Les interventions en séance

Collectivités territoriales
Jacqueline Gourault 02/11/2011

«Proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours menacés par le dispositif de la carte de l՚intercommunalité »

Mme Jacqueline Gourault

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc de nouveau conduits à débattre de la réforme territoriale. S’il est vrai que, dans sa partie intercommunale, celle-ci avait recueilli un accord assez large au Parlement, sans toutefois que l’on puisse parler de consensus, il n’en demeure pas moins que, dans les territoires, elle a donné lieu à des interrogations, voire à des inquiétudes. Comme un certain nombre de mes collègues, je viens de faire campagne pour les élections sénatoriales. Hormis les angoisses sur la situation de l’emploi et de l’endettement de la France, le sujet de l’intercommunalité était le premier à être abordé par les élus de mon département. Dès le mois de juin, j’avais alerté le Gouvernement, et vous en particulier, monsieur le ministre, vous l’avez vous-même rappelé tout à l’heure, sur la nécessité de procéder à des ajustements sur la loi de décembre 2010, afin d’en faciliter l’application et ce faisant de répondre positivement aux préoccupations des élus. Et je dois dire que j’ai fait campagne sur un mode très optimiste, expliquant qu’il ne fallait pas s’inquiéter, par exemple, de la limitation du nombre de vice-présidents, puisque le Gouvernement était d’accord provisoirement - j’insiste sur le terme en réponse à M. Hyest - pour ne l’appliquer qu’à partir de 2014. Il s’agissait non de revenir sur la loi, mais simplement de l’appliquer de façon transitoire. Cette campagne, je l’ai donc faite très tranquillement, parce qu’un autre texte était prévu, sans avoir encore été inscrit à notre ordre du jour, je veux parler du fameux projet de loi n° 61, c’est-à-dire le texte relatif notamment au mode de scrutin pour l’élection des conseillers municipaux et au statut de l’élu. Nous aurions ainsi disposé d’un véhicule législatif pour procéder à nos ajustements. Je regrette infiniment que le Gouvernement ait pris la décision de ne pas inscrire ce texte à l’ordre du jour parlementaire ! Monsieur le ministre, cette solution aurait eu trois avantages. D’abord, vous auriez rassuré les élus, qui étaient également très inquiets quant au mode de scrutin pour les élections municipales et trouvaient beaucoup trop bas le seuil de 500 retenu dans le projet de loi du Gouvernement. Or, je le sais, vous étiez d’accord pour le relever. Mais vous ne pourrez pas le faire puisque, pour l’instant, il n’y a plus la loi. À mon avis, c’est une erreur ! Ensuite, on aurait pu y intégrer les données de la très intéressante proposition de loi de notre collègue Bernard Saugey, qui comporte plusieurs dispositions sur le statut de l’élu. Enfin, monsieur le ministre, vous auriez « eu la main ». Alors que là, faute de projet de loi n 61, le Parlement, qui a besoin de légiférer, parce qu’il faut naturellement répondre aux élus, le Parlement, donc, a dû lui-même prendre l’initiative de déposer des textes, la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur, au Sénat, et celle de Jacques Pélissard, à l’Assemblée nationale. Évidemment, on peut toujours regretter le trop ou le pas assez. Mais que n’avez-vous pris l’initiative de poursuivre le débat parlementaire que vous aviez entamé ! Je pense que c’est une erreur stratégique de la part du Gouvernement ! C’est pourquoi nous nous opposerons au renvoi à la commission. Notre groupe est, en effet, toujours favorable à la discussion, laquelle permet de faire évoluer les textes, d’où qu’ils viennent. Le texte initial de la proposition de loi de notre collègue M. Jean-Pierre Sueur a été largement modifié en commission. Il comprend un certain nombre d’amendements auxquels nous avons été très sensibles. Je pense, notamment, au report après 2014 de l’application des dispositions relatives au nombre de vice-présidents et de délégués ; je pense aussi à la possibilité de créer de nouveaux syndicats. Cela m’amène à revenir à ce qui a été dit par M. Hyest. La possibilité de créer de nouveaux syndicats à la suite d’une fusion - entre une commune rurale et une communauté plus grande, souvent une communauté