Les débats

Hervé Maurey, Nadia Sollogoub, Jean-Marie Mizzon 02/10/2019

«DÉBAT : SÉCURITÉ DES PONTS : ÉVITER UN DRAME»

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  • Nadia Sollogoub . - Quiconque a été maire sait que la question des ponts n'est pas simple. Quand les problèmes surviennent, c'est qu'il est déjà trop tard et les travaux coûteux. Pourquoi cette politique de l'autruche, comme si les ponts étaient éternels ?  La loi sur l'eau a imposé des procédures complexes et coûteuses. Il y a quelques années le cantonnier communal pouvait faire quelques travaux préventifs. Maintenant, il faut faire un appel d'offres, trouver un bureau d'études : une visite initiale sommaire coûte de 2 000 à 5 000 euros par ouvrage. L'entretien courant au-dessus d'un cours d'eau n'est plus possible. Nombre de collectivités ne sont pas au courant du partage des charges avec VNF. Peut-on raisonnablement laisser VNF dire qu'elle ne s'intéresse qu'à la partie navigable ? Elle se borne à vérifier que les morceaux de pont tombés dans l'eau ne modifient pas trop la profondeur pour les bateaux, mais quid de l'usager de la voie d'eau qui risque de recevoir un morceau de pont sur la tête ?
  • Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Nous avons collectivement trop tardé et plus nous tardons à maintenir les ouvrages dégradés, plus le coût pour la collectivité sera élevé. D'où l'intérêt de conventions de cofinancement pour les 4 400 ouvrages enjambant des voies navigables. Nous veillerons à ce qu'elles soient signées dès le début de l'année 2020, puisque l'arrêté sera pris une fois la revue achevée, au 31 décembre.


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  •  Jean-Marie Mizzon . - Un cas particulier fait l'actualité en Moselle : le pont de Petite-Rosselle, construit au XIXe siècle pour l'acheminement du charbon. Son délabrement est tel qu'il faut le reconstruire. Le 19 mars 2019, devant la commission, Mme Borne a reconnu que ce pont appartenait sans ambiguïté à l'État, qui a repris le patrimoine des Houillères, et confirmé qu'il appartient à l'État de le remettre en l'état, disait-elle, annonçant des travaux prochainement. C'est pourquoi le maire de Petite-Rosselle a été très surpris d'apprendre du préfet que les travaux seraient uniquement cofinancés à hauteur de 35 %, qui plus est au titre de DETR, privant la commune d'un autre projet prioritaire. C'est la double peine !
  • Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. - Je dois vérifier ce point : mes services ne sont pas d'accord. La ministre a proposé une prise en charge partielle... Je ne m'avance pas et m'engage à vous faire une réponse écrite.
  •  Jean-Marie Mizzon. - J'en prends acte. Mais Mme Borne a bien dit et écrit que la prise en charge serait totale, le président Maurey en est témoin. La commune a épluché toutes les délibérations depuis 1850. C'est complexe, car il faut lire l'allemand et la Spitzschrift ! Elle n'a trouvé aucune trace de la moindre participation à la construction du pont. En revanche, les archives départementales regorgent de plans, de notes de calcul, de devis qui démontrent que le pont a bien été construit par les Houillères. Monsieur le ministre, il faut faire vite si vous ne voulez pas que cette actualité locale ne fasse l'actualité nationale.


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  • Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Merci aux rapporteurs, aux groupes politiques d'avoir participé à cette mission et à ce débat, et au ministre dont c'est le baptême du feu, même si nous avons eu l'occasion de travailler ensemble sur le nouveau pacte ferroviaire. Monsieur le ministre, vous annoncez que les travaux sur les ponts pourraient être imputés aux dépenses d'investissement. Ce serait une bonne nouvelle, qui permettrait de récupérer la TVA, mais ce n'est que l'une des dix propositions du rapport. Nous sommes loin du plan Marshall que nous avons appelé de nos voeux. En France, 25 000 ponts sont considérés à risque. Et 7 % des ponts d'État sont en situation insatisfaisante. La trajectoire budgétaire engagée est positive ; on nous annonce 120 millions d'euros à partir de 2022. Il faut monter en puissance très rapidement : si nous ne faisons rien, nous aurons dans dix ans deux fois plus de ponts en mauvais état qu'aujourd'hui. Nous sommes loin de ce qui se fait en Allemagne, par exemple. Pour les communes et les communautés de communes, la situation est préoccupante. Elles n'ont pas, comme les départements, des services compétents. Il faut les aider à acquérir une connaissance qualitative et même quantitative de leurs ponts, avant de les réparer. Dans mon département, on s'est aperçu un matin qu'un pilier manquait à un de nos ponts. Un coût : 300 000 euros pour la communauté de communes. En deux ans, elle aura dépensé près d'un million pour deux ponts. En Seine-et-Marne, des communes ont dû fermer leurs ponts à la circulation. Comme M. Corbisez, je regrette que l'on n'ait pas pu mobiliser le fonds créé après la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc. On a le sentiment qu'il faut attendre une catastrophe pour dégager les moyens nécessaires. Avec la suppression de l'Assistance technique de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (Atesat) en 2014, l'ingénierie nécessaire n'est plus là. L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) demeure dans le flou. Enfin, le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) n'a pas les moyens suffisants. Il y a eu Gênes, puis Taïwan. Il y aurait pu y avoir Gennevilliers. Arrêtons-nous là, et mettons les moyens nécessaires.