Les débats

Collectivités territoriales
Jean-Marie Vanlerenberghe 11/06/2014

« Débat sur les agences régionales de santé»

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens d’emblée à féliciter nos collègues Jacky Le Menn et Alain Milon pour la qualité de leur travail. Ce rapport est excellent. Il propose un premier bilan d’étape de ce qui est, il faut bien le reconnaître, l’une des principales réformes intervenues dans le domaine de la santé au cours des dernières années. En effet, nul n’en disconviendra dans cet hémicycle, la création des ARS par la loi HPST a constitué une avancée majeure. Cette avancée était attendue ; notre groupe politique la réclamait de longue date. La création des ARS s’inscrit dans le processus de régionalisation de la gouvernance du système de santé engagé en 1970 par la création de la carte sanitaire. Le cloisonnement et l’éparpillement des compétences et des structures, l’insuffisante articulation entre le niveau national et le niveau territorial, la mauvaise maîtrise des politiques de santé et de soins et de leurs dépenses appelaient cette réforme. Il fallait décloisonner, coordonner, rationaliser, tout en proposant une offre de soins territorialement pertinente. Telle est schématiquement la mission des ARS. Institutions nécessaires, les ARS n’en demeurent pas moins des institutions jeunes. Là réside toute la difficulté de faire le présent bilan d’étape. Bien que les pratiques aient été très variables, certains constats généraux se dégagent nettement du rapport ; ils viennent d’être énoncés par Jacky Le Menn et Alain Milon. Un premier constat, positif, est que les ARS ont été installées rapidement, ce qui n’était pas évident compte tenu de la complexité et de la multiplicité des structures qu’elles rassemblent. En revanche, ce qui est moins positif, c’est que la précipitation de l’installation des ARS les a condamnées à souffrir de divers maux, notamment en matière de ressources humaines ; ces maux sont eux aussi parfaitement identifiés par le rapport. Pour ma part, j’insisterai sur trois d’entre eux. Premièrement, parce qu’elles sont jeunes, les ARS sont aujourd’hui extrêmement personnalisées par leur directeur général. C’est toute la question de l’importance du management. La qualité des hommes a en effet été primordiale durant la phase d’installation des ARS. Certaines personnes venaient de l’administration, d’autres du secteur médicosocial, d’autres encore de l’assurance maladie ou du secteur privé. Dans ma région, le Nord-Pas-de-Calais, le directeur général de l’ARS est dorénavant un médecin, dont l’approche me semble excellente. La qualité du directeur général influe beaucoup sur les relations avec le personnel – cela a été souligné –, sur l’organisation et sur l’application du principe de subsidiarité. Elle engendre la nécessaire confiance ; on n’insistera jamais assez sur ce point. Cependant, cette extrême personnalisation des ARS pose la question de la démocratie sanitaire : c’est le deuxième point sur lequel je souhaite insister. Dès le départ, nous avons eu le sentiment que la démocratie sanitaire était le parent pauvre de la réforme. Cela se confirme aujourd’hui. Notre collègue Gérard Roche soulignait ainsi, lors de son audition par Jacky Le Menn et Alain Milon en tant que représentant de l’Assemblée des départements de France, que, au sein des organes de démocratie sanitaire, les disparités de représentation entre les différents acteurs étaient patentes. Gérard Roche pensait à la représentation des départements, mais ce sont les collectivités territoriales dans leur ensemble qui sont insuffisamment représentées. Lors de l’examen du projet de loi HPST, nous étions déjà largement intervenus pour défendre un certain nombre d’amendements visant à démocratiser le système de deux manières. D’une part, nous souhaitions tempérer les pouvoirs du directeur général au sein même de l’ARS. Pour cela, nous proposions, comme le fait le rapport, de réformer le conseil de surveillance, en prévoyant d’abord que son président ne soit plus le préfet de région, mais soit élu en son sein. Dès lors, nous ne pouvons que soutenir la proposition du rapport de créer quatre collèges du conseil de surveillance et surtout d’élire le président de celui-ci au sein du collège des collectivités territoriales. Nous soutenons également la proposition de rendre plus collégiale la prise de décision au sein des ARS, en définissant explicitement les missions des comités exécutifs et des comités de direction ; Alain Milon a insisté sur ce point. D’autre part, nous proposions de mettre en œuvre une véritable démocratie sanitaire, en faisant de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie, qui est l’instance de cette démocratie, un véritable organe de codécision en partenariat avec l’ARS. Pour nous, les CRSA ne doivent pas être exclusivement consultatives : elles doivent pouvoir voter le projet régional de santé. Enfin, le troisième et dernier point sur lequel je souhaite insister concerne l’environnement institutionnel des ARS. La question peut être décomposée selon trois relations distinctes : la relation entre l’ARS et les collectivités, la relation entre l’ARS et l’État, la relation entre l’assurance maladie et l’État. Primo, j’ai déjà évoqué la question de la relation entre l’ARS et les collectivités sous l’angle de la démocratie sanitaire, mais elle mérite de l’être également sous celui de la distribution technique des missions, dans la mesure où la réforme territoriale va bouleverser le système. Dans quel sens ? Pour l’instant, mystère ! Secundo, concernant la relation entre les ARS et l’État, le rapport montre très bien que l’administration centrale n’a pas été réformée parallèlement à la mise en place des ARS. Il est proposé de nommer un secrétaire général à la santé et à l’autonomie, qui reprendrait les compétences actuelles du secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales en ce qui concerne le pilotage des ARS. C’est une piste, mais je crois que le problème est beaucoup plus culturel qu’institutionnel. Comme ce fut le cas avec la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, en matière budgétaire, nous devons passer d’une logique de prescriptions à la fixation d’orientations stratégiques. Gérard Roche le faisait remarquer : en l’absence d’une telle révolution copernicienne, il n’y a rien d’étonnant à ce que la création des ARS ait eu un effet ambivalent, en particulier dans le domaine médicosocial, dans la mesure où les directeurs généraux des ARS ont avant tout été perçus comme des « commissaires du Gouvernement » chargés de répartir des enveloppes financières contraintes sans avoir à rechercher nécessairement la concertation. C’est cela qui doit évoluer. Tertio, le rapport ouvre un vaste champ de réflexion sur la dichotomie entre assurance maladie et État. Comme Alain Milon vient d’ailleurs de le rappeler, lors de la discussion de la loi HPST, nous avions déposé un amendement, qui n’a malheureusement pas été adopté, visant à placer sous l’autorité de l’ARS les services informatiques des organismes d’assurance maladie de son ressort, afin qu’elle puisse disposer de toutes les informations utiles à l’accomplissement de ses missions, notamment pour agir en temps réel sur les parcours de santé. Cet aspect des choses sera-t-il, madame la ministre, véritablement traité dans la future loi sur la stratégie de santé ? On peut le souhaiter ; dans le cas contraire, voilà un bon sujet de travail pour la MECSS pour les mois à venir ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, de l’UMP et du RDSE.)