d’agglomération -, évite de redonne aux communes des compétences, en matière scolaire, notamment. Cela me paraît très important. En tout cas, en élue du terrain, je salue cette disposition pragmatique. Il en va de même en ce qui concerne les compétences sociales. Mon collègue Yves Détraigne a, d’ailleurs, déposé un amendement visant à ajouter la petite enfance, amendement qui a reçu ce matin un avis favorable de la commission. Reste posé le problème du financement, mes collègues Henri Tandonnet et Jean-Jacques Lasserre y reviendront. Deux autres sujets étaient pour nous primordiaux, le calendrier et la perte du pouvoir d’amendement de la CDCI à partir du 1er janvier 2012, l’un et l’autre étant d’ailleurs liés. Je me permets de m’arrêter sur un point que personne n’a relevé depuis le début de la discussion : la date du 31 décembre 2011 concerne le projet de schéma, mais, à partir du 1er janvier 2012, le droit d’amendement de la CDCI n’existe plus. (Murmures sur les travées de l’UMP) C’est écrit noir sur blanc dans la loi ! Par ailleurs – et je suis tout à fait à l’aise pour le dire, car je me suis battue au Parlement sur ce point ! - le préfet aura, dès le premier trimestre 2013, des pouvoirs exceptionnels. Il faut tout de même le rappeler ! Il apparaît, en effet, que ce texte était contraint sur un certain nombre de points et méritait donc qu’on y revienne. J’ai pris acte, monsieur le ministre, de la lettre du Premier ministre. Mais une lettre, c’est une lettre, et une loi, c’est une loi, jusqu’à preuve du contraire ! Au vu du nombre de propositions de loi déposées – je pense à celles de Mmes Goulet, Férat et Létard, à la proposition de loi de M. Lecerf - il y a là un vrai sujet ! Tout l’enjeu est donc de ne pas freiner ceux qui sont prêts et de donner du temps à ceux qui en ont besoin (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Le calendrier modifié par la commission des lois ne retarde pas le terme du processus actuellement en cours, fixé au 1er juin 2013. Le temps de la concertation est donc respecté. En ce qui concerne les schémas en cours qui sont consensuels et qui comportent des projets prêts à démarrer, la CDCI pourrait les adopter sous la forme de proposition finale de schéma avant le 31 octobre 2012, sans procéder à d’autres consultations. Les communes qui seraient prêtes pourraient donner leur accord, à la majorité qualifiée, aux propositions et les préfets pourraient prendre les arrêtés nécessaires. Je voudrais m’arrêter à cet instant sur une idée qui m’est venue en écoutant les orateurs qui m’ont précédée. Je suis vice-présidente d’une communauté d’agglomération, celle de Blois, qui va fusionner au 1er janvier 2012 avec une communauté rurale voisine. Pourquoi cette date ? Parce que les réflexions ont été très rapides et les élus, très demandeurs. C’est dire que, pour ceux qui veulent fusionner vite, il y a toujours le droit commun, cela existe ! C’est d’ailleurs la deuxième fusion de communautés d’agglomération que je vais vivre à Blois. Au fond, personne n’est arrêté dans sa volonté de fusionner, sur notre territoire ! Puisque le temps m’est compté, j’en viens directement à ma conclusion pour dire à M. le ministre, dans le prolongement de mon propos initial, que je ne sais pas très bien quel sera l’avenir de la proposition de loi dont nous discutons. Elle a le mérite de répondre aux questions que se posent les élus de terrain. Il en va d’ailleurs de même pour le texte de M. Pélissard, président de l’Association des maires de France. Je me permets donc de vous suggérer, monsieur le ministre, de bien vouloir organiser le plus rapidement possible une discussion commune. Certes, le calendrier parlementaire est serré et l’ordre du jour chargé. Mais pourquoi ne pas répondre vite, comme vous l’avez fait dans d’autres cas, à ce que notre collègue Jean-Pierre Raffarin appelle « la République des territoires » ? L’intercommunalité est une réalité de la vie locale. L’objectif de la loi de 2010 est, à de rares exceptions, partagé par de nombreux élus. Mais il faut aussi écouter le terrain, et l’on y réclame l’introduction de garanties pour les élus des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l’UCR, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)