Les débats

Jean-François Longeot, Michèle Vullien, Nadia Sollogoub 31/01/2018

«DÉBAT : VÉHICULES AUTONOMES : ENJEUX ÉCONOMIQUES ET CADRES LÉGAUX»

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Mme Michèle Vullien . - Vous connaissez mon attachement aux transports publics et à l'intermodalité. Le véhicule autonome améliorera la desserte en ville et à la campagne, il n'en faudra pas moins lutter contre l'autosolisme en ville car il reste une voiture. La montée en puissance du véhicule autonome, qui sera nécessairement électrique, n'est-elle pas antinomique avec l'objectif de réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. - L'optique est d'offrir de nouveaux services de mobilité à tous les territoires en privilégiant navettes et autopartage à partir d'un scénario reposant sur la neutralité carbone d'ici 2050. Verdissement de la flotte, véhicules peu émetteurs, développement de l'écoconduite... La réduction de la consommation d'électricité dans les autres secteurs devrait compenser les nouveaux besoins pour le véhicule autonome. La part du nucléaire a vocation à diminuer, il s'agit de ne plus mobiliser des énergies carbonées.

Mme Michèle Vullien. - Je n'imaginais pas un instant un retour au charbon... 


Mme Nadia Sollogoub . - Le développement du véhicule autonome pose la question du devenir du permis de conduire. Il existe cinq niveaux d'automatisation des véhicules. Le permis est un sésame incontournable, or nombre de demandeurs d'emplois en sont privés, faute de financement ou de date d'examen. Selon l'UFC-Que choisir, le prix moyen était de 1 800 euros et les délais d'attente de plusieurs semaines. Les jeunes et les salariés en insertion sont particulièrement concernés. Dans les métropoles, les transports urbains sont une solution mais comment faire pour vivre et travailler à la campagne sans permis de conduire ? Paradoxalement, le véhicule autonome pourrait représenter une solution d'accès à l'emploi, à condition que des permis spécifiques et allégés soient prévus pour les véhicules autonomes intermédiaires. Peut-on également envisager des véhicules totalement autonomes accessibles à tous ? 

Mme Élisabeth Borne, ministre. - L'humain qui conduit doit avoir reçu une formation validée par un examen et être apte à conduire physiquement et mentalement. Ces conditions restent d'actualité avec les fonctions d'assistance, car le conducteur doit pouvoir reprendre la main en cas de problème. La réflexion est menée au niveau européen, car il s'agit d'une compétence de l'Union. Au niveau national, le plan d'action stratégique y consacre un volet et le ministre de l'intérieur met en place un groupe de travail pour repenser le cadre du permis de conduire. Je partage votre ambition de faire du véhicule autonome une réponse pour les trop nombreuses personnes privées de solution de mobilité.


M. Jean-François Longeot . - Le véhicule autonome est très attendu, notamment pour réduire l'accidentalité, sachant que 90 % des accidents mortels sont imputables à l'erreur humaine. Mais il génère aussi un nouveau type d'accident, comme en juillet dernier où un véhicule Tesla en pilotage automatique, ébloui par une forte luminosité, a percuté la remorque d'un camion, tuant le conducteur... Cela suppose de faire évoluer les équipements routiers, avec de nouveaux marquages au sol ou des signaux radio via les panneaux de signalisation. L'État envisage de financer le changement des panneaux de signalisation à la suite du passage à 80 kilomètres/heure. Va-t-on devoir adapter les équipements routiers ? Comment ne pas trop peser sur les finances locales ? 

Mme Élisabeth Borne, ministre. - Un arbitrage sera à rendre entre l'équipement lourd de certaines infrastructures pour accélérer le développement du véhicule autonome et élargir les cas d'usage, et un équipement léger qui suppose une plus forte autonomie des véhicules. Les expérimentations en cours permettront de cerner les cas où le véhicule devra se débrouiller seul. Feux rouges communicants, alertes de la chaussée font partie des équipements d'infrastructure envisagés, pour une route intelligente. Les enjeux, qui concernent tous les véhicules connectés, ont été clairement identifiés. Le Conseil d'orientation des infrastructures rendra demain un rapport sur le sujet, qui sera traduit dans la loi de programmation des infrastructures.