Les questions

Catherine Morin-Desailly, Olivier Cigolotti 02/10/2019

«QUESTIONS D'ACTUALITÉ AU GOUVERNEMENT, 02/10/2019»

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Incendie à Rouen
  • Catherine Morin-Desailly . -  Jeudi dernier, un terrible incendie qui, heureusement, n'a fait aucune victime, a ravagé l'usine Lubrizol de Rouen. Merci aux forces de l'ordre, aux salariés de l'usine et à nos pompiers, car le pire a été évité. Chez les habitants, une colère légitime demeure. Les enquêtes doivent déterminer les responsabilités. Des réponses précises et des explications claires sont attendues. Lors de votre venue, monsieur le Premier ministre, vous vous êtes engagé à la transparence, qu'impose l'article 7 de la Charte de l'environnement. Les prochaines analyses doivent nous informer sur les molécules dégagées. Un suivi médical strict doit être mis en place. Si l'état de catastrophe technologique n'est pas déclaré, que ferez-vous pour indemniser les victimes ? Je remercie Didier Guillaume qui a reconnu la gravité de la situation et promis des aides à nos agriculteurs, éleveurs et maraîchers des 206 communes de Normandie et des Hauts-de-France impactées. L'ensemble des maires doivent être informés pour jouer leur rôle auprès de la population. Certains regrettent de n'avoir pu le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Michel Savin applaudit également.)
  • Édouard Philippe, Premier ministre . - Lundi soir, nous étions sur le site avec d'autres parlementaires. Cet incendie spectaculaire et grave a été maîtrisé en douze heures sans victimes grâce à l'exceptionnelle qualité de l'intervention des pompiers. Ils ont su éviter l'effet domino et l'expansion du feu vers une zone de production. Une remarquable collaboration entre les salariés, les forces de l'ordre et de secours l'a empêchée. Je comprends l'émotion et l'inquiétude des habitants qui peut aller jusqu'à la colère. Je redis l'engagement ferme du Gouvernement et de l'État à la transparence totale. Toutes les informations, tous les résultats des analyses seront communiqués au public. Le principe de précaution a été appliqué avec vigilance dès le début. Le préfet - auquel je redis tout mon soutien, car son action était délicate - a reconnu que la qualité de l'information à destination des maires n'avait peut-être pas été, dans les premières heures, à la hauteur des attentes légitimes des premiers magistrats des communes concernées. Les retours d'expérience sont utiles pour apprendre et améliorer. Nous avons fait nettoyer toutes les écoles avant leur réouverture lundi. Des consignes de surveillance ont été données, dès vendredi. Des analyses de l'eau, de l'air et des sols seront menées, dont les résultats seront tous rendus publics, j'y insiste. Le préfet de Normandie rendra compte de l'avancement des travaux chaque semaine lors d'une conférence de presse, appuyé par une cellule nationale d'appui scientifique, car beaucoup de questions techniques demeurent posées qui appellent des réponses précises. Le directeur général de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), ainsi qu'un expert de Santé publique France et le chef du service de pneumologie du CHU de Rouen seront associés à ces prises de parole. Hier soir, le préfet a rendu publique la liste des produits qui étaient conservés dans l'entrepôt qui a brûlé. Cette liste mentionne les caractéristiques précises des produits et les risques associés. Sur la base de cette liste, nous saisirons l'Ineris et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Nous ne savons pas tout aujourd'hui, mais tous les prélèvements font apparaître une qualité de l'air habituelle à Rouen. Les premiers résultats dans un rayon de 300 mètres autour du site ne montrent aucune anomalie sur le plan sanitaire. J'ai bien conscience que les odeurs incommodantes qui perduraient hier inquiètent la population. Elles ne présentent pas de risque pour la santé. Des opérations de nettoyage du site sont en cours.
    Je vous prie d'excuser cette réponse très longue...
    La loi Bachelot de 2003 a mis en place un régime d'indemnisation des catastrophes technologiques. Le précédent d'AZF à Toulouse, en 2001, où des milliers de logements ont été touchés, sert de modèle ; mais dans le cas présent, d'après les premières analyses, les critères ne semblent pas adaptés : le dispositif ne couvre pas les dommages des producteurs agricoles. Je veillerai, avec le Gouvernement et l'État, que les agriculteurs, les riverains et tous ceux qui ont subi un préjudice puissent mettre en cause la responsabilité de l'entreprise, de l'industriel ; seule en cause dans le régime des installations classées. Quant à la mise en place d'une étude épidémiologique, le Gouvernement mettra tout en oeuvre pour faire connaître l'ensemble des causes et des conséquences de cette catastrophe industrielle dont nous veillerons à ce qu'elle ne devienne pas une catastrophe sanitaire ou environnementale. 
  • Catherine Morin-Desailly. - Cette crise est grave. Toutes les leçons ont-elles été tirées du drame d'AZF ? Nous créerons une commission d'enquête au Sénat pour qu'un tel cas ne se reproduise pas.


_____ Sapeurs-pompiers

  • Olivier Cigolotti . - Monsieur le ministre de l'Intérieur, le Premier ministre a rendu un hommage légitime à l'intervention de nos sapeurs-pompiers, dont l'engagement sans faille force notre respect. Or, sur-sollicités pour des missions non urgentes, les soldats du feu sont à bout de souffle. Ils sont devenus dans nos territoires des soldats de la santé, à force de pallier les lacunes de notre système de santé. Lors du congrès de la fédération nationale, à Vannes, il y a quelques jours, vous rappeliez la relation spéciale entre les Français et les sapeurs-pompiers. Mais ils ne peuvent répondre à tous les défis, au changement climatique, à la désertification médicale, à la réorganisation et disparition des services publics. Leur situation est comparable à celle des urgences. Beaucoup de questions sont posées, peu de réponses apportées. Aucune information sur la future directive européenne sur le temps de travail ; pas de suite législative au rapport Volontariat ; rien sur le transport héliporté. Deux ans après l'annonce, par le président de la République, du lancement d'un numéro d'urgence unique, le 112, la France reste à la traîne dans la prise en charge des appels d'urgence. La France va-t-elle se priver d'objectifs ambitieux en matière de sécurité civile ?
  •  Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - Oui, le malaise est palpable. Pas moins de 84 % de l'activité des sapeurs-pompiers est mobilisée par les appels individuels d'urgence, souvent pour des interventions qui ne relèvent pas de leurs compétences. Nous travaillons à la mise en place de plateformes communes d'appel ; la Loire, la Haute-Loire ont déjà fusionné leurs plateformes. Avec la ministre de la Santé, nous allons mettre en place des coordinateurs ambulanciers, améliorer la collaboration entre l'ARS et les SDIS, limiter le temps d'attente aux urgences. Quant à l'arrêt Matzak, de la CJCE, il n'aura pas de conséquence négative sur le modèle français du volontariat. Enfin, nous faisons un effort sur la grille salariale, mais je ne peux engager de dépenses relevant des départements et des mairies sans leur accord - je réunis les financeurs le 10 octobre prochain.