Les débats

Collectivités territoriales
Hervé Maurey 08/01/2014

« Débat sur la politique du Gouvernement en matière d’égalité du territoire»

M. Hervé Maurey

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a un peu moins de deux mois – c’était, certes, l’année dernière, mais cela ne fait pas si longtemps – le groupe UDI-UC organisait un débat sur le même thème, celui de « l’aménagement du territoire » ou de « l’égalité des territoires », selon la terminologie préférée par les uns ou les autres. J’y vois la preuve que ce sujet préoccupe fortement les membres de la Haute Assemblée. Cela me semble normal. En effet, comme j’avais eu l’occasion de le dire à l’époque, force est de constater que l’égalité des territoires promise par le Gouvernement, loin de progresser, a plutôt régressé au cours des derniers mois. À cela s’ajoute le fait que le Gouvernement ne cesse, depuis des mois, de porter de mauvais coups à la ruralité. Je ne vais pas reprendre tout ce que j’ai dit voilà deux mois et qui reste, hélas, toujours valable. Ce que je voudrais, madame la ministre, c’est revenir sur certains de vos propos en réponse aux nôtres, puisque la procédure ne permet malheureusement pas aux parlementaires de répondre à la réponse du ministre. Je profite du fait que deux débats similaires ont été organisés en deux mois sur ce sujet pour revenir sur un certain nombre de points que vous avez évoqués dans votre réponse à nos interventions diverses et variées. Vous m’avez fait remarquer que, contrairement à ce que je disais, vous répondiez à mes demandes puisque vous répondiez à mes courriers et à mes questions écrites. Avouez que c’est un peu formel ! Certes, vous répondez aux courriers. Je salue d’ailleurs cette preuve de politesse, que n’apportent pas tous vos collègues, je tiens à le souligner publiquement ! (Sourires.) Certes, vous répondez aux questions écrites, respectant ainsi une obligation de notre règlement. Toutefois, vous le savez aussi bien que moi, répondre à un courrier ou à une question écrite n’apporte pas forcément de réponse sur le fond. Sur le fond, ce que je vous avais dit et que je vous répète, hélas, aujourd’hui, c’est que, sur un certain nombre de sujets, il n’y a pas de réponse, en ce sens qu’il n’y a pas de solution. Ainsi, sur la question de la téléphonie mobile, votre cabinet m’a proposé – je m’en réjouis – une réunion sur un sujet bien spécifique, celui de la téléphonie mobile dans la vallée de la Lévrière. Sur le sujet de la téléphonie mobile, je ne citerai pas, par manque de temps, l’intégralité de la liste que j’ai sous les yeux. Celle-ci énumère les dizaines de communes de mon département non couvertes par la téléphonie mobile et auxquelles on ne propose rien, absolument rien ! On leur dit de patienter et d’attendre l’arrivée de la 4G. Or, j’ai entendu, pas plus tard qu’hier, au cours d’une cérémonie des vœux, l’un des maires de mon département soupirer : « Si seulement je pouvais avoir la "1G", je serais déjà bien content ! » (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.) Mes chers collègues, je transmettrai vos applaudissements au maire dont il s’agit, car ce sont ses propos et non les miens que vous saluez. En effet, il est tout à fait indécent et insupportable d’annoncer l’arrivée de débits formidables en matière de téléphonie mobile à des personnes qui vivent dans des zones dépourvues de toute couverture ! Sur le haut débit, c’est la même chose. Je n’y reviendrai pas. Il en va de même pour l’accès aux soins et à la démographie médicale. Je devrai tout à l’heure quitter l’hémicycle avant d’avoir entendu la réponse de Mme la ministre à ma réponse à sa réponse. En effet, je dois me rendre dans la communauté de communes de Verneuil. Cette dernière s’est engagée, elle a investi des centaines de milliers d’euros dans une maison médicale qui est absolument parfaite. Il n’y manque qu’une chose : c’est un médecin !
Cela montre bien qu’il ne suffit pas de faire des maisons médicales pour faire venir les médecins. À ce sujet, que propose le Gouvernement ? Eh bien, mes chers collègues, rien, rien du tout ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Cela vous dérange, chers collègues de la majorité ? Je le comprends, mais c’est, hélas, la triste réalité !
Je vous proposerai très bientôt une proposition de loi sur ce sujet, que vous ne manquerez certainement pas de cosigner.
Face à cette situation, que fait le Gouvernement ? Comme d’habitude – c’est l’une de ses caractéristiques –, il se délivre des satisfecit !
L’autosatisfaction et l’autocongratulation sont des traits communs de tous les ministres de ce gouvernement. Madame la ministre, vous nous avez annoncé que « l’année 2013 aura néanmoins été une année charnière, car bien des projets ont été mis en place ». Mais lesquels, grands dieux ?
Le seul élément concret que vous avez évoqué, c’est l’extension du dispositif des maisons de services publics, dont le nombre sera multiplié par trois d’ici à 2017. Or, d’ici là, il peut se passer bien des choses, d’autant que je vous rappelle que ce dispositif a été mis en place par le précédent gouvernement, par notre collègue Michel Mercier, et qu’il nécessite, par ailleurs, que les communes apportent leur financement.
Vous avez également évoqué le Commissariat général à l’égalité des territoires. Je le répète, ce serait bien trop simple s’il suffisait de transformer la DATAR en une telle instance pour changer la donne. Ce n’est malheureusement pas le cas ! En réalité, comme l’a dit notre collègue Jacques Mézard, la RGPP a simplement changé de nom. On parle maintenant de « modernisation de l’action publique », mais cela produit les mêmes effets. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Madame Didier, vous m’aviez reproché, lors du précédent débat, de n’avoir rien dit sur les opérateurs du temps de l’ancien gouvernement. C’est faux ! Vous savez très bien que j’avais également signalé à l’ancien gouvernement qu’il n’était pas normal que les opérateurs se déploient où ils veulent et quand ils veulent.
