Les questions

Environnement et développement durable
Hervé Maurey 17/12/2013

«Les contraintes qui pèsent sur les zones de captage d՚eau»

M. Hervé Maurey

Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les contraintes pesant sur les zones de captage d’eau et les difficultés qui en résultent pour les communes concernées. L’alimentation de nos concitoyens en eau potable est assurée par plus de 30 000 points de captage d’eau. Depuis la loi sur l’eau de 1992, ces points de captage d’eau potable doivent faire l’objet de plusieurs périmètres de protection – immédiate, rapprochée et éloignée – assortis de restrictions importantes, afin d’éviter les pollutions. Si la loi garantit l’indemnisation des propriétaires de terrains privés en cas d’expropriation pour cause d’utilité publique, ou de l’exploitant des terrains, elle n’assure pas, en revanche, de compensation pour les communes affectées par l’existence des périmètres de protection. Pourtant, la délimitation de périmètres de captage engendre des contraintes importantes, notamment en matière d’urbanisme. Cette absence de contrepartie est souvent jugée inéquitable par les communes qui subissent ces contraintes, quand les collectivités voisines bénéficient de ces captages sans aucune contrainte. Conscient des difficultés, au mois de janvier 2011, le Sénat a consacré un débat à la question de l’indemnisation des communes au titre du périmètre de protection de l’eau. Au cours de ces discussions, le gouvernement de l’époque s’était engagé, par la voix de son ministre chargé de l’écologie, à réfléchir aux conditions de mise en œuvre d’une solidarité financière en concertation avec les différents ministères concernés. Depuis, le Conseil général de l’environnement et du développement durable, ou CGEDD, a rendu public, au mois d’août 2012, un rapport qui conclut à l’urgence de ne rien faire ! Rappelant la règle de non-indemnisation des servitudes d’urbanisme et environnementales, il a jugé « superfétatoire de prévoir une quelconque réglementation nouvelle » en la matière. Face à cette situation, des parlementaires ont pris des initiatives. Je songe, notamment, à la proposition de loi du mois de juillet dernier visant à permettre aux communes d’obtenir une compensation financière en contrepartie des servitudes créées par l’instauration de périmètres de protection de la ressource en eau. Ce texte permet aux communes affectées par les périmètres de protection de bénéficier de la surtaxe perçue dans les communes sur le territoire desquelles sont situées des sources d’eau minérale. Madame la ministre, quel est l’avis du Gouvernement sur cette proposition de loi ? Par ailleurs, ces périmètres et les servitudes qu’ils suscitent sont des sources perpétuelles de tracasseries pour les collectivités concernées et leurs habitants, principalement en matière d’autorisation d’urbanisme. Ainsi, plusieurs communes de mon département sont empêchées de mener leurs projets de construction, ou abritent des entreprises qui pourraient être contraintes de fermer. Par conséquent, au-delà de la question de l’indemnisation, comment les services déconcentrés de l’État pourront accompagner de manière particulière les communes qui doivent faire face à la très grande complexité des normes liées à ces périmètres ?
 

Réponse de Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Monsieur le sénateur, permettez-moi d’excuser le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Retenu ce matin à la présidence de la République par une réunion consacrée à la conférence Climat 2015, il m’a priée de vous adresser la réponse suivante. La qualité de l’eau est un bien commun de la nation, et la protection des sources d’eau potable est par conséquent un enjeu majeur pour le Gouvernement. Vous l’avez rappelé avec raison, le Conseil général de l’environnement et du développement durable a été saisi du sujet de l’indemnisation des communes au titre des périmètres de protection de captages d’eau. Il a remis ses conclusions au mois d’août 2012. Le CGEDD a rappelé les grands principes s’opposant à une indemnisation spécifique des communes lieux de prélèvement, au-delà des préjudices matériels, directs ou parfois subis. L’eau est un bien commun et n’appartient pas à une quelconque collectivité. Ainsi, le principe qui s’applique est la non-indemnisation des servitudes d’urbanisme. Selon ce rapport, la réglementation en vigueur, la jurisprudence et le pragmatisme des acteurs de terrain permettent de résoudre de manière apparemment satisfaisante la plupart des problèmes constatés concrètement. Par ailleurs, le CGEDD a relevé que les difficultés demeurant sont essentiellement dues à des problèmes relationnels entre les grandes agglomérations et certaines communes rurales périurbaines. Ces obstacles sont en grande partie liés au morcellement communal propre à la France. En conclusion, le CGEDD suggère d’explorer en priorité la voie de l’amélioration de la collaboration et de la compréhension mutuelle entre les communes où ont lieu les prélèvements d’eau et celles qui en bénéficient. De telles solidarités existent d’ailleurs déjà, notamment dans le cadre des syndicats de l’eau. Dans de nombreuses agglomérations, le syndicat d’alimentation en eau voire la société responsable des transferts d’eau ont d’ores et déjà mis en œuvre des compensations sous des formes variées. Je citerai, à titre d’exemple, les accords conclus entre plusieurs collectivités se traduisant par un prix de l’eau plus avantageux pour la commune du lieu de prélèvement. Globalement, le Gouvernement a bien pris conscience des difficultés de mise en œuvre des périmètres de protection – immédiate, rapprochée et éloignée – des captages d’eau potable. Ce sujet a du reste été évoqué à la table ronde sur l’eau organisée lors de la conférence environnementale de cette année. Dans le cadre de la feuille de route issue de ces discussions, une mission a précisément été confiée au CGEDD, afin d’étudier les pistes de rapprochement et d’harmonisation de ces différents types de périmètres.

Réponse de M. Hervé Maurey

Madame la ministre, vous nous avez rappelé que l’eau était un bien commun, ce que je ne remets nullement en cause. Par ailleurs, vous avez souligné que cette ressource ne peut appartenir à une commune, quelle qu’elle soit. Sur ce point également, je suis bien sûr tout à fait d’accord avec vous !
Toutefois, si l’eau n’appartient pas à une commune en particulier, pourquoi les contraintes inhérentes à son captage reviendraient à cette dernière et à elle seule ? Sur ce point, je prends quelques distances avec vos propos et avec le rapport remis par le CGEDD, auquel vous vous référez. En particulier, il ne me semble pas que le problème se cantonne dans les relations entre les grandes agglomérations et les communes rurales. Je le répète, je regrette la tonalité de ce rapport. Or vous en reprenez les conclusions pour dire, finalement : « Tout va très bien, madame la marquise, circulez, il n’y a rien à voir ! » Vous l’avez indiqué vous-même, certains accords contractuels ont été conclus entre communes. À mon sens, ces pistes sont extrêmement intéressantes. Il faut se fonder sur de telles démarches, les étendre, voire les généraliser ! Alors que l’on parle beaucoup de solidarité et de péréquation entre les communes et entre les territoires, il est urgent d’intervenir : certaines communes subissent des contraintes colossales, notamment en matière d’urbanisme, parce qu’elles abritent un point de captage d’eau, sans bénéficier, pour l’heure, de la moindre compensation.