Les interventions en séance

Aménagement du territoire
Jacqueline Gourault 02/10/2013

«Projet de loi relatif à la modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles»

Mme Jacqueline Gourault, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. 

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation que je m’exprime ici. Comme vous le savez, cette délégation est l’un des principaux outils dont le Sénat dispose pour identifier et exprimer en continu ce qui rassemble les sénateurs de tous bords quand il est question des collectivités territoriales et de la décentralisation. Vous savez aussi qu’elle fonctionne essentiellement sur le mode du consensus. Elle publie régulièrement des rapports contenant des propositions concrètes, dont bon nombre ont d’ailleurs enrichi le présent projet de loi tout au long de son élaboration.   On vérifie, au fil des discussions législatives passées et actuelles – il en ira de même, j’en suis sûre, pour celles à venir –, que le Sénat porte sur les collectivités territoriales et la décentralisation un regard qui n’est pas exactement celui de l’Assemblée nationale, pour dire les choses aimablement…   Trois grands traits me semblent caractériser l’approche sénatoriale de la décentralisation : la capacité de réunir un large consensus sur bon nombre de questions, au-delà des positionnements politiques de chacun ; le choix de « faire confiance à l’intelligence territoriale », pour reprendre le titre du rapport de la mission sénatoriale d’information constituée à la fin de 2008 afin de réfléchir à la réforme territoriale qui s’annonçait ; enfin, la connaissance intime du terrain et le pragmatisme qui en découle.   Le rapport élaboré par la commission des lois en vue de la deuxième lecture du projet de loi s’inscrit dans cet esprit en proposant « la réintroduction de la souplesse et de la confiance à l’intelligence territoriale », pour en citer un passage, et en faisant du réalisme et de la souplesse les axes directeurs des propositions de modification du texte adopté par l’Assemblée nationale.   Il faut en effet défendre l’armature traditionnelle de la décentralisation. L’adjectif « traditionnelle » renvoie à une logique non pas de conservatisme, mais de réalisme, ce qui implique le respect des collectivités existantes et celui du principe de libre administration des collectivités territoriales, c’est-à-dire d’absence de tutelle d’une collectivité sur une autre.   Cela suppose d’alléger la forte dose de contraintes introduite par l’Assemblée nationale en première lecture. Par exemple, l’automaticité de la création des métropoles de droit commun, les éléments de rigidité introduits dans le régime des pôles ruraux, la remise en cause du processus d’achèvement de l’intercommunalité dans la grande couronne parisienne ne correspondent pas, ou peu, à l’approche sénatoriale des questions locales.   Par ailleurs, il faut mettre à la disposition des collectivités des outils de gouvernance souples et durables, c’est-à-dire adaptés à la diversité des besoins et des situations locales.   Cela implique de mettre l’accent sur le chef de filat comme moyen de penser à plusieurs niveaux la mise en œuvre des politiques publiques. Cela implique aussi le rejet des résurgences de l’État tuteur, alors que la décentralisation demande un État régulateur, capable d’animer sans imposer.   Cela implique enfin d’accepter une certaine diversification des statuts. L’exemple du Grand Lyon, qui est, comme vous le savez, doté du statut de collectivité territoriale, montre bien qu’il faut opérer des adaptations selon les territoires. Je crois que tout le monde est d’accord sur ce point. L’un des principaux outils de la gouvernance durable est l’intercommunalité. Il faut parfaire le régime des intercommunalités, les préparer à assumer des responsabilités de plus en plus importantes, mais en tenant compte des réalités de terrain et des attentes des acteurs locaux : on ne réussira pas à accomplir les progrès encore nécessaires sans leur accord et leur participation. C’est pourquoi il faut respecter les communes et ne pas déshabiller les maires. (Marques d’approbation sur diverses travées.)   Toutes les instances de discussion, de négociation sont, à mon avis, les bienvenues, et la création du Haut Conseil des territoires, qui fait l’objet de nombreux débats, est une idée qui avait été proposée par la délégation que j’ai l’honneur de présider. J’entends les critiques de certains, qui craignent que les prérogatives du Sénat ne soient remises en cause. Ce sera une instance de concertation. (Protestations sur les travées de l’UMP.)   Mes chers collègues, si vous éprouvez de telles craintes, je me demande pourquoi vous avez accepté que les affaires financières soient traitées par le Comité des finances locales en amont du Sénat ! Cette instance fera d’ailleurs partie du Haut Conseil des territoires. Je sais que nombre de membres de mon groupe ne sont pas d’accord avec cette position, mais il peut exister des sensibilités personnelles diverses. En tout état de cause, je soutiens cette idée de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Pour conclure, j’espère que le Sénat votera un texte et ne rendra pas, comme en première lecture, copie blanche sur une partie du projet de loi, notamment sur le Grand Paris. Je suis en effet persuadée que, si nous avions procédé autrement lors de la première lecture, nous serions aujourd’hui dans une position plus favorable pour traiter le problème de la métropole parisienne. (Applaudissements sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe socialiste, ainsi qu’au banc des commissions.)