Les interventions en séance

Droit et réglementations
Hervé Maurey 02/03/2011

«Projet de loi relatif à l’élection de députés par les Français établis hors de France, et proposition de loi portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique « Le Paquet électoral »»

M. Hervé Maurey

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, vous le savez, nos concitoyens sont plus que jamais en attente d’élus exemplaires et irréprochables, et l’actualité de ces dernières semaines ne fait que renforcer cette attente. De toute évidence, nos concitoyens ont le sentiment que tel n’est pas le cas puisque, selon un sondage paru en juillet 2010, 64 % des Français jugent les hommes politiques corrompus ; ils étaient 46 % en 1990 et 38 % en 1977. Ces chiffres terribles qui, heureusement, ne correspondent nullement à la réalité sont à rapprocher d’une récente étude du Centre de recherches politiques de Sciences-Po, le CEVIPOF, montrant que 62 % des Français éprouvent de la « méfiance » ou du « dégoût » pour la politique. Face à cette situation qui, de toute évidence, menace notre démocratie et favorise les partis extrémistes, nous avons le devoir d’agir. Agir, c’est-à-dire : fixer des règles strictes, ce qui ne signifie pas nécessairement excessives ou démagogiques ; renforcer la transparence, ce qui n’implique pas le « voyeurisme » ; améliorer le contrôle, ce qui nécessite des sanctions justes et proportionnées. De toute évidence, les dispositions contenues dans ce « paquet électoral », c’est-à-dire dans les trois textes que nous examinons, vont dans la bonne direction et le groupe de l’Union centriste, tout en souhaitant améliorer encore les dispositifs proposés, soutient ces projets et ces initiatives. Nous tenons, à cet égard, à saluer le travail de fond mené tant par le groupe de travail présidé par Pierre Mazeaud et créé sur l’initiative du président de l’Assemblée nationale que par le groupe de travail mis en place par notre commission des lois, dans lequel l’Union centriste était représentée par notre collègue Yves Détraigne. Ce deuxième groupe de travail a présenté quarante recommandations pour l’évolution de la législation sur les campagnes électorales. Trop souvent, nous regrettons de légiférer de manière hâtive : je tiens à souligner ici la qualité du travail mené en amont. Ainsi, le groupe de l’Union centriste se félicite que les textes proposés permettent de renforcer le rôle de la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Cette commission, créée en 1988, ne dispose pas aujourd’hui des moyens de réagir face à des déclarations de patrimoine manifestement erronées ou fantaisistes, puisqu’elle ne peut agir qu’en cas d’absence de déclaration. La proposition de loi crée donc une incrimination spécifique, lorsque la déclaration est volontairement et significativement mensongère. Cette incrimination, voulue par la commission des lois de l’Assemblée nationale, a été remise en question lors des débats en séance par un amendement du président du groupe UMP, qui souhaitait la supprimer purement et simplement. Face au tollé soulevé par cette initiative au sein même de la majorité, cette incrimination a survécu, mais, au terme de débats houleux, la peine d’emprisonnement de deux ans initialement prévue a disparu, malgré le vote contraire des députés du Nouveau Centre et de l’opposition. Sur ma proposition et celle d’Yves Détraigne, le groupe de l’Union centriste a déposé un amendement tendant à rétablir cette peine d’emprisonnement. Nous ne croyons pas que les parlementaires puissent être dispensés d’une telle sanction quand elle justifiée. Si nous n’agissions pas en ce sens, nous donnerions le sentiment que les parlementaires veulent bénéficier de privilèges, ce qui ne serait ni acceptable ni accepté. De même, nous souhaitons que la Commission pour la transparence financière de la vie politique puisse obtenir la communication d’informations relatives au patrimoine des proches de l’assujetti. Cette demande émane de la commission elle-même, soucieuse d’exercer un contrôle plus efficace ; une telle mesure nous semble justifiée, car elle devrait permettre à la commission de s’assurer de la réalité de la probité de l’assujetti. Dans le même souci de justice et de transparence, nous sommes favorables au fait que les sénateurs aient, à l’avenir, à souscrire un compte de campagne. Je sais qu’un certain nombre d’entre nous, sur l’ensemble de ces travées, ne le souhaitent pas. Je comprends que l’on préfère être dispensé d’une contrainte, quelle qu’elle soit, mais je ne vois vraiment pas au nom de quoi les sénateurs seraient les seuls élus à ne pas supporter cette obligation qui, je le rappelle, s’impose aux députés, aux conseillers régionaux, aux conseillers généraux et aux maires des communes de plus de 9 000 habitants. Là encore, nous risquerions de renforcer un insupportable sentiment de privilège injustifié. Si les sanctions sont nécessaires, elles doivent cependant être justes et proportionnées. Je voudrais à cet égard saluer tout particulièrement le travail de notre commission des lois qui a supprimé l’inéligibilité automatique, dès lors qu’un candidat a commis une infraction mineure ou non intentionnelle dans l’établissement de ses comptes de campagne. Nous savons tous que des élus ont été injustement déclarés inéligibles ; ces précédents avaient d’ailleurs motivé la création du groupe de travail de l’Assemblée nationale. La proposition de loi réserve donc cette lourde sanction aux cas où la mauvaise foi, c’est-à-dire l’intention frauduleuse, est établie. En contrepartie, la durée de l’inéligibilité, initialement d’un an, est portée à trois ans : cette disposition sage, juste et équilibrée renforce la liberté d’appréciation – et donc le rôle – du Conseil constitutionnel. Mes chers collègues, ne nous y trompons pas : pour positifs que soient ces textes, ils ne suffiront pas à répondre aux attentes de nos concitoyens. Je vous rappelle qu’une quinzaine de textes relatifs à la transparence financière de la vie politique ont déjà été adoptés au cours des vingt dernières années. Je suis convaincu que nous devons aller plus loin et qu’il faut le faire rapidement, car notre pays traverse aujourd’hui une véritable crise de confiance, caractérisée par une fracture entre les élus et les citoyens qui met gravement en péril notre démocratie. Nous attendons donc du Gouvernement qu’il donne rapidement suite aux propositions remises le 26 janvier 2011 au Président de la République par la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, présidée par Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État. Monsieur le ministre, vous avez brièvement évoqué ce rapport, j’espère que vous pourrez nous donner davantage de précisions, notamment sur le calendrier que le Gouvernement entend adopter pour engager cette réforme d’une extrême importance. Pour ma part, je pense qu’il faudra adopter rapidement des règles de déontologie strictes, applicables à tous les élus. Nous souscrivons pleinement aux propos du Président de la République : « Il ne suffit pas que la République soit irréprochable. Il faut encore qu’elle ne puisse même être suspectée de ne pas l’être ». Nous sommes convaincus cependant que les déclarations, les rapports et même les remaniements ministériels ne suffiront pas à rétablir la confiance des Français dans leur classe politique. La « République irréprochable » promise en 2007 est attendue depuis trop longtemps. Nous devons la mettre en place très rapidement. Il ne nous reste que quelques mois pour agir, si nous ne voulons pas que les partis démocratiques, dans leur ensemble, soient sévèrement sanctionnés dans un peu plus d’un an. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)