LES COMMUNIQUÉS

Hervé Marseille 13/06/2019

«DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE, 13 juin 2019 - INTERVENTION D'HERVÉ MARSEILLE, Président du groupe Union Centriste au Sénat»

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président,

Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Chers collègues,

La vie politique est faite de cycles. Ceux que nous vivons depuis quelques années sont de plus en plus rapides, imprévisibles et violents. Cela nous appelle tous à beaucoup d’humilité.

Cette double déclaration de politique générale fait suite à deux années d’exercice du pouvoir et à un scrutin européen riche d’enseignements, notamment après les mois de crise que nous avons traversés. Quel a été le message des électeurs ?

Une majorité a d’abord oui à l’Europe, qu’elle soit en marche, centriste, LR, écologiste ou socialiste. Oui à une Europe qui protège ses habitants. Oui à une Europe qui sait qu’elle doit se réformer en se renforçant.

Les Français ont ensuite dit oui aux réformes. En tout cas, la liste soutenue par le Président de la République n’a pas enregistré de désaveu manifeste. D’ailleurs, si son score est proche de celui de l’élection présidentielle, cela a été possible par l’apport de voix nouvelles venues du centre- droit. Ces électeurs ont salué l’engagement et le pragmatisme de votre gouvernement. Et condamné les oppositions stériles.

Enfin, les électeurs ont clairement affirmé leurs fortes préoccupations environnementales.

Ces constats, Monsieur le Premier ministre, vous souhaitez naturellement qu’ils inspirent la nouvelle étape de votre action.

Après vos propos d’hier et de ce matin engageant l’acte II du quinquennat, je distinguerai la forme et le fond.

Sur la forme, nous ne pouvons que saluer votre volonté d’améliorer les méthodes de travail, en particulier avec le Parlement et les élus locaux ainsi que le retour à une répartition des rôles entre le Président et vous-même plus conforme à la Constitution.

Sur le fond, vous avez fixé les objectifs et le calendrier des prochains mois. Vous avez présenté, ou confirmé, les réformes envisagées.

Sans les énumérer, je constate que nous n’avons pas à leur égard d’opposition de principe ou de crispation sur aucune d’entre elles. Parfois même, nous les appelons de nos vœux et pour certaines, de longue date. Je crois que le pays les attend, que le pays en a besoin.

J’en commenterai brièvement deux.

Nous partageons évidemment l’objectif de simplification du système de retraites. Nous partageons la philosophie générale d’un système plus équitable. C’est naturel puisque cela est conforme à notre proposition historique de transformation vers un régime par points.

Nous serons toutefois vigilants sur le maintien des niveaux de pensions et nous veillerons à ce que les règles et les droits des familles ne soient pas altérés.

Nous souhaitons aussi une gouvernance équilibrée entre l’État, les partenaires sociaux et la représentation nationale.

Concernant la révision de la Constitution, disons-le clairement : nous souhaitons le bon aboutissement de cette révision.

Mon Groupe, comme le Sénat j’en suis certain, est décidé à jouer pleinement son rôle de constituant. Sans manœuvres dilatoires, sans arrière-pensées, sans propositions autres que constructives. D'autant plus que le nouveau projet abandonne la refonte de la procédure parlementaire qui appelait de nombreuses réserves.

Concernant les textes organiques et ordinaires associés, la question du nombre de parlementaires, pour populaire qu’elle soit, ne constitue pas la bonne entrée en matière. La crise des gilets jaunes l’a montré, l’angle incontournable est celui de la proximité. Cette réforme doit absolument maintenir le lien entre les citoyens et leurs élus nationaux, sauf à délégitimer un peu plus la démocratie représentative. Je doute que nous puissions nous offrir ce luxe.

En dépit de nos approches différentes, notre divergence se résume désormais à quelques unités. Comment raisonnablement l’invoquer pour justifier le report de l’examen de ces textes ?

En revanche, nous ne comprenons pas votre insistance à porter atteinte à une des spécificités du Sénat: la permanence de la Haute assemblée associée à son renouvellement partiel, principe d’ailleurs constitutionnel et élément de démocratie apaisée.

Je suis convaincu que vous nous entendrez, d’autant plus facilement que cette disposition n’a pas d’incidence sur l’architecture de la révision.

Monsieur le Premier ministre, nous avons vocation à accompagner les réformes présentées, voire à les soutenir.

Pour autant, à nos yeux, ce soutien ne constitue pas un alignement. Un soutien ne peut pas être unilatéral. Il se conçoit dans le cadre d’un dialogue responsable entre élus soucieux de l’intérêt général.

Au cours des deux années écoulées, nous avons maintes fois regretté l’impossibilité d’un dialogue plus fécond avec vos ministres dans cet hémicycle et l’attitude souvent fermée de la majorité à l’Assemblée nationale. J’ai compris que cela allait évoluer et changer, tant mieux !

Nous avons d’autres interrogations.

Nous sommes l’Assemblée des collectivités et des territoires.

