delahaye

Monsieur le ministre, vous êtes dans votre rôle quand vous relevez les points positifs du présent projet de loi du règlement. Vous avez tout d’abord insisté sur la certification des comptes publics par la Cour des comptes, démarche que la France est quasiment le seul pays au monde à pratiquer. À cet égard, on peut noter avec satisfaction une réduction du nombre des réserves substantielles sur les comptes qui avaient été formulées en 2011. Dont acte ! Vous avez ensuite mis en valeur une légère amélioration de la situation financière de notre pays. Il est vrai que celle-ci est un peu moins catastrophique qu’elle ne l’était en 2011… On enregistre ainsi une réduction de 3,6 milliards d’euros du déficit, lequel s’établissait à 14 milliards d’euros en 2011. Dans une conjoncture difficile, avec une croissance presque nulle, ce résultat peut être considéré comme honorable. Vous voyez donc le verre à moitié plein ; pour ma part, je vais expliquer pourquoi il me semble surtout à moitié vide. Selon moi, le présent projet de loi comporte quatre signaux d’alerte. Premièrement, le déficit s’établit à 87,2 milliards d’euros, soit trois mois de dépenses de l’État, financés à crédit. La France fait partie des mauvais élèves de l’Union européenne, plutôt des cancres que des premiers de la classe. Or quand on prétend donner des leçons à l’Europe, il faut rapidement mettre de l’ordre dans ses comptes ! Deuxièmement, la dette publique atteint aujourd’hui 1 834 milliards d’euros, soit 70 000 euros par ménage. On en a peu parlé jusqu’à présent, alors que l’on a abondamment reproché au précédent gouvernement de l’avoir portée à 1 600 milliards d’euros. En 2012, nous avons eu la chance de bénéficier de taux d’intérêt très bas, ce qui nous a permis d’économiser 2,5 milliards d’euros. Cela explique pour partie la baisse du déficit. Cependant, je ne suis pas sûr que cette situation favorable perdure. Nous observons d’ores et déjà les prémices de tensions sur les marchés obligataires. Personne ne l’a souligné, mais une épée de Damoclès plane au-dessus de nos comptes. Le jour où les taux remonteront, certains, cherchant comme à l’habitude un bouc émissaire, insulteront les marchés, les accuseront de nous étrangler. Aujourd’hui, on ne les remercie d’ailleurs guère de nous faire bénéficier de taux bas… Quoi qu’il en soit, si demain nos charges d’intérêts explosent, il ne faudra pas leur en imputer la responsabilité. Troisièmement, le taux de prélèvements obligatoires, qui s’établit désormais à 45 %, n’a jamais été aussi élevé. L’augmentation des impôts a un effet récessif beaucoup plus important que la baisse des dépenses publiques. Pour ma part, je considère qu’alourdir sans cesse les impôts constitue une erreur économique majeure. Si l’on veut sortir notre pays du marasme économique dans lequel il se trouve, il faut plutôt consacrer ses efforts à la réduction des dépenses. J’appelle moi aussi de mes vœux une grande réforme fiscale, mais, contrairement à Mme Beaufils, je souhaite qu’elle consiste avant tout en un choc de simplification, en vue de retrouver une fiscalité économiquement efficace et socialement juste. Lors du débat budgétaire de l’automne, nous aurons l’occasion de faire des propositions sur ce sujet d’une importance majeure pour l’évolution économique de notre pays. Quatrièmement, les engagements hors bilan, évalués aujourd’hui à 3 000 milliards d’euros, ont triplé en moins de dix ans, puisque, dans son rapport de 2005, M. Pébereau les estimait à 1 000 milliards d’euros. Au sein de ces engagements hors bilan, on trouve un peu de tout, mais on n’identifie rien ! Par exemple, fort opportunément, Jean Arthuis a mis en évidence qu’EDF a constitué dans ses comptes pour 2012 une créance de 4,9 milliards d’euros à l’égard de l’État. Or nous ne constatons pas cette dette dans les comptes de l’État. Vous nous avez dit, monsieur le ministre, qu’elle figurait dans les engagements hors bilan, mais on ne l’y retrouve pas. Cela nous inquiète au regard de la sincérité des comptes de l’État. Par ailleurs, la dette de l’UNEDIC, qui s’établissait à 14 milliards d’euros à la fin de l’année dernière et devrait atteindre quelque 20 milliards d’euros au terme du présent exercice, est garantie par l’État. Quelles limites fixe-t-on aux partenaires sociaux qui gèrent cette association afin qu’ils cessent d’alourdir la dette de l’État ? Toujours dans le même esprit, la dette de l’entreprise publique RFF s’élevait à 31,5 milliards d’euros à la fin de l’année 2012, mais on ne trouve nulle part trace de cette dette dans les comptes de l’État ! Nous nous interrogeons donc sur l’exhaustivité, la sincérité et la fidélité des comptes de l’État. Ces qualités, qui caractérisent la comptabilité des entreprises, je ne les retrouve malheureusement pas totalement dans la comptabilité publique nationale. Je voudrais en outre insister sur deux notions apparues récemment, qui me surprennent beaucoup : celles de « nouvelles économies » et de « déficit structurel ». S’il existait un livre intitulé Les Finances publiques pour les nuls, ses auteurs auraient du mal à expliquer en quoi consistent les nouvelles économies. Si je comprends bien, pour le Gouvernement, faire des économies, c’est ne pas dépenser plus qu’avant, parce que les dépenses publiques sont censées suivre l’évolution de l’inflation. Certes, mais les ménages et les entreprises qui ont du mal à boucler leurs fins de mois et se serrent la ceinture n’entendront jamais un tel discours : pour eux comme pour moi, faire des économies, c’est diminuer les dépenses. Je pense qu’il est possible de le faire. Notre groupe serait prêt à vous suivre dans cette voie, monsieur le ministre, même si elle est difficile. Il faut du courage et de l’audace pour l’emprunter, mais nous pensons que la situation l’exige. La distinction entre déficit structurel et déficit conjoncturel m’étonne également. J’ai fini par comprendre que, dans l’esprit du Gouvernement, il est vertueux de réduire le déficit structurel, mais que l’on peut laisser filer le déficit conjoncturel. De fait, aujourd’hui, le déficit structurel baisse, tandis que le déficit conjoncturel augmente. C’est ce qu’observe la Cour des comptes dans son rapport, monsieur le ministre. En tout cas, le déficit conjoncturel ne baisse pas comme le déficit structurel, qui a diminué de 1,2 %, ainsi que vous l’avez indiqué tout à l’heure. En poussant le raisonnement jusqu’à l’absurde, on pourrait imaginer retrouver bientôt un excédent structurel tout en gardant un déficit conjoncturel. Monsieur le ministre, vous nous expliquerez sur quelles bases est déterminé le déficit conjoncturel. Je pense pour ma part que la croissance nulle que nous connaissons aujourd’hui n’est pas si conjoncturelle que cela… Si nous ne réalisons pas dans les mois à venir les réformes de structures majeures qui auraient déjà dû être entreprises par le Gouvernement, notre taux de croissance restera très faible et le déficit structurel augmentera fortement. En conclusion, je dirai que nous sommes assez inquiets. Le déficit dérape, la dette atteint des sommets et les impôts n’ont jamais été aussi élevés. Nous avons des doutes sur la sincérité, l’exhaustivité et la fidélité d’une partie du budget. Dans ces conditions, et en l’absence de vision claire des programmes d’économies que vous allez nous proposer, nous voterons contre ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)