DANS LES MÉDIAS

LES ECHOS : "Très haut débit : SFR prêt à passer en force pour déployer son réseau"
Hervé Maurey 20/07/2017

L'opérateur a suscité l'émoi et le scepticisme après avoir annoncé son intention de fibrer 100% du territoire d'ici à 2025.

FABIENNE SCHMITT
SFR persiste et signe. Une semaine après avoir révélé, dans nos colonnes, son plan pour fibrer la France, qui a suscité le scepticisme de part et d'autre, l'opérateur télécom assure qu'il le mènera à terme quoi qu'il arrive.  « Nous avons décidé de déployer notre propre infrastructure fibre sur tout le territoire, donc nous allons la déployer. Notre programme d'accélération va démarrer début septembre » , a affirmé mercredi devant la presse Michel Combes, directeur général d'Altice, la maison-mère de SFR. L'opérateur du tycoon des télécoms Patrick Drahi promet de déployer la fibre sur «  80% du territoire en 2022 et 100% en 2025 » . Alors que beaucoup s'étonnent de la capacité de SFR à tenir ses engagements, Michel Paulin, le directeur général de SFR, l'assure :  « Aujourd'hui, nous avons fait la démonstration que nous pouvons déployer 2 millions de prises fibre par an. Demain, pour rentrer dans notre plan, il va falloir monter à 2,5 millions, ce n'est pas un effort gigantesque. » « Aujourd'hui, on investit 2 milliards par an dans nos réseaux, on va augmenter un peu », renchérit Michel Combes, qui table aussi surtout sur les économies qu'il va faire sur les 800 millions versés à Orange pour l'utilisation de son réseau de cuivre. Une fois qu'il aura son propre réseau, plus besoin de louer celuui d'Orange.  Et tant pis si cela dynamite le plan Très Haut Débit tel qu'il a été défini par l'Etat. Ou plutôt tant mieux, semblent penser les dirigeants de SFR, car ce dernier, dit Michel Combes, relève d'une  « carte d'économie administrée » . Selon lui,  « ce modèle obsolète ne fonctionne plus » .  A l'origine l'Etat a divisé la France en trois zones : les grandes villes, les agglomérations de taille moyenne et les campagnes. Dans les premières, chaque opérateur déploie son réseau, dans les deuxièmes, le déploiement de la fibre est réparti entre Orange et SFR, le premier en ayant 90 % et le second 10 %. Et dans les campagnes, où les opérateurs privés rechignent à investir, mais qui concernent 15 millions de foyers, c'est l'Etat qui finance les réseaux dits « d'initiative publique » (les RIP), avec les collectivités territoriales.  Ce que propose SFR casse toutes les règles du jeu puisqu'il veut déployer son propre réseau partout, donc y compris sur les zones réservées à Orange. Et sur celles ou l'Etat a déjà commencé à financer des réseaux qui risquent d'être fragilisés par la concurrence de celui de SFR... Gaspillage d'argent public ? Au contraire, répond SFR,  « on peut faire faire des économies à l'Etat et aux collectivités territoriales », explique Michel Paulin. Nous ne demandons aucune subvention publique » . SFR chiffre ainsi  à « entre 8 et 15 milliards d'euros l'économie que l'Etat pourrait faire » . Et puis, aujourd'hui,  « des opérateurs de RIP viennent frapper à notre porte pour voir si on en peut pas, à terme, racheter leur infrastructure... » , sourit Michel Combes.  Scepticisme affiché  Le projet de SFR a été accueilli avec beaucoup de circonspection au sein de l'écosystème des télécoms. « Je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir un rictus quand j'en ai pris connaissance » , glisse, ironique, une source proche du gouvernement.  « Je crois qu'il n'y a pas grand monde qui croit à ce que vous avez annoncé » , a lancé Hervé Maurey, président de la Commission de l'aménagement du territoire du Sénat, au secrétaire général de SFR Régis Turrini, qu'il auditionnait mercredi matin, ainsi que les autres grands acteurs télécoms sur leurs intentions dans le très haut débit en France.  La Firip, fédération des industriels des RIP, est vent debout contre SFR.  « Comment croire un acteur qui se découvre subitement une vocation de service public en affirmant pouvoir fibrer toute la France d'ici 2025 sans financement de l'Etat alors qu'il n'a pas respecté ses annonces de 2011 concernant la construction de 1,6 million de prises dans les communes qu'il considère comme rentables ? » , s'insurgeait-elle récemment.  Pour l'heure, l'Etat n'a pas réagi au plan de SFR. Les représentants de l'opérateur ont sollicité un rendez-vous avec le Premier ministre, après lui avoir détaillé par courrier leurs intentions. Emmanuel Macron a simplement indiqué qu'il souhaitait une accélération pour  « arriver à une couverture en haut et très haut débit d'ici à la fin de l'année 2020 » . « On va discuter dans les jours qui viennent avec les pouvoirs publics sur les freins qui pourraient bloquer nos déploiements », affirme Michel Combes, droit dans ses bottes.