DANS LES MÉDIAS

Le Point: « II faut accepter une gouvernance économique fédérale »
21/06/2012

Le Point - La tribune de la refondation de la droite

Jean Arthuis:«Il faut accepter une gouvernance économique fédérale»

Humaniste. Il veut refonder le centre droit en puisant dans les valeurs démocrates-chrétiennes.
Le Point: Nicolas Sarkozy a-t-il tué l'UMP ? Jean Arthuis : Je ne partage pas ce sentiment. En fait, il a mis l'UMP à l'épreuve du pouvoir en temps de crise. Mais il est évident que la présidentielle écrase les débats. La théâtralisation de la vie politique atteint son apogée, au détriment des réflexions de fond. Cela empêche-t-il la droite de se régénérer ? Bien sûr. La gesticulation et les débats frivoles occupent toute la scène et seuls comptent les voies et moyens pour accéder au pouvoir. On est donc dans le déni de réalité, au bord du chaos généralisé. Le plus frappant, c'est l'Europe. Elle est, au fond, l'expression de nos turpitudes et de nos lacunes de gouvernance. Le monde a cru pendant dix ans qu'avec l'euro on avait trouvé la pierre philosophale, que cette monnaie nous mettait à l'abri. C'était une hallucination collective ! Le centre peut-il aider la droite à sortir de ce déni de réalité ? D'abord, l'hypercentre a succombé, par la gouvernance de François Bayrou, mais aussi par le mode de scrutin. C'est donc le centre droit qu'il faut refonder, comme Giscard avait réussi à le faire. Est-ce par un mouvement spécifique ou à l'intérieur de l'UMP, la question est posée. Je suis convaincu qu'il existe en France une culture démocrate-chrétienne attachée à l'économie sociale de marché, à la liberté d'entreprendre, à la justice sociale. A droite, il y a d'un côté les bonapartistes, de l'autre les humanistes-réalistes. Il faut que ces deux tendances puissent s'exprimer. Autour de quelles idées la droite et le centre droit doivent-ils se reconstruire ? Il faut qu'on se mette d'accord sur quelques valeurs fondamentales, mais il faut surtout prendre conscience qu'on vit dans un espace mondial. L'urgence, c'est de rompre avec nos nostalgies. Il faut abolir l'Etat prescripteur et l'hystérie normative. En multipliant les lois pour satisfaire chacun, on bride la responsabilité, on brise la créativité et on freine la compétitivité. Nous devons privilégier la production et cesser de croire que la consommation est le moteur de la croissance. Mettons-nous aussi au clair avec l'Europe, la monnaie unique et un partage de souveraineté. Il faut en assumer les conséquences et accepter de fédéraliser la gouvernance économique, financière et budgétaire. Vous militez pour des primaires à droite ? Pourquoi pas ? On peut organiser des primaires à l'intérieur de la gauche et de la droite, qui se substitueraient au premier tour de la présidentielle. Dès lors, il serait logique d'instaurer un seul tour à la présidentielle et d'instituer l'élection simultanée du chef de l'Etat et des députés. Ce serait la fin des « godillots », l'avènement d'un vrai Parlement ! Quel leader vous paraît-il le plus à même d'émerger à droite ? Pour l'instant, je n'en vois pas, mais le problème n'est pas là. La compétition d'ego à droite nous a plongés dans un spectacle dérisoire et pathétique. Il faut désormais privilégier le fond. Vous semblez désabusé... A cause de la médiatisation, le politique est comme le gars qui cherche ses clés en pleine nuit : il se met sous le lampadaire parce qu'il y a de la lumière ! Je voudrais qu'on change de logiciel. Jean Monnet disait que les citoyens n'acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne reconnaissent la nécessité que dans la crise. C'est maintenant qu'on doit franchir un saut qualitatif. Mais les partis politiques sont des boutiques qui ne ressemblent à rien. Ils ont besoin de sociologues, de chercheurs, de gens qui ne seraient pas là pour établir une tactique politique, mais pour éclairer la société. La droite ne parvient pas à définir une trajectoire et à s'y tenir, alors qu'elle a tout pour réussir. Tout cela est un immense gâchis, mais je reste confiant.