Les débats

Affaires étrangères et coopération
12/03/2013

«Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 14 et 15 mars 2013-Débat interactif et spontanné»

M. Aymeri de Montesquiou

Monsieur le ministre, le coût de la transition énergétique de l’Allemagne vers le non-nucléaire est évalué à près de 1 000 milliards d’euros. Avons-nous les moyens financiers de faire passer la part du nucléaire dans la production française d’électricité de 78 % à 50 %, comme s’y est engagé le Président de la République ? Un calendrier fixe et ferme sur le long terme a-t-il été établi ou s’agit-il d’une simple promesse électorale, sachant que le coût d’une telle transition s’élèverait pour la France à 650 ou à 700 milliards d’euros et que l’énergie actuellement produite dans notre pays est meilleur marché que celle de nos principaux concurrents, ce qui constitue l’un des rares avantages-coûts dont nous disposions ? Je vous poserai une autre question, monsieur le ministre. Les Américains impriment de nombreux dollars pour relancer leur économie intérieure et le yuan est une monnaie sans doute légèrement sous-évaluée. Cette situation conduit à un renchérissement de l’euro, ce qui a des conséquences très négatives sur notre commerce extérieur. Ne pourrions-nous convaincre Mme Merkel que des investissements structurels, contrairement à ce qu’elle pense, seraient profitables à l’ensemble des économies de l’Union européenne, y compris à celle de l’Allemagne ? Ne serait-il pas temps de dépasser le blocage quasi religieux qui commande que l’euro soit une monnaie ferme, dans la continuité du deutsche mark ?  

Réponse du ministre M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Monsieur le sénateur, votre question aborde de nombreux sujets : la pertinence du scénario de transition énergétique dans lequel la France est engagée, la stabilité de la monnaie unique, le financement des infrastructures de connexion énergétique au sein de l’Union européenne, le tout dans la perspective d’une relation franco-allemande s’intéressant également aux questions de politique énergétique. Malgré une telle diversité, je tenterai de vous apporter une réponse susceptible de vous satisfaire. Vous m’avez interrogé sur la transition énergétique dans laquelle la France et l’Allemagne se sont engagées. Si nous voulons restaurer durablement notre compétitivité sur le plan mondial, il est nécessaire que l’Union européenne produise une énergie à un coût compatible avec la concurrence internationale. Par conséquent, la question du coût de l’énergie pour l’industrie européenne et pour le développement de l’Europe est centrale, ce qui soulève plusieurs interrogations. Tout d’abord, pouvons-nous mettre en place une politique énergétique commune au sein de l’Union européenne, malgré des scénarios de transition énergétique parfois divergents ? Dans l’affirmative, pouvons-nous plus particulièrement œuvrer avec l’Allemagne ? Enfin, quels fonds européens pouvons-nous mobiliser pour accompagner cette transition énergétique ? En répondant à ces trois questions, j’espère pouvoir répondre en partie à vos interrogations, monsieur le sénateur. Pouvons-nous mettre en place une politique énergétique européenne ? C’est un souhait du Président de la République, qui a évoqué cette nécessité à l’occasion de la tenue, il y a quelques mois à Paris, de la Conférence nationale sur l’environnement. Le ministre des affaires étrangères a souhaité que nous puissions, en liaison avec nos partenaires européens, définir certaines orientations. Nous avons commencé à le faire avec l’Allemagne. Parmi les soixante-dix propositions qui ont été arrêtées à l’occasion du cinquantième anniversaire du traité de l’Élysée, une concerne la transition énergétique. Il a été décidé de travailler sur trois sujets : l’amélioration du bilan thermique des bâtiments publics, ce qui sera fortement générateur de croissance et ira dans le sens du plan climat ; le développement commun des énergies renouvelables ; le financement conjoint des interconnexions. En ce qui concerne le développement conjoint des énergies renouvelables, nous n’avons pas tardé à donner une transcription concrète à cette ambition, puisque, le 7 février dernier, les ministres Delphine Batho et Peter Altmaier ont annoncé la création de l’office franco-allemand des énergies renouvelables. En ce qui concerne le financement des interconnexions, le programme Connecting Europe Facility passera de 8 milliards d’euros à 20 milliards d’euros dans le budget de l’Union européenne, ce qui permettra d’affecter une part significative de ce programme au développement des infrastructures de connexions énergétiques ; cela répond, je pense, à votre préoccupation. C’est dans cet esprit que nous essayons de cheminer vers les objectifs qui sous-tendent vos questions.