Je vous donne acte que ce n’est pas vous qui avez baissé les dotations. Ce n’est pas vous qui avez organisé ces gigantesques bazars qui ont pour noms MAPTAM et NOTRe. Malheureusement, c’est bien vous qui avez inventé ce mistigri de la suppression de la taxe d’habitation et vous qui avez donné le sentiment d’un regard distancié et clinique sur cette France éloignée des métropoles. Depuis deux ans, les signaux se sont multipliés qui ont forgé l’impression que collectivités et territoires étaient les parents pauvres des politiques publiques, voire qu’ils faisaient l’objet d’un certain dédain jacobin.
Il va falloir transformer l’essai du grand débat. A vous de démontrer que votre écoute des territoires ces derniers mois n’était pas factice.

Nous sommes également la Chambre de la continuité, du temps long. Nous nous souvenons ainsi de l’engagement de campagne d’Emmanuel Macron de réduire la dépense publique.

En réalité, nous n’avons jamais autant dépensé. Et rien ne laisse entrevoir un retournement en la matière, bien au contraire. De façon structurelle, nous le savons tous, la démographie exercera une pression à la hausse sur les dépenses de retraite et de santé. Il reste une inconnue, le financement des économies ou des économies. En fait, cette inconnue est connue. Elle s’appelle le déficit.

Si nous sommes attachés à la baisse de la dépense publique, ce n’est pas par fétichisme mais parce que sont en jeu notre indépendance et le fardeau que nous laisserons à nos enfants. Nous leur laisserons déjà un monde au bord de l’abîme. Nous ne pouvons pas leur laisser en plus une corde autour du cou.

Vous auriez cependant tort de ne pas le faire car les Français n’en ont jamais tenu rigueur à vos prédécesseurs. Vous, au moins, ne faites pas semblant. Mais nous, nous ne pouvons pas faire semblant de ne pas voir. De ce point de vue, les gouvernements se succèdent et se ressemblent !!

Enfin, le scrutin européen a constitué, Monsieur le Premier ministre, un révélateur concernant les priorités écologiques. Cette révélation succède au spectacle plus ou moins enjoué d’une course- poursuite entamée au début du quinquennat.

La course a commencé avec Nicolas Hulot sur la ligne de départ. Mais de même qu'une hirondelle ne fait pas le printemps, Hulot à lui seul ne pouvait pas faire le verdissement. Son départ a d'ailleurs prouvé qu'il n'était pas l'arbre qui cachait la forêt mais plutôt le palmier qui masquait le désert.

La course a repris avant les élections européennes. Elle se poursuit aujourd'hui avec, je cite, "l'accélération écologique". Cette accélération, vous la traduisez par des mesures auxquelles nul ne saurait s'opposer : qui est favorable au gaspillage ? Qui est favorable au plastique dans les administrations ? Qui peut encore défendre les niches anti-écologiques ? Personne, évidemment.

Notre premier grand combat est celui de la biodiversité.

Vous avez décidé d'abandonner le projet de la montagne d'or. Quand on sait ce que chaque mètre carré de forêt vierge représente, ce n'est pas rien.
Quant au plastique, il est l'un des fléaux qui menacent toutes les espèces. Vous entendez agir. Mais uniquement sur la consommation alors que la production est au cœur du problème. Les industriels ont fait le choix du plastique pour des raisons économiques. Allons-nous les contraindre, intelligemment, lorsque des alternatives existent ?
Le second combat décisif est celui de la lutte contre le réchauffement climatique. Nous adhérons pleinement à l’idée que la meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas. Nous soutiendrons donc votre plan de révision des aides à la rénovation énergétique. Une réforme qui s’inscrit dans la droite ligne du « Grenelle de l’environnement » de Jean-Louis Borloo. Celle d’une écologie incitative et non punitive et moralisatrice.

Mais compte-tenu des besoins énergétiques à venir, l’efficience ne fera pas tout. Une question essentielle se pose: peut-on à la fois sortir des énergies fossiles et réduire la part du nucléaire ? Nous espérons que l’examen prochain du plan énergie climat y répondra. Même en relançant l'éolien offshore, il sera difficile d’atteindre la neutralité carbone ?

Il nous faut ainsi clarifier notre politique énergétique. Faute de quoi, « l’accélération écologique » plafonnera vite à 80 km/h !

Monsieur le Premier ministre, à mi-quinquennat, vous nous demandez de soutenir votre déclaration et plus largement l’action gouvernementale. C’est rare et nous saluons cette volonté d’écoute du Sénat.

Notre Groupe valorise la constance. Les deux années écoulées l’ont démontré. Sur les ordonnances travail, la réforme ferroviaire, la loi PACTE, la LOM, la loi santé, nous avons assumé notre cohérence historique.

Le Groupe centriste souhaite unanimement la réussite de l’action de votre gouvernement. De toute façon, le pays n’a pas d’autre choix pour échapper aux démons qui le démangent.

C’est pour cela que dans les mois à venir, vous nous trouverez à vos côtés chaque fois qu’il s’agira de promouvoir les réformes utiles à notre pays. Comme vous nous avez également trouvés à vos côtés en décembre dernier lorsque la République semblait en difficulté et qu’il fallait éteindre l’incendie allumé par d’évidentes maladresses.

C’est en fonction de cette observation pondérée que de nombreux sénateurs du Groupe voteront ce que l’on peut qualifier la confiance tandis que les autres exprimeront par leur abstention une retenue bienveillante.