À l’époque, mes collègues socialistes allaient dans le même sens que moi ; aujourd’hui, ils trouvent que c’est très bien, alors même qu’il n’y a eu aucun changement.
Madame la ministre, votre seule annonce, qui portait sur la remise en cause des pôles d’excellence rurale, n’a fait que créer une inquiétude supplémentaire pour nombre d’élus et d’habitants des territoires ruraux. En effet, depuis un certain nombre de mois, vous avez multiplié les déclarations tendant à prouver que vous n’êtes pas favorable à ces pôles, sans clarifier pour autant votre position, d’ailleurs. En ce moment, mes collègues et moi sommes très présents sur le terrain, puisque nous participons à de nombreuses cérémonies des vœux. Outre les sujets que j’ai déjà évoqués, sachez qu’on nous parle beaucoup de la réforme des rythmes scolaires. Vous m’aviez dit que mes affirmations à ce sujet étaient « quelque peu caricaturales ». Toutefois, madame la ministre, c’est plutôt votre gouvernement qui l’est, dans la mise en œuvre de cette réforme ! C’est la réalité, et ce n’est pas en essayant de m’attendrir de manière tout à fait déloyale par un doux regard que vous me ferez changer d’avis ! (Rires sur les travées de l’UMP.) Le Gouvernement fait preuve d’un jacobinisme caricatural dans la mise en œuvre de sa réforme des rythmes scolaires : il décide de tout, et tant pis si les communes n’ont pas les moyens de financer la réforme ou si elles ne disposent pas des locaux et du personnel nécessaires. Je peux vous l’assurer – aucun élu de bonne foi ici ne dira le contraire ! –, la réforme des rythmes scolaires est aujourd’hui la priorité numéro un des élus sur le terrain.
La mise en place du plan local d’urbanisme intercommunal est une autre source d’inquiétude sur laquelle vous devrez de nouveau vous pencher. Nous avions obtenu ici un accord qui était un moindre mal : il prévoyait la possibilité de réunir une minorité de blocage lorsqu’un certain nombre de communes s’opposent au transfert du PLU à l’intercommunalité. Vous vous étiez engagée, madame la ministre, à ce que cet accord soit respecté à l’Assemblée nationale. Pour l’instant, ce n’est pas le cas ! Je le dis à ceux de mes collègues qui n’y auraient pas prêté attention pendant la période des fêtes, la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale est revenue sur ce dispositif, en faisant passer la minorité de blocage d’un quart des communes représentant 10 % de la population à la majorité qualifiée, c’est-à-dire à la moitié des communes représentant les deux tiers de la population ou l’inverse, ce qui n’est plus du tout la même chose ! Je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous indiquiez très clairement aujourd’hui si, conformément à l’engagement que vous aviez pris, le Gouvernement déposera un amendement à l’Assemblée nationale pour revenir à la version qui avait obtenu votre accord ici même au Sénat. (Mme la ministre acquiesce.) Pour le reste, j’aimerais bien, comme Jacques Mézard, connaître la feuille de route du Gouvernement.
Lors du débat précédent, vous n’aviez pas répondu à un certain nombre de mes propositions. J’avais souligné qu’il fallait, mais cette question ne relève pas de votre responsabilité, avoir un véritable ministère de l’aménagement du territoire, avec pour seule mission de faire prévaloir cette exigence d’aménagement, aujourd’hui systématiquement reléguée derrière d’autres nécessités.
J’avais également souhaité que l’État se recentre sur ses missions, qu’il soit garant des infrastructures – alors que le Gouvernement n’a fait que renoncer à un certain nombre d’infrastructures prévues –, que la priorité soit donnée à la création d’emplois dans les zones fragiles, que les crédits soient optimisés – on continue, me semble-t-il, de les dilapider, alors qu’ils sont aujourd’hui extrêmement rares –, et que l’État travaille en étroite collaboration avec les élus et non, comme c’est parfois le cas, contre eux. Je le rappelle, ce dernier point était l’un des engagements de François Hollande pendant sa campagne présidentielle. Lors du précédent débat, un certain nombre de mes collègues avaient souhaité qu’une loi-cadre soit adoptée, comme l’appelait également de ses vœux le Conseil économique, social et environnemental. Sur ce point non plus, nous n’avons pas eu de réponse. Madame la ministre, je voudrais tout de même attirer votre attention sur le fait que votre gouvernement n’a réuni aucun comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire depuis son arrivée au pouvoir, ce qui est sans précédent. Je ne suis certes pas favorable à la réunion systématique des comités, mais qu’il n’y ait eu aucun CIADT en deux ans montre bien, madame la ministre, que l’aménagement du territoire et l’égalité des territoires ne sont pas vos priorités. Pour terminer, puisque je vois que le temps qui m’est imparti est écoulé, je tiens simplement à dire que nous aimerions débattre moins souvent et avoir enfin des actes !
Près de deux ans après avoir pris vos fonctions, vous ne pouvez pas continuer simplement à critiquer ce qui a été fait et à pratiquer la méthode Coué, en disant que tout va beaucoup mieux. Il est temps d’agir et même de réagir !
Les votes extrêmes qui se sont exprimés en 2012 dans les territoires ruraux ont un sens ; il y en aura d’autres, qui seront bien pires, en 2014. Une fois encore, je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir – enfin ! – agir. Il y va de l’avenir de nos territoires, de l’égalité non seulement de nos territoires, mais également des citoyens, et de la cohésion sociale de notre pays ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)